B- L'absence d'enjeux des scrutins
Les enjeux d'un scrutin tiennent aux possibilités
réelles d'un choix crédible ou aux thèmes de campagnes
électorales et des programmes de gouvernement que développent et
défendent les candidats ou partis politiques. Ainsi, la saillance des
enjeux d'un scrutin constitue un facteur incitatif dans la décision des
électeurs à se rendre aux urnes. L'élection imminente ou
non d'un candidat sérieux peut susciter l'intérêt de
l'électeur.
A l'opposé, l'issue plus ou moins certaine des
élections a tendance à faire croire aux électeurs
l'inutilité de leur participation. C'est ce qui a, en partie,
expliqué le faible taux de participation de 25,12% enregistré
à l'élection présidentielle du 1er
décembre 1991 où, comme le note le Dr Bongnessan Arsène
YE, «la candidature unique a fait croire à certains militants
que le vote n'était pas nécessaire puisque de toute façon
l'élection de Blaise COMPAORE ne posait aucun
problème»77. En outre, le
référendum du 02 juin 1991 n'a également pas connu une
participation conséquente compte tenu du manque d'enjeu qui l'a
caractérisé, car tous les partis politiques, ajoute-t-il, avaient
appelé à voter «oui».
Il faut que l'enjeu soit nettement perçu par le citoyen
pour qu'il s'efforce d'écarter les barrières susceptibles
d'entraver sa participation. Cependant à l'analyse des niveaux de
participation aux élections législatives de la
2ème et de la 3ème République, il
apparaît que ces scrutins n'ont pas été marqués par
de véritables enjeux. La classe politique était
préoccupée par des enjeux individuels qui ont fini par
décourager l'électorat dont la participation aux
référendums d'adoption de la constitution de chacune de ces
Républiques fut au dessus de la barre de 70%.
Sous la 4ème République, cette
absence d'enjeux aux scrutins qui se succèdent vient conforter le
scepticisme de ceux qui pensent que les élections, telles qu'elles
s'organisent au Burkina Faso, servent seulement à légitimer le
pouvoir des élus qui s'accrochent aux fonctions électives. Ce qui
prive les élections de tout enjeu dans la mesure où le statut
de
77 YE (B.A), op cit, p.156
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candidat sortant confère plus ou moins certains
avantages à celui qui sollicite sa réélection.
C'est pourquoi l'absence d'une opposition capable de nouer des
alliances durables et de développer des stratégies à
même d'établir un équilibre de forces entre elle et le
parti au pouvoir débouche sur une réélection
mécanique du ou des candidat(s) sortant(s). Ce qui se traduit par le
long règne de la classe dirigeante dont la majorité constitue
encore le fruit de la reconversion aux valeurs démocratiques des
élites révolutionnaires propulsées au pouvoir à la
faveur du coup de force du 4 août 1983. Cette situation semble traduire
une tendance de la classe dirigeante à superposer le modèle
démocratique au mode habituel de dévolution du pouvoir
traditionnel.
Du reste, l'impossibilité de tenir les promesses de
campagnes électorales doublées de l'insuffisance programmatique
des partis politiques ont pour conséquence le
désintérêt de l'électorat dont il importe d'examiner
la portée.
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