Paragraphe 2 : Le souci d'équilibre et les
pesanteurs politiques
L'idée de la réforme de l'organisation et du
fonctionnement de la Cour se trouve heurtée d'abord au souci majeur
d'équilibre des organes au sein de l'organisation (A) et ensuite aux
intérêts politiques de certaines supers-puissances de
l'organisation mondiale (B).
A- L'exigence de l'équilibre institutionnel
L'équilibre dans le fonctionnement des organisations
internationales a toujours été un des soucis principaux des
fondateurs. Les débats qui ont présidé à la
création de l'organisation des Nations Unies ont été
marqués foncièrement par ce souci d'équilibre. Le
problème était de savoir quel sera parmi les organes politiques
et l'organe judiciaire celui qui aura la prééminence sur les
autres165.
Il est évident que la réponse à cette
interrogation sur le plan purement théorique n'a pas de réelles
difficultés. En effet, les différents organes principaux de
l'organisation mondiale, suivant les dispositions de la Charte, fonctionnent
sur la base des principes de complémentarité et
d'égalité ou plus exactement de la non subordination.
Dans la pratique cependant, les choses en vont autrement
surtout envers l'organe judiciaire. L'institution de la Cour parmi les organes
principaux de l'ONU avait pour objectif d'assurer une protection contre les
excès de pouvoir d'un certain autre organe notamment politique. Cette
prétention a été contestée par certains auteurs qui
ont vu en cette institution le gouvernement des
juges166. C'est sur ce point justement que les
hostilités se renforcent toujours face à l'idée de
réformer le fonctionnement de la Cour. Le Conseil de
sécurité n'a pas été et ne sera jamais tendre
lorsqu'il s'agit de reconnaitre à la Cour la capacité à
exercer un contrôle de légalité sur ses actes.
165 Voir BENDJAOUI (M.), Nouvel ordre
mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de
sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 573.
166 Les propos du gouvernement britannique
à l'égard de la Cour européenne des droits de l'homme et
de son appréciation des effets de l'état d'urgence sont
illustratifs « they are not matters to beassessed ... those again are
politicaldecisions and cannot in ourviewbedecided on purelylegal grounds
», in, BENDJOUI (M.) op. cit., p. 573.Pour John Foster Dulles, « Le
Conseil de Sécurité n'est pas un organe qui simplement applique
le droit convenu. Il est par lui-même un droit » BENDJOUI (M) in,
Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des
actes du Conseil de Sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p.
11.
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Le souci d'équilibre est la base des justifications
avancées pour ne pas admettre l'ouverture de la saisine de la Cour en
matière consultative au Secrétaire générale de
l'organisation des Nations-Unies. Il a été avancé
qu'ouvrir le prétoire de la Cour au Secrétaire
général reviendrait à fausser l'équilibre de la
Charte. On a craint une certaine autonomie du Secrétaire
général vis-à-vis des autres organes principaux politiques
notamment le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale. Aussi, le principe de spécialité
exigé dans la sollicitation de l'avis de la Cour serait battu en
brèche si cette autorisation était validée étant
prouvé que le Secrétaire général n'a pas un domaine
de spécialité propre.
Le même raisonnement peut être mené
s'agissant de l'idée d'autoriser les Etats à solliciter l'avis de
la Cour. Il est craint ici le sevrage du Conseil de sécurité et
de l'Assemblée générale d'une importante partie des
affaires au profit de la Cour. Ceci risquerait, en outre, de porter sans nul
doute une atteinte sérieuse aux intérêts de certaines
grandes puissances.
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