3. Problématique et hypothèse
Malgré une certaine ouverture des frontières aux
immigrants qualifiés chez les pays développés, notamment
avec l'apparition d'un marché du travail pour les travailleurs hautement
qualifiés, le marché du travail reste un marché
majoritairement tourné vers l'interne (Redor, 1999 ; Vercherand, 2006 ;
Duhautois, Petit et Remillon, 2012). Lorsqu'on compare le marché du
travail avec l'ouverture au libre marché, caractérisé par
la libre circulation des capitaux, la différence est évidente.
L'existence d'un marché du travail unique semble utopique même
dans un ensemble aussi intégré que l'UE. Toutefois, à
travers les nouveaux accords bilatéraux, la question de la
reconnaissance
6 88% des infirmières sont des femmes en France
et 90% au Québec
7 51% des avocats sont des femmes en France et 49% au
Québec
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professionnelle prend de plus en plus de place, comme c'est le
cas dans celui entre le Canada et l'UE. Aussi, les ARM sont la
résultante de deux gouvernements cherchant à faciliter
l'entrée dans leur marché du travail sans pour autant toucher aux
principes et aux formations qui le régissent. Par conséquent,
l'objectif de notre recherche est d'analyser l'Entente et les ARM qui en
découlent, afin d'identifier certaines différences et
ressemblances des marchés du travail dans les deux États.
Pour ce faire, nous tenterons dans un premier temps de saisir pourquoi
l'arrangement de reconnaissance mutuelle des infirmières et celui des
avocats sont ceux qui ont attiré le plus grand nombre de travailleurs.
Dans un second temps nous nous efforcerons de comprendre pourquoi il existe une
asymétrie chez les infirmières qui n'existent pas chez les
avocats.
Notre première hypothèse de travail (H1) postule
de l'importance de la réduction des barrières institutionnelles
afin de faciliter la circulation de la main d'oeuvre. Selon cette
hypothèse, la signature des ARM a pour conséquence la
réduction de ces barrières modifiant en profondeur les
démarches des candidats à l'immigration. En résumé,
réduire les barrières institutionnelles augmente le volume des
flux.
Notre seconde hypothèse (H2) cherche à expliquer
l'asymétrie qu'on constate dans la quasi-totalité des flux
migratoires qui résulte des ARM. Nous postulons que les immigrants vont
toujours majoritairement vers l'endroit ou les conditions
socio-économiques sont les plus intéressantes et cela même
lorsqu'on est face à deux pays développés. Par
conséquent, comme la quasi-totalité des flux est
unidirectionnelle vers le Québec, il semble logique d'affirmer que les
conditions socio-économiques sont plus intéressantes de ce
côté de l'Atlantique. En résumé, notre
hypothèse H1 postule que les barrières institutionnelles influent
sur le volume des flux, alors que notre hypothèse H2 suppose que les
conditions socio-économiques agissent sur la direction des flux
migratoires.
Notre première partie sera articulée autour de
l'importance de la levée des barrières institutionnelles afin de
favoriser l'immigration. Notre cadre d'analyse s'appuiera sur
8
l'échelle de reconnaissance, théorisée
par Charles-Emanuel Côté 8 . Celle-ci nous
permettra de comparer et quantifier jusqu'où sont allés les
différents ARM dans la réduction des barrières
institutionnelles. Nous détaillerons la démarche pour les avocats
et les infirmières, et nous coderons dans un tableau9 pour
chacun des ARM leurs échelles de reconnaissance. Dans la seconde partie,
nous utiliserons la théorie de l'offre individuelle de
travail10 afin de tenter de valider notre hypothèse. La
dernière partie cherchera à identifier les forces et les
faiblesses de notre analyse.
8 CÔTÉ, Charles-Emmanuel, «
Un nouveau chantier transatlantique: l'entente Québec-France de 2008 sur
la reconnaissance des qualifications professionnelles », (2008)
no46 Annuaire canadien de droit international,
p.337-396.
9 Voir tableau en annexe II
10 VERCHERAND, Jean, 2012 « Le Travail
Un marché pas comme les autres » Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, p.203.
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