B- La mobilisation des réseaux communautaires et
clientélistes
Le fort degré d'attachement d'une grande
majorité des Burkinabè aux valeurs traditionnelles favorisent le
recours à des tactiques de mobilisation des électeurs conduisant
ainsi à s'écarter des normes démocratiques.
En effet les élections sous leur forme actuelle
procèdent d'une légitimation de la domination politique de
l'élite dirigeante. Elle s'appuie sur les chefs traditionnels et/ou
coutumiers ainsi que les responsables administratifs villageois, au regard de
leur statut dominant pour mobiliser le plus grand nombre de citoyens qui sont
considérés avant tout comme des sujets ou des subordonnés.
De par leur position privilégiée, les chefs traditionnels et/ou
coutumiers constituent des acteurs incontournables dans le processus
électoral. D'où la nécessité pour les candidats et
partis politiques de rechercher leur soutien en périodes
électorales. En outre, la chefferie traditionnelle qui
bénéficie de sa «position consensuelle» est en
mesure de réussir une grande mobilisation surtout lorsqu'elle exerce un
rôle partisan.
Ainsi, dans les sociétés à pouvoir
centralisé où le chef a une influence socioculturelle
considérable, les injonctions à l'inscription et au vote
répondent aux exigences d'un devoir ancestral; le chef devant guider ses
sujets, d'une part et d'autre part «aux exigences de
solidarités identitaires»61. A ce sujet, les
procès verbaux de proclamation des résultats de la Cour
Suprême mentionnent la présence de personnes influentes, notamment
les chefs coutumiers, certains opérateurs économiques ou les
responsables administratifs villageois, dans les bureaux de vote ou
l'implantation de ceux-ci dans des domiciles.
Aussi, le recours à la chefferie traditionnelle par les
partis politiques a souvent abouti à son entrée en politique avec
une représentation à l'hémicycle. Sous la
2ème république certains partis ont même
été représentés, lors des élections
législatives, par des chefs coutumiers62. Il en est
également ainsi sous la 4ème république
où l'actuel Parlement
60 CGD Info, N°0005-2009, p.3
61 BRAUD (Ph), op.cit, p.382
62 Les chefs de Manga: François BOUDA et Fada:
Yantangou THIOMBIANO pour le RDA et celui de Téma: Christophe OUEDRAOGO
pour l'UNI.
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compte trois chefs traditionnels63 contre quatre
(4) et une vingtaine respectivement sous la 1ère et la
2ème législature64.
Cette politique de cooptation des chefs coutumiers se trouve
renforcée par le clientélisme défini par GIRAN
(J.P)65 comme la participation à un rituel qui constitue aux
yeux des électeurs, la preuve que celui qui sollicite leurs voix
s'intéresse à eux, qu'il est proche d'eux. C'est dans ce
même ordre d'idée que le Pr Laurent BADO explique que
l'électeur africain participe à une votation «lorsque le
leader charismatique de son groupe social le lui
recommande»66. Cet aspect peut être illustré
par la vassalisation de l'électorat qui s'opère à travers
l'utilisation du critère régionaliste dans le choix des
têtes de listes ou des commissaires politiques régionaux. En
effet, l'essentiel des élus burkinabè sont natifs de leur
circonscription électorale. Ce qui répond à la
nécessité de capter les voix des communautés auxquelles
ils appartiennent.
Pour ce faire, ils s'appuient sur les notables pour
intensifier leurs libéralités en utilisant toutes les
possibilités de mobilisation. Ils activent à leur profit les
réseaux de solidarité et constituent des groupes
d'obligés. Il apparaît donc évident qu'au terme d'un tel
processus d'intégration sociale, l'électeur ne votera plus en
toute âme et conscience mais par solidarité ou par reconnaissance
ou encore dans l'attente de probables rétributions. C'est ce qui
explique en bonne partie la participation des populations rurales.
Toutefois, des électeurs échappent à ces
procédés de mobilisation, soit en raison des conditions
économiques qui pèsent sur eux, soit parce qu'ils demeurent
sceptiques sur la crédibilité de la classe politique.
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