B- La procédure d'amendement
La procédure d'amendement de la Charte n'est pas moins
mobilisable que celle de la révision. Il témoigne du souci des
pères fondateurs de la Charte de la verrouiller suffisamment.
L'article 108 de la Charte dispose en effet que « Les
amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous
les membres des Nations-Unies quand ils auront été adoptés
à la majorité des deux tiers de l'Assemblée
générale et ratifiés, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des membres de
l'organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de
Sécurité ».
L'analyse de cet article laisse apparaitre une certaine nuance
entre la procédure d'adoption des questions import antes et la
procédure d'adoption des amendements au sein de
161 Au niveau du Conseil de
Sécurité, il n'est pas exigé le vote affirmatif des cinq
membres permanents. Le veto ne peut non plus juridiquement faire obstacle
à la convocation de la conférence.
162 Voir DEHAUSSY (J.), « Commentaire de
l'article 119 » in la Charte des Nations-Unies, commentaire article
par article, COT (J. P.), PELLET (A.), 2ed. Paris,
Economica, 1991, p. 1444-1446.
163 C'est le cas en 1963
(élargissement du Conseil de Sécurité de 11 membres
à 15 membres) ; en 1963 (élargissement du Conseil
économique et social de 18 à 27 membres) puis (à 54
membres) en 1971 ; en 1965 (sur les articles 109 relatif à la
convocation de la conférence de révision de la Charte).
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l'Assemblée générale164. Si
dans les deux cas, il est question de la même majorité (deux
tiers) des membres, l'exigence n'est pourtant pas la même. Dans le cadre
des décisions importantes de l'Assemblée générale,
le décompte est fait par rapport aux membres présents et votants.
Ce qui est de toute évidence plus réalisable. L'exigence en
matière d'amendement de la Charte est la majorité des deux tiers
sur l'ensemble des membres de l'organisation.
Cette différence de degré permet de mettre en
exergue la particularité de la procédure d'adoption des
amendements prévue à l'Article 108 de la Charte des
Nations-Unies. Il s'agit d'établir une corrélation entre
l'importance d'une question et l'appui des Etats. Plus une question se
révèle importante, plus la décision s'avèrera
essentielle, et donc plus il est indispensable de rassembler les membres de
l'Assemblée générale en sa faveur.
L'exigence est justifiée par le fait qu'un amendement
n'ayant acquis que l'approbation des deux tiers des membres présents et
votants, sans avoir obtenu les suffrages des deux tiers des membres de
l'Assemblée, n'aurait que d'infimes chances de se voir par la suite
ratifier par les deux tiers des membres de l'Assemblée
générale, comme l'exige l'entrée en vigueur des
amendements de l'Article 108 de la Charte.
Sur ce dernier point relatif à la ratification,
condition essentielle pour l'entrée en vigueur de l'amendement,
l'exigence de la réunion de l'ensemble des membres du Conseil de
sécurité constitue en effet un verrou de plus.
La stabilité précaire que connait l'institution
mondiale aujourd'hui est imputable à la répartition sur mesures
des compétences de chacun des organes et institutions. De ce fait, les
différents organes rechignent toute initiative de réforme pouvant
entraine un bouleversement de cet équilibre,
164 Suivant les dispositions de l'article 18 de la Charte,
« Les décisions de l'Assemblée Générale sur
les questions importantes sont prises à la majorité des deux
tiers des membres présents et votants (...). L'idée ici
consisterait à considérer les absents et les abstentions comme ne
comptants pas dans le décompte final.
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