Conclusion au chapitre : des leviers de pouvoir à
l'épreuve de l'échelle
Sur le Plateau de Millevaches, j'avais dégagé
quelques moyens utilisés par les habitants pour être les acteurs
de leur territoire, des moyens qu'ils pouvaient percevoir comme des leviers de
pouvoir : la propriété, l'influence -en particulier culturelle-,
les liens entre collectifs et l'expérience d'un fonctionnement sans
chef. On retrouve plusieurs de ces moyens dans divers endroits, mais
différemment agencés. Le découpage que j'ai fait des
leviers de pouvoir pour le Plateau est conditionné par ce que j'ai cru
observé. Ailleurs, on pourrait peut-être citer le « terroir
» comme grand axe avant de le découpler entre
propriété, savoir-faire et culture. Certains écrits qui
traitent d'aménagement du territoire et de pouvoir, ou certains romans
locaux, évoquent aussi ces leviers de pouvoir. Eux aussi peuvent les
utiliser dans un cadre différent mais le rôle de la culture ou la
recherche d'une démocratie directe, sans tête, sont souvent
mentionnés.
Les relations avec les institutions sont variables selon les
cas, les habitants ou collectifs y étant plus ou moins
intégrés. Mais la participation ou la présence dans une
institution, possiblement envisagée comme pouvoir, n'est en
réalité qu'une position de pouvoir. Position plus ou moins
élevée selon l'échelle institutionnelle
considérée. Le levier de pouvoir ne perd pas, lui, en impact sur
son environnement avec le franchissement des échelles mais gagne en
reconnaissance, en autorité peut-être. C'est aussi le regard des
autres, depuis une autre échelle, qui lui donne crédit de son
rôle.
Le fait d'avoir différencié position de pouvoir
et pouvoir, remet aussi en cause les qualifications de « leviers de
pouvoir » que je viens de donner pour diverses actions. La
propriété, par exemple, n'est-elle pas finalement un statut, une
position de pouvoir ? Ce n'est pas parce qu'elle est utilisée par les
habitants (au lieu des institutions qui par leur nature représentative
ne peuvent intégrer que quelques-uns) qu'elle est pour autant un facteur
de pouvoir. Facteur très relatif d'ailleurs. Et l'idée que c'est
justement en n'exerçant pas un pouvoir qu'on le reconnaît, qu'on
le perçoit, que l'on a du réellement du pouvoir remet
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d'autant plus en cause la définition de mes leviers de
pouvoir. L'influence peut n'être qu'une autorité exercée
sans choix ; un même levier selon qu'il veut conquérir ou laisser
du pouvoir perd ou gagne sa valeur d'usage, sa réalité de levier
de pouvoir. Et si l'habitant n'est plus distingué de son
habitat mais dépendant, composant et composé de ce dernier,
l'exercice du pouvoir sur le reste que lui devient inepte. Et il lui suffit
d'avoir du pouvoir sur lui-même pour avoir, par liaison, du pouvoir sur
son environnement. Il devient la géographie.
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