B- La proximité entre citoyens et élus
La compétence politique, nécessaire à une
participation démocratique efficiente, ne peut produire ses pleins
effets que dans le cadre d'un espace public d'échanges entre gouvernants
et gouvernés.
En effet, la pleine citoyenneté nécessite,
au-delà des formes traditionnelles de participation politique propres
à la démocratie représentative, la création et le
développement d'un espace public d'échanges entre citoyens et
élus. Pourtant, à l'observation, le paysage politique et
institutionnel burkinabè paraît dépourvu d'un tel espace.
L'une des rares occasions qui est offerte aux citoyens et aux élus
d'échanger sur les affaires de la république fut le sporadique
forum Assemblée Nationale/Société civile. Alors que, comme
l'a si bien remarqué Philippe BRAUD121, «il ne
suffit pas, en démocratie, que les gouvernés soient
représentés, il faut encore qu'ils le ressentent. C'est là
un élément important de la légitimité du
régime politique, voire de son efficacité sociale».
A cet égard, il apparaît que la
représentation proportionnelle ne semble pas favoriser de rapports
étroits entre l'élu ou le candidat et les citoyens. En effet,
elle distend les liens des élus avec leurs circonscriptions dans la
mesure où ils savent qu'ils ont davantage intérêt
à
121 BRAUD Ph, op, cit, p 355
53
développer leur loyalisme plus envers la direction de
leur parti qu'envers leurs électeurs122.
Les élus issus d'un mode de scrutin plurinominal ont
peu d'attaches avec les citoyens, surtout si la circonscription
électorale est particulièrement étendue. Tel est le cas
des élus issus de la liste nationale aux élections
législatives burkinabè123.
La sélection des candidats qui dépend des
états-majors des partis et formations politiques est parfois plus
importante que l'élection elle-même124. Les élus
dans ce cas n'ont pas de raisons décisives de se mettre
intensément à l'écoute des électeurs. L'important
est surtout de conserver des titres de mérite ou faire preuve de
subordination à la direction du parti qui les a fait
élire125.
Pour renouer avec le citoyen, il importe, d'abord, d'accorder
une place de choix aux militants de base dans le processus de sélection
des candidats à toute élection. Les partis et formations
politiques devraient recourir à des assemblées primaires ouvertes
à des non-adhérents qui participent au processus de
sélection. La direction du parti n'aurait pour prérogative que la
confirmation des investitures localement effectuées.
Ensuite, le citoyen doit avoir l'opportunité d'entamer
un véritable débat démocratique face au candidat ou
à l'élu. Cela peut se faire par le canal des médias et
dans une moindre mesure par les conférences et/ou
causeries-débats organisées par les directions de partis. Ce qui
permettrait d'établir une communication fluide entre la direction du
parti et sa base sociale.
Enfin, la mise en place de mécanismes
d'imputabilité politique permettra de mettre en avance la
responsabilité des gouvernants et, partant, d'entraîner une large
participation des citoyens. C'est seulement à ce prix que peuvent
être préservés les acquis démocratiques
enregistrés depuis l'adoption de la 4ème
république, en 1991 et le processus de consolidation de la
démocratie.
122 LOADA A.M.G, «Le mode de scrutin », in
La réforme du système électoral au Burkina Faso,
Ouagadougou, IDEA, 1999, p.81.
123 Vingt et un (21) des cent onze (111) sièges de
députés à l'Assemblée Nationale sous la
3ème législature puis quinze (15) sous l'actuelle,
sont pourvus sur la liste nationale.
124 En réalité, dans la plupart des cas les
questions d'investitures sont réglées à l'exclusion des
adhérents.
125 A ce propos, les motifs d'invalidation de listes du PAI pour
les législatives de mai 2007 par la CENI, sont illustratifs.
54
|