B- La validité des réserves aux
traités
Outre l'aspect de l'interprétation des traités,
la Cour s'est prononcée, par ses avis sur les réserves faites aux
traités, les objections faites à ces réserves et l'effet
de ces dernières.
Saisie par l'AG des NU le 16 novembre 1950, la CIJ devait se
prononcer sur non seulement la place des réserves faites par certains
Etats à la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide mais en même temps sur la portée des
objections faites à ces réserves.
Dans son avis du 28 mai 1951, la Cour, pour répondre
à la question libellée comme suit « l'Etat qui a
formulé la réserve peut-il être considéré
comme partie à la Convention aussi longtemps qu'il maintient sa
réserve si une ou plusieurs parties à la Convention font une
déterminer sa signification sur la base de quelques
phrases détachées de leur milieu et qui, séparées
de leur contexte, peuvent être interprétées de plusieurs
manières ».
37 Cf. Affaires minoritaires en Albanie, CPJI, avis
n°64 du 06 avril 1935, Rec. CPJI Série A/B 1935 ; Affaire de
l'interprétation des traités de paix du 2 février 1947,
CIJ, AC, 30 mars 1950, Rec. CIJ 1950.
38Affaire du Sud-ouest Africain, CIJ,
AC du 11 juillet 1950, Rec. CIJ 1950.
39Affaire du statut de la ville de
Memel, CPJI arrêt du 24 juin 1932, Rec. CPJI 1932, p. 249.
40Voir par exemple, Interprétation de l'accord
gréco-turc du 1er décembre 1926 (protocole final,
article IV), avis consultatif, 1928, C.P.J.I. série B no16.
41Interprétation de l'accord du 25 mars 1951
entre l'OMS et l'Egypte, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par.
35.
42Demande de réformation du jugement no 273 du
Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1982, p. 348, par. 46).
21
objection à cette réserve, les autres parties
n'en faisaient pas », a fait référence aux grands principes
qui gouvernent le droit des traités.
L'analyse de la question posée à la Cour
révèle qu'en réalité, il ne se pose pas de
problèmes majeurs sur le droit d'existence ou non des réserves
aux conventions. En effet, le débat sur ce point a presque perdu de
pertinence. Le souci de donner un plus grand champ d'effet aux traités a
conduit à accepter que les Etats puissent émettre des
réserves. La pratique observée dans les conventions
multilatérales confirme cette position. En l'espèce, on peut
admettre que c'est grâce justement à cette possibilité
reconnue, au nom de leur souveraineté, aux Etats que la Convention sur
le génocide a été approuvée à
l'unanimité.
Seulement, relève la Cour, la possibilité
d'émettre les réserves n'est pas sans limites. Certains Etats,
dans le cadre de cette affaire, ont évoqué la théorie
selon laquelle la souveraineté de chaque Etat lui donne la latitude de
formuler des réserves quelles qu'elles soient43. D'autres,
par contre, pour évincer le droit d'existence des réserves ont eu
recours à la théorie dite de l'intangibilité absolue des
traités44.
La Cour ayant examiné toutes ces théories,
retient qu'en réalité, c'est « La compatibilité de la
réserve avec l'objet et le but de la convention qui doit fournir le
critère de l'attitude de l'Etat qui joint une réserve à
son adhésion et de l'Etat qui estime devoir y faire une objection
».
S'agissant essentiellement de la question de l'effet des
réserves à l'égard des objections qui lui ont
été faites, la Cour rappelle toujours que c'est l'objet et le but
du traité qui déterminent la liberté d'apporter les
réserves et d'y objecter. Une fois donc que les réserves sont
émises, il revient à chaque Etat partie de la convention de juger
de la conformité ou non de cette réserve à l'objet et au
but de la convention. L'Etat qui reconnait la compatibilité de la
réserve aux fins du traité se trouve ipso facto lié par
cette réserve. Par contre, si un Etat émet une objection à
la réserve, il est évident qu'il ne serait pas lié, ne
serait-ce sur les clauses de la réserve avec l'Etat auteur de la
réserve.
43 Selon cette théorie dite de la
souveraineté absolue de l'Etat à émettre des
réserves, l'Etat partie ou qui veut faire partir à une convention
peut, au nom de sa souveraineté, y apporter à volonté
n'importe quelle réserve fut-elle destructive des fins que les parties
ont assigné à la convention.
44 Selon la théorie de
l'intégrité absolue des traités, toute réserve,
pour être acceptable, doit recevoir l'assentiment tacite ou exprès
de toutes les parties à la Convention.
22
La Cour devait également se prononcer sur l'effet des
réserves vis-à-vis d'un Etat qui n'a pas ratifié la
convention et de l'Etat qui a le droit de signer ou d'adhérer mais qui
ne l'a pas fait. Dans le cas d'un Etat signataire qui n'a pas encore
ratifié ou adhéré, l'objection ne produit qu'un effet
« d'avertissement » d'une future objection à la
réserve émise. L'objection dans ce cas ne produira d'effets
juridiques qu'à compter de la ratification du traité. Par contre,
par rapport à l'Etat qui n'a ni signé ni ratifié la
convention, les objections ne produisent aucun effet.
Outre le droit international classique, celui
spécifique aux organisations internationales45 a connu une
portée significative grâce à la fonction consultative de la
Cour qui non seulement le crée mais aussi le clarifie.
Section 2 : Contribution au développement du
droit des organisations internationales
Il est généralement admis que la Cour dans sa
fonction consultative est plus au service des organisations internationales.
Les avis de la Cour ont ainsi contribué de façon significative
à l'échafaudage du droit des organisations internationales. La
consécration historique de la personnalité juridique des
organisations internationales par la Cour (Paragraphe 2) a permis de renforcer
le principe de spécialité qui encadre leur champ d'action
(Paragraphe I).
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