La lutte contre la criminalité financière au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Arsène Gérard ESSONO EDOU Université de Yaoundé II - Diplôme dà¢â‚¬â„¢Etudes Approfondies 2012 |
B- L'adoption d'actes plus pratiquesJusqu'à présent, la lutte contre la criminalité financière engagée au niveau de la communauté internationale se matérialise par des actions purement théoriques. En effet, seules des déclarations, conventions et recommandations sont prises à l'heure actuelle, afin d'amener les Etats à prendre des mesures pour organiser la lutte contre la criminalité financière sur la scène nationale. C'est le cas par exemple des recommandations faites par le Groupe d'Action Financière internationale contre le Blanchiment des capitaux (GAFI). Cependant, cette méthodologie adoptée par les Etats réunis au sein de la communauté internationale ne semble pas porter véritablement des fruits, car elle est trop aléatoire. En effet, la réussite des mesures de lutte contre la criminalité financière qui ont été prises jusque là dépend trop de la volonté et du bon vouloir des Etats, qui peuvent décider d'appliquer ou non les recommandations internationales. Ce qui fait en sorte que les Etats, même après avoir adopté une quelconque Convention internationale, ne se décident pas toujours à appliquer ses dispositions. Le processus d'insertion de la disposition internationale dans l'ordre juridique interne prend d'abord du temps, retardant la mise en oeuvre de tout le processus. Et, quand bien même elle est insérée, sa mise en oeuvre rencontre quelques difficultés. Celles-ci sont dues au caractère purement déclaratif de la plupart des mesures prises dans le cadre de la lutte contre la criminalité financière sur le plan international. C'est pour cette raison que Monsieur Jean DE MAILLARD affirme que : « les déclarations des chefs d'Etat et de gouvernement, psalmodiées comme une litanie rituelle lors de chaque sommet international, ne débouchent sur rien, car personne ne veut toucher à l'essentiel. »118(*) Ainsi donc, les différentes Conventions, traités et autres déclarations ou recommandations internationales n'ont pas, pour la plupart, de mesures contraignantes. C'est pour cela que, après une conférence interétatique sur la résolution d'une question comme celle portant sur la lutte contre les paradis fiscaux, l'on ne peut être sûr des résultats engrangés par la conférence. L'absence du caractère contraignant de la convention internationale porte un frein à la mise en place de la lutte espérée, aussi faudrait-il envisager des mesures plus contraignantes, pouvant obliger les Etats à lutter contre la criminalité financière. Un exemple de texte comportant des mesures contraignantes est le Règlement CEMAC N°01/03-CEMAC-UMAC portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale, dont l'article 69 prévoit que ledit règlement « entre en vigueur le 1er jour du mois suivant celui de sa publication au Bulletin officiel de la communauté ». Par cette mesure, la possibilité n'est pas véritablement donnée aux Etats parties d'étudier encore les conditions d'application du Règlement, et de décider de son application ou pas. C'est donc ce type de mesures que les Etats réunis au sein de la communauté internationale devraient pouvoir adopter. L'adoption de mesures contraignantes en matière de lutte contre la criminalité financière, loin de constituer une option facultative, devrait en réalité être considérée comme une obligation, surtout en ce qui concerne l'éradication des paradis fiscaux. En effet, ces zones de non droit, dont la seule utilité est de permettre d'échapper aux lois nationales des autres Etats et de réintroduire le produit du crime dans un système financier normal, devraient être combattues avec la plus grande énergie. Au nom du droit au respect de leur souveraineté, ces centres financiers permettent la normalisation de pratiques financières illicites, nuisant aux intérêts des autres Etats. Certes des mesures de sanction commencent à être prises contre ces centres financiers, mais beaucoup reste encore à faire afin de mettre fin aux pratiques illégales de ces pays. Il est ainsi étonnant de constater que, « alors que le droit d'ingérence est invoqué pour régler certains conflits locaux, on continue pourtant de s'interdire, au nom du principe sacré de la souveraineté nationale, toute influence sur les pays qui monnayent cette souveraineté et vendent leur législation au plus offrant. »119(*) Pour terminer, il est important que les Etats réunis au sein de la communauté internationale mettent réellement en oeuvre la coopération judiciaire prévue par les différents textes en vigueur. En effet, la bonne application de certains textes tels que la Convention contre la corruption, qui prévoit une coopération effective entre les Etats pour ce qui concerne la lutte contre cette infraction, devrait pouvoir réduire les effets de cette infraction. De plus, pour lutter contre le blanchiment par exemple, une coopération est nécessaire, dans le sens où les opérations de blanchissements s'effectuent le plus souvent sur le territoire d'autres Etats, où les juridictions nationales n'ont plus véritablement de pouvoir concret. Aussi, il est nécessaire que le Cameroun rejoigne les autres Etats, pour que cette coopération judiciaire ne soit plus une théorie, mais plutôt une réalité sur la scène internationale. Un aspect non négligeable de cette coopération serait de promouvoir et encourager le dialogue entre les juges de nationalités différentes, surtout dans les matières concernant l'application de textes internationaux pouvant être invoqués par des juges de nationalités différentes. Ainsi donc, afin de procéder à une lutte franche et véritable contre la criminalité financière, les Etats réunis au sein de la communauté internationale doivent adopter des mesures plus contraignantes permettant de lutter efficacement contre ce type de criminalité. Ce n'est que de cette manière, et en abordant franchement les problèmes qui se posent au lieu de les contourner, que l'on pourra espérer la diminution considérable de la criminalité financière. Le Cameroun, pays qui connait ce type de criminalité d'un genre particulier et aux conséquences avérées, devrait pouvoir utiliser sa position au sein de la communauté des Nations pour impulser la prise de mesures concrètes de lutte contre ce type de criminalité. Cela aurait pour principal effet, en ce qui concerne ce pays, d'améliorer la collaboration entre les autres Etats pour lutter contre ce type de criminalité, ainsi que de faciliter les actions des autorités nationales en charge de la lutte contre ce type de criminalité. L'amélioration de la lutte contre la criminalité financière doit donc passer par l'action combinée du gouvernement camerounais et de la communauté internationale. Cette coopération est nécessaire pour une lutte efficace contre un phénomène criminel qui prend de plus en plus de l'ampleur. * 118DE MAILLARD (J) : « Dans l'archipel planétaire de la criminalité financière : le marché de la Loi rend les délinquants prospères » ; in Le Monde diplomatique, Avril 2000 * 119DE MAILLARD (J) : « Dans l'archipel planétaire de la criminalité financière : le marché de la Loi rend les délinquants prospères » ; in Le Monde diplomatique, Avril 2000 |
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