Chapitre II : Les conditions d'une bonne participation
électorale.
Pour assurer une bonne participation aux consultations
électorales, il importe d'envisager des réformes de nature
à inspirer davantage la confiance des acteurs politiques et des
citoyens. A cet effet, il apparaît nécessaire de procéder
à la création d'un environnement électoral favorable d'une
part (Section I) et d'autre part à la promotion d'une véritable
culture démocratique (section II).
Section I : La création d'un environnement
électoral favorable
Tout processus électoral doit obéir, dans sa
mise en oeuvre, à un certain nombre de principes dont la
nécessité d'une crédibilisation du jeu électoral
(§ I) mais aussi et surtout de l'établissement d'un système
véritablement compétitif (§ II).
Paragraphe I : La crédibilisation du jeu
électoral
Les institutions qui interviennent dans l'organisation des
élections doivent répondre à un certain nombre de
critères. Parmi ceux-ci, il sera évoqué la
nécessaire effectivité de leur indépendance (A) qui
constitue une garantie de la sincérité des scrutins (B).
A- La nécessaire effectivité de
l'indépendance des institutions électorales
Avec la transition démocratique, le manque de confiance
et la forte politisation du Ministère de l'Administration
territoriale97 ont conduit à exiger l'institution d'une
Commission électorale dite indépendante.
Mais la question étant politique, elle doit
requérir un consensus en vue d'un arbitrage neutre. A ce jour, la
question fondamentale qui se pose encore, est celle de l'indépendance
effective dans la mesure où c'est elle qui inspire la confiance des
acteurs politiques et sociaux.
En effet, l'indépendance reconnue aux institutions
électorales est assez relative au regard de la composition et du mode de
désignation des membres. Ceux-ci éclairent sur le degré de
soumission ou d'indépendance de l'institution.
L'analyse de la composition des institutions comme la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)98 et le
Conseil Constitutionnel99 permet de comprendre que le
97 Dans la plupart des Etats d'Afrique francophone, ce
Ministère a traditionnellement en charge l'organisation des
élections, en référence au modèle
français.
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pouvoir de désignation n'est pas suffisamment
partagé. Une manipulation du mode de désignation peut aboutir
à une politisation de ces institutions qui jouent un rôle capital
dans la tenue d'élections crédibles. La nomination des
présidents de ces institutions par le pouvoir exécutif limite
leur indépendance vis-à-vis du pouvoir.
Qu'il s'agisse de la CENI ou du Conseil constitutionnel, la
composition doit respecter le principe d'équité et surtout de
neutralité, pour éviter l'hégémonie
numérique des représentants choisis par le pouvoir
exécutif.
A ce sujet, il convient de relever avec le Pr IBRIGA que les
rapports de force au sein de la CENI font qu'on peut connaître à
l'avance le résultat de l'élection du Président de ladite
institution. Cela s'explique par le fait que les animateurs des organisations
de la société civile sont souvent des acteurs politiques
déguisés et aux appartenances partisanes plus ou moins bien
connues100.
A cette question majeure de la composition s'ajoute le manque
d'autonomie financière qui fait que la CENI reste dépendante du
pouvoir exécutif101. L'autonomie financière
étant un aspect déterminant dans l'effectivité de
l'indépendance, il est nécessaire que la CENI en soit
véritablement dotée. Cela évitera son assujettissement
budgétaire à l'exécutif102 qui pourrait ainsi
exercer un chantage sur elle en cas de velléités d'envol hors de
la cage du pouvoir.
Mieux, il importe de constitutionnaliser la CENI et ses
démembrements et renoncer à la représentation des partis
en son sein car cela semble contraire au principe du droit qui veut que
l'arbitre ne soit pas en même temps partie prenante de la
compétition.
Quant au Conseil constitutionnel qui veille sur la
régularité des scrutins103, la retouche consisterait
à la détermination de la durée du mandat de son
président. En effet, si les membres jouissent d'un statut
protecteur104, il n'en est pas de même pour le
président qui demeure dans l'incertitude. Un mandat à
durée déterminée et non renouvelable est un
98 Composition tripartite, majorité (5
membres)-société civile (5 membres)-opposition (5 membres), avec
la supériorité numérique du politique qui est à la
fois juge et partie prenante.
99 Sur un total de 10 membres, le Président
du Faso en nomme 7, ce qui laisse apparaître une institution largement
contrôlée par l'exécutif.
100 L'actuel Président de la CENI est un ancien
militant du PAI, d'où les critiques très acerbes de Monsieur
Soumane TOURE alors député sous la 3ème
législature qui, en réalité, relevaient plus d'un
règlement de compte.
101 Si les membres du Conseil Constitutionnel
bénéficient d'un traitement conséquent (art.7 de la loi
organique N°11-2000/AN du 27 avril 2000), il n'en est pas de même
pour les membres de la CENI
102 Le budget de la CENI donne lieu souvent, comme l'ont
relevé les Prs LOADA et IBRIGA (op. cit, p.461) à des arbitrages
et marchandages entre elle et le Gouvernement.
103 Art. 152 de la Constitution du 11 juin 1991.
104 Art. 153 al. 2 de la Constitution du 11 juin 1991.
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facteur de stabilité, générateur de
sérénité et par conséquent d'indépendance.
La non-détermination de la durée du mandat du président
peut conduire celui-ci à vouloir ménager l'autorité de
nomination dans ses décisions105, dans l'espoir d'être
reconduit à son poste. Alors qu'il ne devrait pas, dans un souci
d'indépendance, répondre de l'autorité de nomination.
Il conviendrait que le président soit élu parmi
et par les membres de l'institution avec au préalable la substitution du
Garde des Sceaux, Ministre de la justice par l'opposition (à travers son
chef de file) comme autorité habilitée à la proposition
des membres).
C'est en assurant une indépendance soutenue aux
structures en charge de l'organisation et de la régularité des
élections, qu'elles pourront garantir la sincérité des
scrutins qui demeure un facteur incitatif à la participation des
citoyens.
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