L'entente de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre la France et le Québec à travers le prisme des barrières institutionnelles et de la théorie de l'offre individuelle de travail l'exemple des avocats et des infirmières( Télécharger le fichier original )par Paul Levesque Université Laval (Québec - Canada) - Maitrise en Science-Politique 2013 |
ii. Avocat : Une moyenne trompe l'oeilTableau. 4 Revenu moyen et médian brut des avocats français et québécois Dans la première partie de notre essai, nous avons constaté des similitudes assez importantes notamment dans le fonctionnement et l'exercice de la profession entre les avocats français et québécois. Nous allons tenter d'identifier les différences et ressemblances au niveau des revenus et du temps de travail.
Source : INSEE, Les professions libérales en 2007 Barreau du Québec, enquête socio-économique auprès des membres du barreau du Québec 2008 Avant tout, l'utilisation de la moyenne n'est pas l'outil le plus adapté pour des professions libérales où les revenus peuvent varier fortement. La moyenne possède le défaut de ne pas représenter fidèlement la tendance centrale, puisqu'elle est influencée par des valeurs extrêmes. En France, par exemple, l'existence d'un « barreau d'affaire » qui ne représente que 25 % des avocats, mais qui possède 75 % des revenus générés par la profession explique la différence de plus de 20 000 € entre la moyenne et la médiane (Karpik, 2003 : 204). Afin de dresser un portrait réaliste du revenu moyen réel des avocats, nous utiliserons la médiane, puisqu'elle coupe en deux parties égales l'ensemble des valeurs. La médiane PPA des revenus des avocats québécois, en dollars américains constants de l'an 2000, est de 96 831 en 2008, alors qu'il est de 50 094 pour la France en 2007. La différence qu'on constate entre les deux moyennes est accentuée lorsqu'on compare les revenus médians. En moyenne, un avocat québécois gagne 33,5 % de plus qu'un avocat français, alors qu'il gagne 48,2 % de plus lorsqu'on compare les médianes. Ces chiffres démontrent qu'il y a plus de valeurs extrêmes en France qu'au Québec, puisque la différence entre la moyenne 33 et la médiane est plus forte dans le premier (23 595 $) que dans le second (14 041 $) cas. Le spectre des revenus, donc les inégalités, est plus important entre les avocats français qu'entre les avocats québécois. Finalement, notre hypothèse selon laquelle la rémunération est plus importante au Québec est vraie, les avocats québécois ont des revenus deux fois plus élevés que leurs confrères français. Tableau. 5 Nombre d'heures travaillées par les avocats québécois et français
Source : Village de la Justice, Quelques chiffres sur les avocats en 2007... http://www.village-justice.com/articles/Quelques-chiffres-avocats,6885.html Barreau du Québec, enquête socio-économique auprès des membres du barreau du Québec 2008 Au niveau du temps de travail32, les avocats français travaillent plus d'heures par semaine que les avocats québécois. En effet, 89 % des avocats français en 2008 ont travaillé plus de 39h par semaine, mais seulement 65 % de leurs collègues québécois ont travaillé 41 heures et plus. En terme de semaines travaillées, les données ne sont malheureusement pas disponibles en l'état. Toutefois, pour la France si l'on soustrait les cinq semaines de vacances annuelles « obligatoires » plus les onze jours fériées on obtient 45 semaines travaillées par année. Au Québec, il y a huit jours fériés et entre deux à quatre semaines de vacances. Arbitrairement, nous prendrons trois semaines de congés, plus huit jours fériées, cela donne environ 48 semaines travaillées par année. Malgré l'incertitude autour du temps de travail réel en moyenne les avocats français travaillent plus par semaine, mais moins de semaines par année. En grossissant le trait, il n'existe pas de différence majeure par année en terme d'heures travaillées comme cela est le cas pour les salaires. La différence en terme de revenus et l'équivalence dans le nombre d'heures travaillées confirment que les conditions socio-économiques des avocats sont plus intéressantes au 32 Nous tenons à souligner la faiblesse méthodologique de cette partie, mais le manque de donnée nous oblige à effectuer une telle démarche. 34 Québec. Si l'on assume que la théorie de l'offre individuelle de travail est valide, comme cela est le cas avec les infirmières, alors il existe d'autres raisons qui expliquent la symétrie du flux migratoire chez les avocats. Les pistes qu'on peut avancer pour l'expliquer sont diverses. Il est vraisemblable que le peu d'années de recul dont nous disposons crée un biais produisant des résultats statistiquement non significatifs. Cette possibilité est étayée par la présence de cabinets d'avocats qui ont des bureaux en France et au Québec (plus d'une quinzaine). Pour ces cabinets, l'ARM permet, sans difficulté, d'avoir des avocats membres des deux barreaux. Cependant, ces firmes ont un « réservoir » d'avocat non reconductible dans le temps. Une autre raison qui peut expliquer pourquoi la théorie de l'offre individuelle ne s'applique pas est la différence d'avocat par habitant. Au Québec, il y a 300 avocats pour 100 000 habitants alors qu'en France seulement 79. On peut considérer qu'au Québec le système fonctionne à pleine capacité et ne peut plus absorber l'arrivée de nouveaux avocats. Alors qu'en France avec un nombre aussi faible il reste de la place. Si le marché québécois semble être à maturité, différentes études, menées par le gouvernement du Québec, montrent que la profession d'avocat reste une profession d'avenir, puisque « l'heure de la retraite a sonné pour de nombreux baby-boomers » (Grégoire, 2013). En France malgré le faible nombre d'avocats au contraire certaines études laissent entendre que les barreaux ne réussissent plus à intégrer de nouveaux avocats (Haeri, 2013). Une autre possibilité est le champ de pratique exercée par les avocats québécois qui viennent en France. En France, le barreau d'affaires gagne 75 % du chiffre d'affaires global de la profession, mais seulement 25 % des avocats en font partie. Il est donc possible que la disparité des revenus entre les avocats français soit encore plus grande que ce que nous avons identifié au profit des avocats d'affaires. Par le fait même, un avocat québécois exerçant dans ce champ de pratique ne serait pas touché autant par une diminution de revenus. Pour confirmer cette supposition, il faudrait obtenir les champs de pratique dans lesquels les avocats québécois exercent après qu'ils aient obtenu l'ALE. 35 En conclusion il existe différentes pistes pour expliquer la symétrie du flux de l'ARM des avocats. Toutefois, il nous semble qu'une étude similaire dans quelques années montrera que les ARM ont drainé plus d'avocat au Québec que le contraire. 36 |
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