B- La saisine de la Cour comme moyen de règlement
pacifique des différends
L'ensemble des Etats présents à San Francisco,
animés par le souci principal du maintien de la paix, ont défini
un système pour parvenir à cette fin. L'un des moyens mis en
place pour la sauvegarde, la consolidation et le rétablissement de la
paix est le règlement pacifique des différends organisé au
chapitre VI de la Charte.
Le principe de règlement pacifique des
différends intimement lié à l'interdiction formelle
énoncée à l'article 2 paragraphe 4 de la Charte suivant
laquelle « Les membres de l'Organisation s'abstiennent dans leurs
relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations-Unies ». Cette interdiction
formelle faite aux Etats de ne recourir à la force dans leurs rapports
ne souffre d'aucune exception seulement en cas de légitime
défense qui reste d'ailleurs bien encadrée (article 51 de la
Charte).
L'obligation de régler pacifiquement les
différends, corollaire de l'interdiction de recourir à la force,
revêt un caractère largement impératif. Elle est clairement
affirmée à l'article 2 paragraphe 3 de la Charte qui dispose que
« Les membres de l'organisation règlent leurs
77 Cf. Affaire de la délimitation maritime et
questions territoriales, Qatar contre Bahreïn, 1994.
78 Cf. Affaire Activité militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986.
79 Cf. Avis 2004, Conséquences juridiques de
l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, 09
juillet 2004.
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différents internationaux par des moyens pacifiques, de
telle manière que la paix et la sécurité internationales
ainsi que la justice ne soient pas mis en danger » et à l'article
33 qui énumère les différents moyens de règlement
pacifique des différends auxquels peuvent recourir les Etats. La
Déclaration de Manille relative aux principes de droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
votée par l'Assemblée générale des NU le 24 octobre
1970 se fait plus incisive : « Tous les Etats doivent régler leurs
différends internationaux avec d'autres Etats par des moyens pacifiques,
de telle manière que la paix et la sécurité internationale
ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ».
Il faut remarquer que la Charte en faisant obligation aux
Etats de régler pacifiquement leurs différends, ne laisse
paraître aucune injonction ou préférence à un mode
de règlement donné. Il existe en la matière une
liberté de choix laissée à la discrétion des
protagonistes. Même le Conseil de sécurité qui a
compétence à inviter les parties à régler
pacifiquement leurs différends doit éviter de faire, selon le
professeur SUR S. « de l'aiguillage politique »80 entre
les moyens de règlement. Etant donné que chaque mode de
règlement pacifique des différends a ses vertus propres, non
seulement d'un point de vue intrinsèque mais aussi au regard de chaque
situation particulière, il est normal, que la Charte en faisant
obligation aux Etats d'y recourir n'en impose aucun.
L'article 33 n'établit d'ailleurs aucune
hiérarchie entre les différents modes de règlement
pacifique des différends. Les parties sont donc libres de recourir soit
aux modes dits politiques (négociation, médiation, conciliation),
soit aux modes juridictionnels (arbitrage81, saisine de la Cour), ou
encore faire appel au régionalisme (accords régionaux).
Le recours à la Cour comme mode juridictionnel de
règlement pacifique des différends fait d'elle un rouage
essentiel dans la sauvegarde de la paix et de la sécurité
internationales. La Cour, par ses arrêts et avis, contribue d'une
manière significative à la consolidation de la paix. Ceci se
déduit à la lumière de sa jurisprudence. Mais ce
rôle important que jouent les avis dans la sauvegarde de la paix a
été longtemps ignoré. Selon M.
BENDJAOUI82« Ce n'est en réalité
récemment que l'on a réellement pris conscience de l'impact que
les avis de la Cour
80 Voir, Combacau et SUR (S.),
Droit international public, Paris, Donnat, Montchrestien, 2001, p.
323.
81 A l'exception des autres procédés
qui peuvent être utilisés parallèlement, seul le recours
à l'arbitrage est soumis à l'échec d'un des modes
politique ou non juridictionnels.
82BENDJAOUI (M.) « La place
de la Cour internationale de justice dans le système
général de maintien de la paix institué par la Charte des
Nations Unies » RADIC, septembre 1996, N°3, p. 546.
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peuvent avoir en matière de la paix, soit directement,
soit indirectement. Une question juridique pertinente posée en temps
opportun à la Cour, peut, de par la réponse qui est faite voire
par elle-même, s'avérer être un instrument efficace de
diplomatie préventive 83».
Le rôle de la Cour dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationales ne souffre d'aucune contestation. Dans
la pratique, cependant, on constate que ce rôle est partagé avec
le Conseil de sécurité ce qui ne manque de soulever quelques
chevauchements.
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