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Reflexions sur la fonction consultative de la cour internationale de justice (CIJ)

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par Kpatcha Lazare EWAROU
Université de Lomé -Togo - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA), Droit public 2012
  

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Paragraphe I : Le principe de spécialité des organisations internationales

Le principe de spécialité est un principe fondamental en droit des organisations internationales46. Il permet non seulement de définir les organisations en question mais aussi de les identifier.

Le principe de spécialité47 évoque l'idée selon laquelle les organisations internationales sont des sujets dérivés du droit international créées pour atteindre des objectifs particulièrement

45 Certains auteurs par contre contestent une éventuelle existence du droit des organisations internationales. Voir sur ce point, Reuter (P.), Le développement de l'ordre juridique international, Ecrits de droit international, Paris, Economica, 1995, p. 189-190.

46 Certains auteurs répugnent l'idée d'existence du droit international propre aux organisations internationales. Ils arguent qu'étant donné que chaque organisation dispose d'un acte créateur qui lui est propre, définissant son organisation et son fonctionnement, on se retrouve en présence de plusieurs droits des organisations internationales. Il conviendrait de parler « des droits des organisations internationales » que « du droit des organisations internationales ». Cf. Reuter (P.), Le développement de l'ordre juridique international, Ecrits de droit international, Paris, Economica, 1995.

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fixés par les Etats membres et que c'est la réalisation de ces objectifs qui détermine l'étendue de leur compétences (Avis consultatif CIJ 8/07/1996). Le principe de spécialité clairement reconnu par la Cour internationale de justice (A) a connu une évolution dynamique dans la jurisprudence de celle-ci (B).

A- La reconnaissance du principe de spécialité

Les organes principaux et institutions spécialisées de l'ONU, aux termes de l'article 96 al.2 de la Charte des Nations-Unies, ont compétence pour saisir la Cour pour solliciter des avis consultatifs. A l'analyse de cet article, trois conditions cumulatives sont requises pour fonder la compétence de la Cour à donner un avis à la question que lui poserait une organisation internationale. D'abord, l'institution dont émane la requête pour avis doit être une organisation dûment autorisée, conformément à la Charte, à demander des avis à la Cour. Ensuite, l'avis sollicité doit porter sur une question purement juridique. Enfin, cette question doit se poser dans le cadre de l'activité de l'institution.

Si au demeurant, les deux premières conditions ne posent pas de problèmes majeurs, la troisième condition fait elle souvent l'objet de controverses eu égard à la multitude des théories en présence.

C'est justement cette dernière condition qui a permis à la Cour, dans sa fonction consultative d'exercer un contrôle sur lesdites organisations et contribuer de ce fait à l'édification du droit qui doit les régir. Il s'agit ici essentiellement du principe de la spécialité. La Cour a eu à plusieurs reprises l'occasion de mettre l'emphase dans ses avis sur le principe de spécialité qui doit gouverner l'action des OI. Mais c'est dans son avis sur la licéité de la menace ou de l'emploi de l'arme nucléaire qu'elle se fera beaucoup plus explicite. Saisie pour avis sur la base de la résolution WHA46.40 de l'OMS, la question à laquelle la Cour devait répondre est la suivante : « Compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l'environnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou d'un conflit armé constituerait-elle une

47 Selon Chaumont (Ch.), « la spécialité, trait commun de toutes les organisations internationales, signifie donc l'affectation d'une structure à un but d'intérêt commun, affectation qui implique la limitation de compétences. Cette limitation s'étend au point de vue des Etats membres de l'organisation », Chaumont (Ch.), « La signification du principe de spécialité des organisations internationales », in Mélanges Rolin (H.), Problèmes de droit des gens, Paris, Pedone, 1964, p. 58.

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violation de ses obligations au regard du droit international y compris la constitution de l'OMS ?».

A la question de savoir si l'organisation mondiale pour la santé était fondée à saisir la Cour, après analyse des règles pertinentes de l'organisation notamment sa constitution48 et la pratique coutumière de l'organisation, la Cour retient essentiellement « Qu'aucune desdites fonctions n'entretient avec la question qui lui a été posée de rapport de connexité suffisant pour que cette question puise être considérée comme se posant dans le cadre de l'activité de l'Organisation mondiale pour la santé». Il est important de relever que de l'avis de la Cour, la question de l'OMS portait directement sur la licéité de la menace et de l'utilisation de l'arme nucléaire. Ceci explique parfaitement la position de la Cour lorsqu'elle a accepté donner son avis sur pratiquement la même question posée cette fois-ci par le Conseil de sécurité49. Il s'agit de toute évidence d'une interprétation restrictive du principe de spécialité. L'organisation n'a de compétence que celles qui lui ont été expressément reconnues par les Etats et contenues dans le traité qui l'institue. La Cour estime que « La licéité ou l'illicéité de l'utilisation d'armes nucléaires ne conditionne en rien les mesures spécifiques, de nature sanitaire ou autres qui pourraient s'imposer pour tenter de prévenir ou de guérir certains de leurs effets. Que des armes nucléaires soient utilisées licitement ou illicitement, leurs effets sur la santé restent identiques ». De la sorte, l'OMS est incompétente pour saisir la Cour pour avis sur la question épineuse de l'utilisation ou du recours à l'arme nucléaire.

Le principe de spécialité, pris sous l'angle d'une interprétation stricto sensu, a été et même continue de s'appliquer à des organisations et institutions. En témoigne la prolifération d'organisations internationales avec des spécifications précises50. Outre l'avantage de l'efficacité des organisations internationales du fait de leur spécialisation, le principe de spécialité contribue dans une large mesure à éviter les chevauchements de compétences entre elles.

48 Les fonctions de l'OMS sont résumées en 22 points de a à v à l'article 2 de son traité constitutif.

49 Dans sa résolution 49/75K, le Conseil de Sécurité a saisi la Cour pour qu'elle se prononce sur la licéité de la menace ou de l'utilisation de l'arme nucléaire. Ici, contrairement à ce qui était retenu dans le cas de l'OMS, la Cour a estimé que le Conseil était dans son domaine de spécialité, savoir la recherche et le maintien de la sécurité internationale, et donc pleinement recevable au rôle de la Cour. Cf. Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, AC, 08 juillet 1996, Recueil CIJ 1996.

50 Voir sur ce point KPODAR (A.) « Le principe de spécialité dans la définition des organisations internationales », R.B.S.J.A, n°17, 2006, p. 59-61.

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Mais le principe de spécialité a connu, sous l'influence de plusieurs théories, un certain dynamisme dans son interprétation et dans son application au point qu'il est, aujourd'hui légitime de s'interroger sur sa réelle portée51. La Cour n'a pas manqué de suivre cette évolution.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams