4. Les difficultés méthodologiques
Au niveau des revenus, une telle tentative de comparaison
soulève des difficultés, notamment la différence de
monnaie et de pouvoir d'achat. Afin de les contrôler, nous appliquerons
à nos variables le taux de conversion monétaire Parité du
pouvoir d'achat (PPA). Le PPA est un taux de conversion monétaire qui
permet « d'exprimer dans une unité commune les pouvoirs d'achat des
différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la
quantité d'unités monétaires nécessaire dans des
pays différents pour se procurer le même « panier » de
biens et de services » (INSEE, 2013). Nous utiliserons l'outil
pédagogique Perspective Monde de l'Université de
Sherbrooke31 qui détermine le PPA en dollar
américain constant de l'an 2000. Afin de contrôler la variation
simplement due à la fluctuation des taux de change des monnaies
d'origine, nous utiliserons le PPA des cinq dernières années dont
nous disposons. Pour la France en dollar constant de l'an 2000 le PPA est de
1,21 et pour le Canada de 1,15.
L'autre difficulté est la disponibilité des
données et leurs années de production. Pour les
infirmières, nous connaissons la moyenne des revenus des
infirmières québécoises en 2005, alors que nous disposons
de celle de 2012 pour la France. En France, les infirmières
libérales représentent 15 % du total des infirmières et la
moyenne de leurs revenus est disponible pour 2010. Nous disposons pour les
avocats de la moyenne et la médiane produite par le Barreau du
Québec (2008) et par l'INSEE (2007).
31 http://perspective.usherbrooke.ca/
29
Pour le temps de travail, la démarche n'est pas
aisée puisque les données sont disparates. Nous disposons de
statistiques par semaine pour les avocats québécois (2008) et
français (2008), mais nous n'avons pas le nombre de semaines
travaillées par une année. Pour les infirmières, nous
avons le nombre moyen d'heures travaillées par semaine et le nombre de
semaines travaillées par année en France (2010) et au
Québec (2005)
30
i. Infirmière : des revenus très
différents
Dans la première partie de notre essai, on a
constaté que le profil sociologique des infirmières
françaises et québécoises était relativement
similaire. Elles effectuent les mêmes tâches, leurs places dans les
systèmes de santé et les contraintes auxquelles elles sont
soumises sont relativement proches. Cependant, on a noté qu'il existait
des différences importantes quant à l'institutionnalisation de la
profession. En est-il de même pour leurs revenus et de leurs nombres
d'heures travaillées ?
Tableau. 2 : Revenus moyens bruts des infirmières
québécoises et françaises
Infirmière
|
France
|
|
|
|
|
Québec
|
Moyenne
|
Infirmière 85 % :
Infirmière libérale 15 % :
|
25
46
|
836
100
|
€ (2012)
€ (2010)
|
51
|
000
|
$ (2005)
|
Moyenne PPA
|
34 939 $
|
|
|
|
|
58
|
650 $
|
Source : Emploi Québec, Salaires et statistiques,
Infirmiers autorisés/infirmières autorisées (3152), Appel
médical (Groupe Randstad), Le 1er Baromètre des
salaires de la santé
INSEE, Revenu libéral moyen des professions de
santé en 2010
Tableau. 3 Nombre d'heures travaillées par les
infirmières québécoises et françaises
|
France
|
Québec
|
Moyenne d'heures travaillées par semaine
|
35,5
|
33,5
|
Moyenne de semaines par année
|
45
|
42,42
|
Total d'heures travaillées
|
1597,5
|
1421,07
|
Source : Barlet et Cavillon, La profession infirmière :
Situation démographique et
trajectoires professionnelles
Laberge et Montmarquette, Portrait des conditions de pratique
et de la pénurie des effectifs infirmiers au Québec
Castonguay, Montmarquette et Scott, Analyse comparée
des mécanismes de gouvernance des systèmes de santé de
l'OCDE
Nous ne disposons pas pour les infirmières de la
médiane par conséquent, nous n'utiliserons pas les mêmes
mesures statistiques que pour les avocats. Néanmoins, cela ne pose pas
de problème puisque le spectre de salaire est beaucoup moins large
comparativement aux avocats. En effet, les infirmières sont très
majoritairement salariées limitant donc la variation possible dans les
revenus.
31
Dans le tableau 2, malgré les cinq/sept années
qui séparent les données, on constate que les salaires sont
beaucoup plus élevés au Québec. Après l'application
du taux PPA, une infirmière québécoise gagne 23 711 $ de
plus, en dollar américain constant de l'an 2000, qu'une
infirmière française. Cela représente 40 % de salaire
supplémentaire par année. Ces données confirment notre
hypothèse H2 voulant que les flux migratoires aillent vers l'endroit ou
les conditions économiques sont les plus intéressantes et cela
même entre pays « développés » et occidentaux.
Dans le tableau 3, on constate que les infirmières
françaises travaillent en moyenne 173 heures de plus par année
que leurs collègues québécoises. Cela confirme que les
infirmières québécoises ont des conditions de travail plus
intéressantes que les infirmières françaises.
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