ii. Échelle de reconnaissance mutuelle
Selon Charles-Emanuel Côté il y a trois formes de
reconnaissance mutuelle dans les 81 ARM. Nous nous appuierons sur son
échelle de reconnaissance afin de comparer et quantifier jusqu'où
sont allés les différents ARM11/12 dans la
réduction des barrières institutionnelles.
La première forme est la reconnaissance automatique
des qualifications professionnelles entre la France et le Québec :
les champs de pratiques et les formations ont été jugés
similaires par les autorités compétentes. Un candidat qui
s'inscrit dans un tel ARM n'aura pas d'examen, de formation ou quoi que ce soit
a repassé sur le territoire d'accueil. Cependant, il doit se conformer
aux exigences qui peuvent exister notamment les années
d'expérience. Cette forme de reconnaissance mutuelle automatique existe
dans vingt-huit groupes notamment les travailleurs sociaux et les
urbanistes.
La deuxième forme de reconnaissance mutuelle est la
reconnaissance quasi automatique qui « consiste à
n'imposer comme mesure de compensation que l'acquisition de connaissances dans
le domaine déontologique et de la réglementation professionnelle
pour les professions ou dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail pour les métiers »
(Côté, 2008 : 370). Les avocats, les architectes et les
évaluateurs agréés sont les seuls a avoir des ARM quasi
automatiques des deux côtés. Pour dix métiers et quatre
professions elle est quasi automatique au Québec et automatique en
France.
La troisième forme de reconnaissance mutuelle est la
reconnaissance conditionnelle, on la retrouve principalement dans les
professions médicales. Les différentes autorités
compétentes ayant conclu qu'il existe des différences
substantielles imposent des « mesures de compensation significative pour
combler les différences substantielles dans la formation professionnelle
reçue dans le territoire d'origine » (Côté, 2008 :
370). Par exemple les pharmaciens québécois doivent «
effectuer et valider un stage de six mois,
11 Voir tableau numéro 1 Exemple
d'échelle de reconnaissance des ARM entre la France et le Québec
page 15
12 Voir annexe II
13
[É], à temps plein en officine ou dans un
établissement de santé », les pharmaciens français
doivent quant à eux « réussir un programme de formation
d'appoint [É] et effectuer avec succès un stage de 600 heures
» (ARM, Pharmacien,2009 : 5 et 6). Si les mesures
demandées au pharmacien peuvent paraître difficiles, les stages ou
les formations complémentaires peuvent atteindre une année. C'est
le cas pour les physiothérapeutes québécois et les
masseurs-kinésithérapeutes français qui doivent suivre un
stage de 12 à 16 mois pour les premiers et une formation universitaire
d'une année pour les seconds.
Notons que l'Entente ne prévoit pas que les exigences
demandées soient similaires des deux côtés. Ainsi, les
médecins et les ingénieurs québécois sont reconnus
automatiquement en France alors que les médecins français doivent
réussir un stage d'adaptation de trois mois et les ingénieurs
français un examen de déontologie. On retrouve cette
différence de traitement dans six professions avec toujours des demandes
plus importantes du côté québécois envers les
professionnels français. On peut penser que cette asymétrie
s'explique notamment parce que les dépositaires de l'autorité
compétente sont toujours au Québec des Ordres professionnels.
Cette tendance à vouloir défendre « leurs monopoles »
est étayée grâce aux quatre professions qui ont eu leurs
Ordres professionnels comme autorités compétentes dans les deux
pays. Dans les quatre cas, l'échelle de reconnaissance est au même
niveau des deux côtés. Cette différence existe aussi dans
dix-sept métiers, toutefois, pour plus de la moitié d'entre eux
la demande est identique : obtention d'« une attestation de formation en
santé et sécurité au travail délivrée au
Québec par l'Association sectorielle paritaire construction » (ARM
mécanicien chantier, 2010 : 6).
Soulignons qu'un des ARM les plus « étranges
» est, sans contexte, celui des médecins. Comment peut-on expliquer
que dans des systèmes de santés13 et de
formation14 comparable les médecins québécois
soient reconnus automatiquement en France, alors
13 Classement de l'OMS par pays des meilleurs soins
de santé dans le monde en 2000 (Rapport sur la santé dans le
monde, 2000 - Pour un système de santé plus performant)
14 Accord-cadre Franco-Québec sur la
reconnaissance des diplômes et la validation des études en 1996
14
que les médecins français doivent réussir
un « stage non rémunéré, d'une durée de trois
mois consécutifs [qui] se déroule habituellement dans un
établissement possédant une affiliation universitaire et
étant agréé par le CMQ pour la discipline concernée
» (Collège des Médecins du Québec, 2013). Cette
situation s'explique d'autant plus mal quand on connaît toute la pression
entourant le système de santé québécois et le
manque de médecin dont la presse fait régulièrement
l'écho. Les médecins sont d'ailleurs la seule profession avec une
différence d'échelle supérieure à un entre les deux
pays.
Tableau 1. Exemple d'échelle de reconnaissance
des ARM entre la France et le Québec
Professions/métiers
|
Échelle de
reconnaissance Québec
|
Échelle de reconnaissance France
|
Avocat
|
Quasi-automatique
|
Quasi-automatique
|
Infirmière
|
Conditionnelle
|
Conditionnelle
|
Ingénieur
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Médecin
|
Conditionnelle
|
Automatique
|
Sagefemme
|
Conditionnelle
|
Conditionnelle
|
Travailleur social
|
Automatique
|
Automatique
|
Briqueteur-maçon
|
Conditionnelle
|
Conditionnelle
|
Pâtissier
|
Automatique
|
Automatique
|
Plâtrier
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Soudeur
|
Automatique
|
Quasi-automatique
|
15
|