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L'entente de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre la France et le Québec à  travers le prisme des barrières institutionnelles et de la théorie de l'offre individuelle de travail l'exemple des avocats et des infirmières

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par Paul Levesque
Université Laval (Québec - Canada)  - Maitrise en Science-Politique 2013
  

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III. Les dangers de notre recherche exploratoire : Influence communicationnelle et limite méthodologique

Dans cette partie, nous tenterons d'établir les limites de notre recherche exploratoire. Le premier volet s'intéressera à l'importance relative de l'Entente dans l'immigration France-Québec. Un des points que nous souhaitont aborder est l'analyse du bruit médiatique qui a entouré les ARM. Le second volet portera sur les difficultés rencontrées dans notre essai au niveau méthodologique. Nous soulignerons la difficulté d'obtenir des données exhaustives, et questionnerons notre choix d'utiliser l'aspect quantitatif par rapport au qualitatif.

i. Beaucoup de bruit pour rien ?

L'intérêt porter aux relations France-Québec, tant sur le plan institutionnel qu'individuel, nous a incité à choisir l'Entente de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles comme sujet d'essai. Ce choix a été accentué par l'impression d'être face à un sujet porteur, novateur, important et peu étudié. Depuis la signature de l'Entente, les deux gouvernements ont eu une communication politique abondante sur l'accord et encore aujourd'hui toutes les rencontres entre des responsables politiques français et québécois abordent la question des ARM. Pourtant, cette médiatisation est disproportionnée par rapport à ce que représente quantitativement l'Entente. En effet, seulement 5 % au maximum de l'immigration régulière par année a recours à un ARM et si on prend l'ensemble de l'immigration France-Québec, c'est moins de 0.45 % des immigrants qui sont concernés. Malgré cela, nous allons voir que les médias, lorsqu'il est question de l'immigration France-Québec, abordent souvent la question des ARM comme quelque chose de central, particulièrement au Québec.

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Afin d'analyser le poids médiatique, nous avons choisi de compter le nombre d'articles de journaux consacré aux ARM depuis 200733. Pour ce faire, nous utiliserons l'outil Eureka, qui est un serveur d'information en ligne permettant d'avoir accès aux articles publiés dans les principaux journaux.

Pour notre recension nous avons utilisé au Québec les mots clés « entente France Québec » qui doivent apparaître dans le titre des articles. Les articles qui apparaissent portent donc spécifiquement sur l'Entente et non pas sur l'immigration française ou québécoise de manière globale. Au Québec, entre 2007 et 2013, pas moins de 38 articles ont été publiés sur le sujet dans les journaux papier des principaux quotidiens québécois (la Presse 6 ; le Devoir 11 ; le Journal de Québec 4 ; le Soleil 3 ; le Journal de Montréal 4 ; autres 11).

Pour la France nous avons choisi les mots clés « Québec » et « mobilité » ou « immigration » qui doivent apparaître dans le texte et nous effectuerons l'analyse pour neuf quotidiens, dont un quotidien économique (les Échos) et un quotidien régional (Ouest France). Les articles sont donc plus généraux, mais nous ne relevons que ceux qui font référence à l'Entente. Depuis 2007 il y a dix articles qui ont été écrits sur le sujet dans le Monde, neuf dans le Figaro, cinq dans le Parisien et dans la Croix, 3 dans Ouest-France, un seul dans les Échos et libération et aucun dans l'humanité. Notre recherche sur Eureka montre qu'il y a une différence dans le traitement médiatique entre le Québec et la France sur la place qu'occupe les ARM lorsqu'on parle de l'immigration France-Québec. Si nous avions utilisé les mêmes mots clés que ceux pour le Québec notre recherche aurait été réduite drastiquement, par exemple, pour le Monde aucun résultat ne sort lorsqu'on utilise « entente France Québec ».

En outre, l'utilisation du terme « immigration des Français » est volontaire, attendu que sur l'ensemble des articles analysés en France l'accord est toujours présenté comme unidirectionnel. Au Québec, sur les 38 articles il n'y a que deux qui s'intéressent à la question de l'immigration dans l'autre sens. Le premier publié par la Presse du 23 mai

33 Un an avant la signature officiel de l'Entente

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2009, « Une carrière en France, ça vous dirait ? ». L'autre le 15 juin 2012, par le Journal de Québec, « ENTENTE FRANCE-QUÉBEC Une première infirmière québécoise reconnue ». Il semble qu'on puisse faire un lien entre cette présentation de l'Entente par la presse et la direction qu'on a pu observer dans les flux migratoires résultants des ARM.

On constate aussi que les articles font souvent référence à des domaines particuliers notamment médicaux. Au Québec, huit articles sont consacrés exclusivement au domaine médical. Sur les huit articles, quatre parlent des médecins dont un article peu flatteur publié dans le Devoir du 22 janvier 2008 intitulé « Lamontagne craint l'afflux de médecins des colonies ». Il y a eu deux articles sur les infirmières et deux sur les avocats. Notons un article sur les avocats dans le Monde du 17 juin 2009, « Exercer au Québec, c'est possible », une année avant que l'ARM ne rentre en application.

