B- Exercice conjoint de compétence entre la Cour et
le Conseil
Dans son avis sur l'édification par Israël du mur
en Palestine, la Cour internationale de justice a clairement affirmé que
« La responsabilité du Conseil de sécurité en
matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales est principale et non exclusive
»89. Cette assertion de la Cour évoque
l'existence de « querelles » entre les deux organes principaux des NU
en matière du maintien de la paix et de la sécurité
internationales. En effet, en la matière au moins quatre organes
principaux peuvent agir à des degrés divers. Il s'agit du Conseil
de sécurité, de l'Assemblée générale, du
Secrétaire général et de la CIJ.
La Charte tranche les rapports entre le Conseil de
sécurité et l'AG en son article 12 qui dispose que « Tant
que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un
différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont
attribuées par la présente Charte, l'Assemblée
générale ne doit faire aucune recommandation sur ce
différend ou à cette situation, à moins que le Conseil de
sécurité ne la lui demande ». Par contre, en cas de
litispendance (litige ou situation dans laquelle deux ou plusieurs tribunaux
sont simultanément saisis pour trancher une affaire, de même
nature, comportant le même objet et opposant les mêmes
parties)90, la Charte garde un curieux mutisme.
Il n'existe dans la Charte, en principe, aucune disposition
semblable à l'article sus évoqué qui oblige la Cour
à ne pas se prononcer sur une affaire en cours de traitement par le
Conseil de sécurité ou tout autre organe de l'institution. Dans
la pratique cependant, certains ont voulu dénier à la Cour toute
possibilité à se prononcer en cas de litispendance. Tel ne
devrait pas en principe être le cas. Etant donné que les organes
des NU fonctionnent sur des principes de spécialité,
d'égalité, de compétence et de
complémentarité, l'action de chacun de ses structures concourt
à la réalisation de l'objectif de paix que vise l'Organisation.
Ainsi, la Cour a toujours considéré que la pluralité de
saisine n'était pas en soi un obstacle à ce qu'elle fasse son
devoir une fois que sa compétence est clairement
établie91. Selon le représentant des
USA dans l'affaire du personnel diplomatique et consulaire à
Téhéran, M. OWEN affirme que « Le
89 Cf. Avis sur la construction du
mur en territoire palestinien occupé (2004).
90 En l'espèce certains
éléments diffèrent : on est en présence d'un seul
organe judiciaire, la Cour et la même affaire peut faire l'objet de
différentes requêtes (aspects politiques devant le Conseil et
aspects juridiques devant la Cour).
91 Voir dans ce sens, l'affaire
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
26 novembre 1984.
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Conseil de Sécurité est un organe politique qui
a la responsabilité de rechercher des solutions aux problèmes
internationaux par des moyens politiques. Par contre, la Cour
est un organe judiciaire qui possède la responsabilité d'utiliser
les méthodes judiciaires pour résoudre les problèmes
lorsqu'ils entrent dans sa compétence. Il n'y a absolument rien dans la
Charte des NU ou dans le statut de la Cour qui suggère que l'action du
Conseil exclut celle de la Cour, même si les deux actions peuvent
être de quelque manière parallèles »92.
La réponse de la Cour à une question qui lui est
posée peut jouer un rôle important, parfois déterminant
dans le règlement pacifique d'un différend aux contours
politiques complexes. C'est souvent lorsque la Cour semble glisser sur le
terrain du contrôle de légalité des actes du Conseil de
Sécurité que les résistances s'intensifient comme on peut
le déduire de l'avis relatif à certaines dépenses de
l'ONU93.
La jurisprudence de la Cour en matière de paix et de
sécurité internationale est assez fournie.
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