CONCLUSION
Après deux expériences
éphémères de multipartisme, le Burkina Faso, à la
faveur de la restauration démocratique en 1991, a organisé sans
discontinuité plusieurs élections concurrentielles. L'analyse de
cette série d'élections laisse apparaître un taux de
participation peu élevé. Les taux de participation officiellement
présentés deviennent insignifiants dès qu'ils sont
rapportés au potentiel électoral existant. Ces taux de
participation varient d'un scrutin à un autre et d'un type de scrutin
à un autre.
Ainsi, il ressort des résultats de la participation que
l'électorat burkinabè se mobilise un peu plus aux scrutins
référendaires avec, toutefois une baisse tendancielle (75,92% en
1970 ; 71,45% en 1977 et 48,78% en 1991).
Cette mobilisation fléchit davantage au cours des
scrutins concurrentiels. La mobilisation aux scrutins présidentiels
paraît plus conséquente par rapport à celle
enregistrée au cours des scrutins de types proportionnels.
Sous la 4ème république, le niveau de
participation aux scrutins législatifs et présidentiels a
régressé après le premier renouvellement de mandats des
Députés en 1997 et du Président du Faso en 1998.
Avec la communalisation intégrale, le niveau de
participation aux consultations locales continue de décroître
puisqu'il passe de 48,38% en 1995 à 28,69% en 2006.
Le constat de la faible participation des citoyens aux
consultations électorales s'explique par deux types de facteurs
complémentaires. Ainsi, sont constitutifs d'obstacles à la
participation, la pauvreté et le manque de démocratie sociale
d'une part et d'autre part, le manque d'alternative politique et d'enjeux aux
scrutins électoraux.
Cette forte réserve de l'électorat dont les
causes sont connues n'est pas sans danger pour la consolidation du
système démocratique burkinabè car elle pose le
problème de la légitimité que doit conférer une
élection à une l'autorité politique, d'autant plus que la
démocratie repose sur l'expression de la volonté populaire. S'il
est vrai que le constituant burkinabè ne conditionne pas la validation
d'un scrutin par l'atteinte d'un seuil minimum de taux de participation, la
participation d'une minorité de citoyens peut constituer une menace
à la stabilité sociale.
L'expérience a montré, de manière
éloquente, qu'une dégradation profonde et durable d'un
système politique aboutit à toutes les aventures, surtout
militaires qui marquent
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d'ailleurs leur retour en Afrique occidentale. En
témoignent les exemples guinéens, mauritanien, nigérien ou
ceux caractérisés par les crises prolongées au Togo ou en
Côte d'Ivoire.
D'où la nécessité de renforcer le
processus électoral par la création d'un environnement
électoral favorable, la rationalisation du paysage partisan afin de
susciter une meilleure participation des citoyens. A cet effet, partis
politiques, organisations de la société civile, acteurs de
l'éducation mais aussi citoyens ont tous une responsabilité dans
la conquête d'une participation citoyenne.
Les élections étant essentielles en
démocratie, il apparaît nécessaire d'éviter qu'elles
servent seulement à légitimer le pouvoir des élites
gouvernementales pour les besoins de respectabilité internationale.
En effet, les élections doivent rester un moyen par
lequel le peuple confère le pouvoir. Ce faisant, convient-il de
redoubler d'efforts et surtout d'engagement pour parvenir à inculquer
les réflexes démocratiques à la majorité des
citoyens. Lorsqu'il s'agit de la plus grande majorité de la population
qui s'illustre par son désintérêt au processus
électoral, cela doit préoccuper aussi bien la classe politique
que la société civile. Déjà, dans la perspective de
la prochaine élection présidentielle, la CENI n'aura obtenu,
à l'issue de l'opération de recensement électoral, que
l'inscription de 3.330.792 citoyens sur les listes électorales, sur
environ sept millions de Burkinabè en âge de voter, soit un taux
d'inscription de 47,58%. N'est-ce pas là un signal de
désapprobation aux intentions plus ou moins affichées du parti au
pouvoir de lever la clause limitant le nombre de mandats présidentiels
consécutifs à deux? Il s'agit du plus faible taux d'inscription
dans l'histoire constitutionnelle du Burkina Faso et les partisans de la
non-limitation du nombre de mandats doivent en tenir compte, dans le
débat autour de l'article 37 de la Constitution.
Au delà de la faible représentativité des
élus, ne se trouve-t-il pas posée la question de
l'efficacité de la démocratie représentative dans un pays
où la majorité de la population reste encore attachée aux
valeurs culturelles et traditionnelles qui véhiculent des logiques de
dévolution du pouvoir en inadéquation avec le principe du
suffrage universel?
Pour rendre le processus démocratique
irréversible, il convient de veiller à ce qu'aucune fracture ne
s'établisse entre le peuple et les institutions qui doivent
répondre à ses attentes. Dans cette perspective est-il permis
d'espérer que l'institution d'un chef de file de l'opposition
contribuera à relever le niveau de participation électorale au
Burkina Faso ?
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