B- L'émergence d'une opposition informelle
La récurrence et l'ampleur de la contestation sociale
aboutissent à la constitution d'une coalition des organisations de la
société civile afin d'encadrer les mouvements sociaux. Il peut
émerger une opposition de type informel qui est, en
réalité, un regroupement de toutes les opinions non
représentées ou très faiblement dans les institutions
républicaines. Elles se coalisent pour constituer, en l'absence d'une
opposition significative, un contrepoids social. Toutes leurs revendications
sont traduites comme les préoccupations de la société. Tel
fut notamment le cas au lendemain de l'assassinat du journaliste Norbert ZONGO,
avec la naissance du Collectif des organisations démocratiques de masses
et de partis politiques (CODMPP).
83 LOADA (A.M.G), le droit de suffrage en Afrique
francophone: sens et usager sociaux, p. 34; cité par SAWADOGO (A), La
participation citoyenne non conventionnelle, Université de
Ouagadougou, UFR/SJP, 2004, p. 36
84 In Sidwaya N°6550 du 13 au 15 novembre 2009,
p.23
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Cette alliance société civile/partis politiques
est, en effet, la résultante de la marginalisation des partis
d'opposition qui, par le biais de cette alliance, espèrent revendiquer
plus de démocratie, de justice sociale et une représentation
politique plus équitable85. Une telle interférence des
organisations de la société civile avec les acteurs politiques a
d'ailleurs suscité de vives critiques de la part du pouvoir en place qui
les a accusées de faire de la politique86 et de vouloir
renverser le régime. Cette organisation fut, sans conteste, la plus
illustrative.
Lorsque le jeu politique se révèle inefficace
face aux attentes des populations, celles-ci le rejettent au profit d'une forme
non conventionnelle de participation. Des séries de manifestations
organisées par une telle opposition ont bien souvent conduit à
l'enclenchement de réformes politiques favorables à un apaisement
social.
A ce titre, la succession des manifestations
déclenchées en désapprobation des évènements
du 13 décembre 199887 constitue un exemple illustratif. Ces
dernières ont fragilisé la stabilité sociopolitique et
poussé le régime en place à opérer une série
de réformes politiques qui ont permis à l'opposition d'avoir une
représentation significative à
l'hémicycle88.
En plus de ces manifestations dans un cadre plus ou moins
structuré, sont survenues d'autres de façon spontanée,
avec toutefois une ampleur significative. Sont de celles-là, les
mouvements de contestations contre l'application de la loi relative au port
obligatoire de casque en 2005, et les émeutes de la vie chère en
février-mars 2008. Ces mouvements de contestations ont, en effet,
été conduits, en dehors des partis politiques et organisations de
la société civile. Ceux-ci venaient, au regard de la
spontanéité et de l'ampleur de ces mouvements, de se rendre
compte de leur faible efficacité. C'est ainsi que le mouvement de
coalition contre la vie chère n'a pas, jusque là, connu un
succès aussi éclatant en terme de manifestations.
Cette mobilisation spontanée, ponctuelle et plus
efficace contre une mobilisation moribonde lors des consultations
électorales dénote, en filigrane, une crise structurelle de
85 Sous la 3ème ce furent les
syndicats qui suppléaient les partis politiques marginalisés et
incapables de jouer leurs fonctions d'opposition
86 SAWADOGO (A), op. cit, p.27.
87 Le 13décembre 1998, au lendemain de
l'investiture du Président du Faso réélu à plus de
87%, a été assassiné le journaliste Norbert ZONGO et
l'opposition a tout de suite indexé le pouvoir d'en être
l'instigateur parce que celui-là enquêtait sur une affaire de
meurtre dans laquelle serait impliqué le frère cadet du
Président.
88 Réforme du code électoral par
l'adoption, entre autres, de la loi N°14-2001/AN du 03 juillet 2001 qui a
introduit la proportionnelle au plus fort reste, la région comme
circonscription électorale, le bulletin unique, etc.
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la représentation politique telle que pratiquée.
Déjà, quel avenir politique le Burkina Faso peut-il envisager
lorsqu'à la veille d'une élection présidentielle, le
recensement électoral, à cet effet, recueille moins de 20
%89 de la population électorale? Il est certain qu'avec un
corps électoral inférieur au tiers (1/3) de la population
électorale, l'ancrage de la gouvernance démocratique reste
hypothétique.
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