A- L'exclusion des citoyens du processus
décisionnel
La Politique Nationale de Bonne Gouvernance
(PNBG)93 fait de la participation des citoyens le pilier du
succès du processus démocratique. La bonne gouvernance implique
une gestion participative des affaires publiques. Cependant, force est de
constater que les Burkinabè participent peu à la
désignation de leurs représentants comme l'attestent le
93 Document adopté par décret
N°2005-459/PRES/PM/MFPRE/MFB du 31 aout 2005.
40
niveau de participation électorale qui est, en moyenne
de 33%. Ce qui traduit, de facto, une exclusion de la majorité de la
population de l'étape la plus importante, en démocratie, du
processus de prise de décisions.
Cette exclusion se manifeste d'abord au niveau du processus
décisionnel interne des partis ou formations politiques où la
démocratie à l'interne fait défaut. Il s'agit, en
réalité d'une infime partie des élites qui confisquent le
pouvoir de décision auquel elle est plus encline à s'accrocher.
Cette situation a pour effet la fragilisation du processus de
démocratisation qui s'opère seulement par le sommet à
travers une instrumentalisation de la démocratie94. Ce qui
induit sa faible appropriation sociale à la base surtout lorsque la
gestion des affaires publiques se caractérise par une certaine
opacité et un manque d'imputabilité politique.
Une élite dirigeante qui a une base sociale
singulièrement réduite est encline à la confiscation de la
fonction élective en l'absence d'une participation soutenue aux
élections et à mettre les citoyens en position
d'incapacité de peser sur ses décisions et les motifs qui les
expliquent. Cette élite peut développer des modes de gouvernance
qui reposent sur la corruption comme moyens de mobilisation et la satisfaction
d'intérêts plus partisans au détriment de
l'intérêt commun. A cet effet, aucune stratégie
d'implication des acteurs sociaux et politiques n'est entreprise en vue d'une
gestion participative. Les institutions et modes de gestion participative font
l'objet de consultations et/ou de recours sélectifs. Toute chose
d'ailleurs susceptible d'entraver l'enracinement véritable de la
gouvernance locale.
B- Les entraves à l'enracinement de la gouvernance
locale
L'examen des risques encourus du fait de la faible
participation électorale met en exergue la question de la gouvernance
locale. Dans le contexte actuel de la décentralisation, le citoyen est
le principal acteur et bénéficiaire du développement de la
collectivité95. Son refus de participer à
l'élection des représentants et à la prise des
décisions qui engagent l'avenir de sa collectivité reste sans
conteste un obstacle majeur à l'ancrage social de la gouvernance
participative. De plus, la non-participation au jeu démocratique
implique, en fait, une exclusion de ceux qui y recourent du processus de
décision politique. Toute
94 Il s'agit notamment de la création des
institutions comme l'Assemblée Nationale, le CES, le CSC, le Conseil
Constitutionnel, la CENI, Haute Cour de Justice, les Parlements de Jeunes et
des Enfants, la HACLC, etc.
95 ADEPAC/PNUD, Citoyenneté et participation
citoyenne, Ouagadougou, décembre 2008, p.66
41
chose essentielle, en démocratie, car cela
relève de la prérogative de contrôle du citoyen sur le
politique.
Par ailleurs, les électeurs demeurent encore des
figurants épisodiques dans le processus de mise en oeuvre de la
décentralisation; alors que la démocratie locale est
censée offrir aux citoyens le potentiel nécessaire pour
l'exercice de leur liberté politique et l'expression de leurs attentes
à travers le transfert du pouvoir de décision et des moyens qui
s'y rapportent.
C'est pourquoi la gouvernance locale qui est le
quatrième axe de la Politique Nationale de Bonne Gouvernance s'appuie
sur la décentralisation qui reste la meilleure forme pour associer les
citoyens à la gestion des affaires locales et d'en accroître
l'efficacité. De ce point de vue, une faible participation citoyenne
n'est pas à même de favoriser l'émergence de nouveaux
acteurs qui doivent être associés à la gestion des affaires
publiques.
Une telle apathie fragilise davantage le processus
d'enracinement de la gouvernance locale avec le risque d'un retour de
l'administration centrale d'Etat dans la gestion des collectivités. Pis,
la gouvernance locale, qui doit répondre aux besoins de la
majorité, fait plutôt l'objet d'une perversion par une
minorité qui la détournent pour satisfaire des
intérêts particuliers. D'ailleurs, le processus de
décentralisation ne se trouve-t-il pas prise en otage par une
élite qui impose, dans la réalité, les gouvernants locaux?
La décentralisation, au lieu d'être une véritable
démocratisation du pouvoir, semble plutôt un instrument de
rétribution des gains politiques entre les élites, au
détriment de la majorité.
Aussi, est-il besoin d'ajouter que: «Le
perfectionnement continu de notre système politique est aujourd'hui un
impératif qui requiert la modernisation des instruments de gouvernance
de l'Etat, en référence aux attentes légitimes des
populations»96.
En somme, pour une bonne participation des citoyens aux
consultations électorales, il s'avère impérieux d'apporter
quelques aménagements au système électoral. Du reste,
c'est le second centre d'intérêt dont il convient de
préciser le contenu.
96 Extrait du discours de nouvel an 2010 du
Président du Faso, in Indépendant N°850 & 851du 22
au 29 décembre 2009, p.8.
42
|