CONCLUSION
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La place et le rôle de la Cour internationale de justice
au sein de l'Organisation des Nations - Unies sont d'une grande portée.
Instituée depuis 1945 en lieu et place de la CPJI, la Cour est non
seulement perçue comme un des organes principaux de l'ONU mais aussi et
surtout comme l'organe judiciaire principal de l'organisation mondiale. En
cette dernière qualité, la Cour a entre autres missions de
contribuer au règlement pacifique des différends entre Etats au
travers de sa fonction contentieuse et à l'éclairage des organes
et institutions de l'ONU sur des aspects juridiques controversés
auxquels ils se verront confrontés dans le cadre de leur
spécialité à travers sa fonction consultative.
Cette dernière fonction de la Cour, objet de notre
réflexion, malgré son apport incommensurable notamment sur le
fonctionnement des organes et institutions de l'ONU et sur le
développement du droit international général, se trouve
être largement peu utilisée. Il s'est révélé
impérieux, dans la marche globale de la réforme de l'ONU, que les
attentions se tournent vers la Cour en général et
particulièrement vers sa fonction consultative.
L'apport de la fonction consultative a été
démontré essentiellement par l'analyse et l'étude de sa
jurisprudence. Cette démarche se justifie par les avantages qu'offre la
jurisprudence qui revêt un rôle de premier plan dans le
système international. L'Article 38 du statut de la Cour abonde dans ce
sens en affirmant que « La Cour, dont la mission est de régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique... les décisions judiciaires...comme moyen auxiliaire
des règles de droit ».173
La sous-utilisation de la fonction consultative de la Cour est
imputable à la rigidité de la Charte des Nations-Unies et de son
Statut qui restreignent l'ouverture du prétoire de la Cour.
Limitée sur le plan institue personnae seulement aux organes principaux
(à l'exception du Secrétaire général) et à
certaines institutions spécialisées de l'ONU et sur le plan
matérielle à des aspects spécifiquement juridiques, la
fonction consultative de la Cour a moins d'opportunités - contrairement
à la fonction contentieuse - de faire valoir ses
potentialités.
La relance de cette fonction consultative de la Cour est plus
qu'une exigence. La Cour doit de s'adapter aux réalités
politiques d'un monde en mutation perpétuelle. Les
réalités politiques
173 La jurisprudence considérée
non pas comme une source formelle du droit international mais une source
d'inspiration aide considérablement à identifier et à
interpréter les règles du droit international quelle que soit
leur source. Elle se révèle aussi être un puissant moteur
de l'évolution des règles de droit par l'effet qu'elle peut
générer sur la pratique et l'opinio iuris des sujets de droit
international et de renforcement des institutions.
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d'après-guerre ne sont aucunement plus les mêmes
aujourd'hui. L'avènement du nouvel ordre mondial174 constitue
une exigence de plus à l'évolution de la Cour appelée
à faire triompher le règne du droit en lieu et place de la force
et de la violence.
L'idée essentielle de la réforme de la fonction
consultative de la Cour tient à la décentralisation de la
capacité de sa saisine. D'abord au sein des organes principaux des
Nations-Unies, le Secrétaire général de l'Organisation
doit pouvoir être autorisé à saisir la Cour pour solliciter
son éclairage - eu égard à la relation
complémentaire qu'il entretient avec le Conseil de
sécurité - sur certains aspects juridiques des affaires dans
lesquelles il joue un rôle de premier plan. Ensuite, il est
proposé à d'autres institutions qui sont hors du cadre de l'ONU
de pouvoir exploiter la fonction consultative de la Cour. Il s'agit
essentiellement des institutions d'ordre régionales et sous
régionales qui jouent un rôle non négligeable en
matière de paix et de sécurité internationale. Par
ailleurs, on ne peut aujourd'hui sous-estimer l'apport considérable de
certaines organisations non gouvernementales en matière de la promotion
des droits humains. Ce serait donc une avancée significative de leurs
permettre dans l'exercice de leurs activités de soumettre à
l'avis de la Cour les questions juridiques problématiques auxquelles
elles seront confrontées. Enfin, la possibilité doit être
offerte aux acteurs principaux de la vie internationale que sont les Etats
à solliciter le point de vue de la Cour en assouplissant les
procédures au sein des organes et institutions auxquels ils sont
partis.
Sur le plan matérielle, il s'agira de lancer « un
appel aux Etats pour qu'ils révisent leurs critères de saisine de
la Cour en ne perdant à aucun moment de vue que cette saisine,
même si elle ne concerne qu'un aspect juridique subsidiaire d'un
différend politique beaucoup plus vaste, peut avoir des vertus
apaisantes immédiates et transformer avec bonheur la physionomie de ce
différend »175.
L'avantage immédiat de cette ouverture de la saisine de
la Cour en matière consultative est sans nul doute l'accroissement
sensible des affaires à porter au rôle de la Cour. L'aspect
quantitatif, même s'il n'est pas le seul élément rendant
compte de l'efficacité d'une Cour, il constitue néanmoins un
élément essentiel dans l'apport de celle-ci en ce qu'il permet
à la
174 Le Nouvel ordre mondial forgé dans les
années 1990 envisage un règne sans partage du droit. S'adressant
au Congrès des Etats-Unis le 11 septembre 1990, le Président
Georges Bush annonce « Une nouvelle ère... un monde où la
primauté du droit remplace la loi de la jungle ; une ère nouvelle
moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice
et plus sûr dans la quête de la paix ». Pour le
Président français, Mitterrand François, il s'agit «
d'une guerre du droit ».
175Bendjaoui (M.), RADIC, op. cit., p.
543.
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Cour de contribuer par ses décisions à
l'éclairage et au développement du droit en
général. Mais ceci ne doit pas masquer le risque de «
surchauffage de la machinerie » de la Cour. A ce niveau, doit être
mise à profit l'opportunité de l'utilisation des chambres par la
Cour.
L'avenir de la fonction consultative de la Cour mondiale doit
être pensé notamment sur les aspects relatifs au contrôle de
légalité des actes des organisations internationales notamment
ceux du Conseil de sécurité qui reste largement rudimentaire avec
des limites vite atteintes. Il est admis que chaque organe de l'institution
dispose, dans le cadre de ses fonctions, du pouvoir d'interprétation de
la Charte et de leur acte constitutif. La problématique se dégage
justement dans l'hypothèse d'existence de plusieurs
interprétations de surcroit contradictoires. Jusqu'où peut aller
cette interprétation et comment résoudre d'éventuelles
contradictions s'il n'est pas reconnu à la Cour une compétence de
contrôle de constitutionnalité des actes des organes politiques
notamment le Conseil de sécurité.
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