Paragraphe II: Les obstacles politiques
Parmi les obstacles politiques, l'absence d'enjeux des
scrutins (B) consécutive du manque d'alternative politique (A)
caractéristique de la quasi-totalité des scrutins
électoraux au Burkina Faso retiennent l'attention.
A- Le manque d'alternative politique
Le manque d'alternative est un facteur qui a toujours
influencé négativement la participation d'une portion non
négligeable de citoyens aux élections. Il a été
signalé plus haut l'importance des conditions socio-économiques
dans la non-participation aux élections. Mais à
l'évidence, l'absence d'un choix véritablement crédible
aboutit à la certitude que le résultat ne saurait changer au
détriment du pouvoir en place. Un tel sentiment d'impuissance à
avoir une influence réelle sur l'issue du scrutin s'explique par les
manoeuvres de déstabilisation de l'opposition et les obstacles au libre
choix électoral. En effet, l'absence d'une opposition crédible
est préjudiciable au bon fonctionnement de tout système
démocratique. Or, sous la 4ème République, le
pouvoir a tout mis en oeuvre pour démanteler toute formation politique
pouvant constituer un contre-pouvoir. Il est par
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exemple connu que la CNPP/PSD72 a volé en
éclat par la volonté de l'ODP/MT73, parti au pouvoir.
Il en est ainsi pour l'ADF/RDA et l'OBU. De telles manoeuvres ne peuvent
qu'aboutir à la fermeture du jeu électoral autour du CDP, avec la
dispersion mais surtout la marginalisation de l'opposition. A ce titre, la
modification unilatérale de la loi N°014-2001/AN du 03 juillet 2001
portant code électoral au Burkina Faso par la loi N°013-2004/AN du
27 avril 2004 est illustrative dans la mesure où cette dernière a
consisté à revenir sur la province comme circonscription
électorale au lieu de la région. En effet, ce type de
découpage ne semble visiblement pas en faveur du parti au
pouvoir74 qui, suite à son application lors des
élections législatives de 2002, n'aura obtenu qu'une courte
majorité de 57 députés sur 111.
Cette situation a toujours caractérisé les
scrutins concurrentiels qui ont été organisés au Burkina
Faso, aussi bien sous la 4ème République que sous la
2ème et la 3ème République. Il en a
été ainsi respectivement du CDP et du RDA qui ont réussi
à marginaliser les partis d'opposition traversés par des
querelles de succession ou de leadership. Ce qui les discrédite
davantage aux yeux de l'opinion publique. A ce sujet, les résultats
d'une enquête réalisée par le CGD75 montrent que
les partis d'opposition enregistrent le plus fort taux de défiance parmi
les institutions qui n'inspirent pas du tout confiance. La pléthore des
partis politiques en est une illustration, d'autant plus que ces partis ne sont
visibles que pendant les échéances électorales grâce
auxquelles ils tirent des dividendes financières, du fait des
subventions publiques.
Il s'agit là d'une source de désenchantement et
de désillusion pour les citoyens avertis qui pensent que les hommes
politiques en faisant chaque fois étalage d'insuffisances, prouvent
qu'ils ne s'engagent pas pour défendre l'intérêt
général mais plutôt pour des intérêts
particuliers.
En outre, il convient d'ajouter avec le Pr LOADA76
que par ses divisions et ses volte-face, l'opposition accentue son effritement
et alimente le désenchantement de l'électorat à la mesure
des espoirs qu'elle avait suscités. De plus, la politique de boycott
longtemps
72 A ce propos, un coin du voile a
été levé avec l'aveu de l'ancien ministre d'Etat Salif
DIALLO, sur le rôle qu'il a joué dans la déliquescence de
l'opposition
73 Le 5 février 1996, ce parti a
fusionné avec une douzaine de formations politiques dont la plus
importante fut l'aile dissidente de la CNPP/PSD pour créer le CDP sur la
base d'une nouvelle idéologie commune: la social-démocratie.
74 C'est l'adoption de la région comme
circonscription électorales aux élections législatives de
2002 qui a permis à l'opposition d'obtenir une représentation
significative à l'Assemblée Nationale.
75 CGD, L'alternance et les règles du jeu
démocratique au Burkina Faso, Ouagadougou, p.72
76 LOADA (A.M.G), «Blaise COMPAORE ou
l'architecte d'un nouvel ordre politique», in Burkina Faso entre
révolution et démocratie (1983-1993): ordre politique et
changement social en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, 1996, p.292
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adoptée par l'opposition avait, à chaque fois,
vidé les scrutins concernés de toute alternative comme ce fut le
cas à l'élection présidentielle du 1er
décembre 1991.
Cette insuffisance politique constitue un obstacle majeur
à la participation des citoyens aux élections surtout lorsque les
enjeux politiques semblent inexistants dans un contexte politique dominé
par le légitimisme électoral.
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