Sans revenir dans les détails, d'autres types de médias ont consacré des sujets à l'immigration France-Québec, et à l'Entente indirectement. Cette observation d'autres types de source d'information, notamment la télévision, confirme que les articles sont toujours orientés vers les Français qui partent ou habitent au Québec. En France par exemple le Journal télévisé de France 2, le 14 novembre 2012, a consacré un grand reportage, « Québec, la ruée des Français » de plus de 7 minutes. Au Québec, Radio-Canada a consacré dans son journal télévisé trois reportages de plus 8 minutes le 18, 19 et 20 février 2013 sur l'immigration des Français au Québec.

Le traitement médiatique de l'immigration française vers le Québec n'est pas en soi étonnant puisqu'il semble y avoir effectivement un phénomène spécifique d'immigration française au Québec. « Au cours des dix dernières années, 30 000 immigrants français se sont établis au Québec, soit le plus fort contingent national devant l'Algérie, le Maroc et la Chine. Sélectionnés au terme d'un long processus, les nouveaux arrivants ont en commun la jeunesse (25-40 ans) ainsi qu'un haut niveau de formation et de qualification » (Consulat général de France à Québec, 2013). Il est évident que l'intérêt médiatique pour ce phénomène s'inscrit dans le contexte global de mauvaise santé du marché du travail en France. Avec plus de 10 % de chômage, 24,6 % chez les moins de

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24 ans, les Français sont tentés par le chemin du départ. Surtout chez les jeunes avec « [un jeune sur trois] qui déclare avoir l'intention de s'installer à l'étranger » (Opinionway, 2013 ; INSEE, 2013). Si l'intérêt médiatique est logique, il est étonnant de voir que l'Entente de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est toujours citée, où mise de l'avant, alors même qu'elle ne représente qu'une infime partie des 30 000 Français qui arrivent par année au Québec.

On peut se demander si la place de l'Entente dans les médias ne s'explique pas en partie par la communication politique que les deux États, particulièrement le gouvernement du Québec, ont développée à son endroit. Par exemple au Québec, les sites internet gouvernementaux comme immigration Québec où celui du ministère des Relations internationales de la Francophonie et du Commerce extérieur affichent des onglets sur le sujet directement sur leurs pages d'accueil plus de 5 ans après l'accord. Pour le Québec, cette Entente semble être une vitrine afin d'illustrer le souhait de recruter des personnes formées. Cette démarche s'inscrit dans le cadre des deux derniers plans d'action du Ministère des Relations internationales, La force de l'action concertée et plus spécialement dans le volet sur Le développement du capital humain. Il y énonce vouloir « attirer et retenir davantage d'immigrants qualifiés » (Gouvernement du Québec, 2006 : 56). Sans faire de lien direct avec la problématique entourant le chômage en France, l'Entente prend beaucoup moins de place sur les sites officiels, à l'exception du Consulat de Montréal et de Québec.

Si la machine de communication politique a fonctionné à plein régime, réussissant à ce qu'on parle abondamment l'Entente dans les médias, il n'en est pas de même pour les résultats. Pour le moment, aucune évaluation des résultats n'a été publiée. Alors même qu'à chaque rencontre entre dirigeant français et québécois l'Entente est citée en exemple, ils sont incapables de « déterminer si la politique est un succès, ou si, au contraire, le problème subsiste » (Kübler et de Maillard, 2009 : 17). En effet, dans ce genre d'Entente où l'on peut utiliser « des évaluations quantitatives [É] objectives et justes », notamment en comptant le nombre d'autorisations légales d'exercer émises, il est essentiel de connaître les résultats afin d'avoir la capacité de s'ajuster en cas de

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manque de réussite (Amar et Berthier, 2007 : 2). Il semble que le Comité bilatéral France/Québec cherche à faire un suivi chiffré puisque nous avons obtenu, lors de notre entretien avec Monsieur Yves Doutriaux (secrétaire générale du Comité bilatéral France/Québec), un document papier (Annexe 1) portant sur le nombre d'autorisations légales d'exercer émises au 31 décembre 2012. Est-il possible que les gouvernements fassent de la rétention d'information ou bien sont-ils confrontés à une difficulté de faire remonter les chiffres afin d'être exhaustif dans leurs données ? Soulignons que pour les politiques, cette Entente dans son fonctionnement est particulièrement novatrice et permet de souligner la relation exceptionnelle qui uni les deux États. Par la même occasion, cela offre au Québec une occasion de faire un pied de nez au reste du Canada attendu qu'un tel accord n'existe pas au sein même de la fédération. Souligner la faiblesse des résultats quantitatifs ne semble à l'évidence pas être une de leur priorité.

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