Paragraphe 2 : Un rôle partagé en pratique
avec le Conseil de sécurité
Il ne fait pas de doute qu'en matière de maintien de
paix et de sécurité internationales, le Conseil de
sécurité jouit d'une certaine primauté vis-à-vis de
la CIJ comme à l'égard des autres organes principaux de
l'organisation (A). Cette prééminence n'exclut cependant pas la
possibilité d'action conjointe avec la Cour pour la sauvegarde de la
paix (B).
A- La prééminence du Conseil de
sécurité en matière de paix et de la
sécurité
Le Conseil de sécurité occupe dans le
système des NU une place incontestable et joue un rôle hautement
déterminant dans le cadre du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Son rôle et son autorité
ne peuvent être mis en cause. La Charte lui confère un rôle
de premier plan pour l'atteinte de l'objectif ultime que s'est donné
l'Organisation mondiale. Selon l'article 24 de la Charte, le Conseil de
sécurité a une responsabilité principale en matière
du maintien de la paix et de la sécurité
internationales84. Cette responsabilité a été
à plusieurs reprises confirmée par la CIJ dans ses
différents avis85.
Plusieurs dispositions de la Charte font apparaître
cette prééminence du Conseil de sécurité en
matière de paix et de la sécurité internationales. Ainsi,
suivant les dispositions de l'article 24 de la Charte, les décisions du
Conseil sont obligatoires et s'imposent aux Etats membres pour qui il est
mandataire. Le Conseil de sécurité se voit reconnaitre aussi un
certain nombre de
83« La diplomatie préventive a pour objectif
d'éviter que des différends ne surgissent entre les parties,
d'empêcher qu'un différend ne se transforme en conflit ouvert et,
si un conflit éclatait de faire en sorte qu'il s'étende le moins
possible » GHALI (B. B.), Agenda pour la paix, 2éd, NU,
1995, p. 64-66.
84KOUASSI (K. E.), Cours d'institutions
internationales, CERDIA, Lomé, p. 143 « Ce texte fait
expressément du Conseil l'organe mandataire de tous les Etats et lui
confère la responsabilité principale dans un domaine qui
pratiquement, constitue l'objet exclusif de toute l'action politique de
l'Organisation ».
85 Cf. Avis consultatif sur la construction du mur
en territoire palestinien occupé par Israël puissance occupante,
op. cit., Avis relatif à l'emploi ou à l'utilisation de l'arme
nucléaire (AG).
39
pouvoirs spécifiques dans l'accomplissement de ses
missions. En exemple, il a compétence à « élaborer
des plans en vue d'établir le système de règlement des
armements » (Article 26)86.
Dans le cadre du chapitre VI relatif au règlement
pacifique des différends, le Conseil de sécurité peut
inviter les parties à régler pacifiquement leurs
différends par des procédés pacifiques (sans pour autant
en imposer un des moyens) (article 33).
En cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et
d'acte d'agression, le Conseil de sécurité a le pouvoir
d'enquêter, de constater l'existence d'une menace contre la paix, d'une
rupture de la paix ou d'acte d'agression, prendre des mesures provisoires,
décider de recourir à la force pour faire rétablir la paix
(chapitre VII).
La prééminence du Conseil n'est pas absente dans
le cadre du régionalisme organisé au chapitre VIII de la Charte.
S'il est indéniable que la Charte attribue un rôle important aux
accords régionaux87, il n'est pas tout de même
contestable que ces derniers sont supplantés par la toute-puissance du
Conseil. Le Conseil conserve dans ce cadre des prérogatives qui lui sont
dévolues aux articles 34 et 35 de la Charte. Ainsi les organisations
régionales dans le cadre des accords régionaux ne peuvent
recourir à la force pour rétablir la paix que sur l'accord
exprès du Conseil de Sécurité88.
Le Conseil de Sécurité n'a pourtant pas le
monopole du maintien de la paix et de la sécurité mondiale. La
Cour y contribue significativement même en cas de litispendance.
86 Voir dans ce sens l'avis, Licéité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, 08 juillet
1996.
87 La charte n'a pas donné de
définition expresse des accords régionaux. « Cette souplesse
permet à des groupes d'Etats d'intervenir pour régler une
question qui se prête à une action de caractère
régional et de contribuer également au maintien de la paix et de
la sécurité internationale » GHALI (B.B.) in COT (J. P.) et
PELLET (A.), Charte des NU commentée article par
article. Op. cit., KELSEN (H.) considère «
Qu'un accord régional en tant que pacte, est une association volontaire
d'Etats souverains d'une certaine aire ou ayant des intérêts
communs dans cette aire avec des buts communs qui ne soient pas de nature
belliqueuse en rapport avec cette aire ». Selon le dictionnaire de droit
international Public, l'accord régional « est un accord de
sécurité mutuelle conclu entre Etats appartenant à une
région géographique ou politique donnée ».
88 Le représentant du Venezuela faisait
déjà remarqué à San Francisco que cet encadrement
« ébranlerait l'autorité morale de l'organe régional,
provoquerait son affaiblissement et sa dégradation progressive ou tout
au moins diminuerait son esprit de coopération en faveur de
l'Organisation mondiale » KOUASSI (K. E.), op. cit., p.165.
40
|