B- Les pesanteurs politiques
Les contraintes politiques sont considérables et
imputables aux Etats. En effet, qu'il s'agisse de la procédure de
révision ou de la procédure d'amendement de la Charte, il est
procédé indiscutablement à des négociations
politiques entre les Etats sur les différents points à soumettre
à leur approbation.
L'aboutissement heureux de toute démarche de
modification de la Charte et donc de réforme d'un organe des
Nations-Unies est strictement conditionné aux succès
préalables - au plan politique - entre les Etats. Les Articles 108 et
109 de la Charte font du consensus non seulement entre les Etats membres de
l'organisation mais aussi des membres du Conseil de sécurité un
élément nécessaire pour toute réforme.
Il est patent, sur ce point justement que, les points de vue
des Etats sur des sujets de réforme divergent. Cette divergence reste le
plus souvent le résultat des intérêts politiques de chacun
des Etats. Ce qui constitue un obstacle sérieux à la
réforme des organes des Nations-Unies. L'exemple actuel de la
réforme du Conseil de sécurité illustre plausiblement
cette réalité. D'abord sur le plan des intérêts
politiques propres, les membres permanents se sont toujours montrés
hostiles à toute idée d'élargissement du Conseil de
sécurité. Qu'il s'agisse des Etats
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Unis d'Amérique167, de la
Chine168, de la
France169, de la
Russie170 ou du Royaume
Uni171, chacun joue sur ces intérêts
qui risquent ou non de disparaître en cas d'élargissement des
membres permanents. S'agissant ensuite de la divergence des points de vue,
illustrons avec les conceptions disparates qui sont avancées dans le
cadre de la réforme du Conseil. En effet, les Etats africains ne
s'accordent pas sur la procédure de la réforme. Alors que
certains soutiennent et défendent l'idée de membres permanents
(on y retrouve l'Afrique du Sud, le Nigéria), d'autres optent pour un
système de rotation (l'Angola, l'Egypte, le Sénégal).
Ces exemples empruntés aux difficultés qui font
obstacle à l'aboutissement de la réforme du Conseil de
Sécurité s'appliquent parfaitement à la Cour
internationale de justice.
Ainsi, relève Bendjaoui (M.) « L'essentiel pour
l'avenir immédiat de la Cour est donc que s'affirme dans les
chancelleries la volonté politique de lui porter un regard neuf, plus
empreint de réalisme »172.
167 Pour les Etats Unis,
l'élargissement du Conseil de sécurité risque fortement de
paralyser le fonctionnement de l'organe. Ils posent en outre des conditions qui
sont loin de faire l'unanimité notamment la condition de
démocratisation des pays en développement. Cette condition
à laquelle ne souscrivent pas certains Etats comme la Russie et le
Chine. Le souci pour la super puissance mondiale est de garder sans nul doute
son influence sur cet organe qui décide de l'état des relations
mondiales.
168 La Chine montre son hostilité
vis-à-vis de la candidature du Japon qui risque de concurrencer son
rôle de leader en Asie. Elle n'hésitera donc pas à brandir
son veto en cas d'une candidature de son rival de longue date.
169 S'agissant de la France, son
intérêt immédiat se mesure par rapport à
l'Allemagne, locomotive de l'économie de l'Union Européenne. La
présence de l'Allemagne en qualité de membre permanent du Conseil
de sécurité ne fera qu'enfoncer le rayonnement de la France qui
se trouve déjà en mauvaise posture sur la scène
internationale.
170 Pour la Russie, l'admission des pays
émergeants en qualité de membres permanents auront pour principal
inconvénient son effacement progressif sur la scène
internationale eu égard à sa faible économie et à
son instabilité économique.
171 Le Royaume Uni - eu égard à sa
politique extérieure - peut s'adapter aisément à toute
réforme du Conseil.
172 Voir Bendjaoui (M.), RADIC,
Septembre 1996, Volume 8, numéro 3, p. 546.
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