B- Ouverture de la saisine à certains organes
spécifiques
S'il est incontestable que les Etats sont les acteurs
principaux de la vie internationale, il reste cependant évident
qu'aujourd'hui, on assiste à un changement de données. En effet,
des phénomènes de fragmentation et ou de regroupement contribuent
à une vulnérabilité de l'Etat. De ce fait, « Le droit
international n'est pas exclusivement, et peut être pas principalement,
le droit des relations entre Etats »150. Les
Etats se trouvent submergés par soit des organisations régionales
qu'elles soient de type coopératif ou d'intégration, ou soit, par
des organisations internationales et des organisations non gouvernementales
(ONG). Il est exigeant que les conditions de saisine de la Cour pour avis
notamment soient revisitées à la lumière de ces nouvelles
donnes.
D'abord, le rôle important que jouent les organisations
internationales qui ne sont pas intégrées directement à
l'ONU ne peut être négligé. Le chapitre VIII de la Charte
certes, les place dans un état de subordination vis-à-vis du
Conseil. Seulement eu égard à la place qu'elles occupent au plan
régional, il est indispensable que la procédure consultative leur
soit ouverte afin qu'elles soient éclairées sur des questions
juridiques importantes qui se posent au plan régional. Les conflits
entre les différentes organisations régionales peuvent être
réglés par les avis de la Cour qui en pareils cas revêtira
un caractère obligatoire pour les parties.
150 COMBACAU (J.) et SUR (S.), Droit
international public, Paris, Domat, Montchrestien, 2éd. 1995, p.
311.
74
Ensuite, les organisations non gouvernementales, souvent
considérées comme de simple instruments de lobbying, ont vu leurs
impacts sur la formation du droit international longtemps ignorés. Les
ONG sont par définitions insaisissables avec des contours mal
dessinés151. Elles sont appréhendées par leurs
caractéristiques notamment leur composition internationale, la
constitution privée et leur but non lucratif152. Pour BLAIS
Y. « L'organisation non gouvernementale internationale est une structure
privée du droit international regroupant des personnes privées ou
publiques originaires de plusieurs pays, et qui oeuvrent sans esprit de lucre
à la réalisation d'un but d'intérêt
général international dans les pays autre que celui de sa
fondation »153. A la lumière de l'importance des
missions qu'accomplissent certaines desdites ONG, on estime qu'il serait
judicieux de penser à leur possible saisine de la Cour pour demander des
éclairages sur des questions d'importances fondamentales. Il revient de
faire un certain diagnostic des ONG dont la notoriété est
indiscutable et qui répondent à des critères à
déterminer.
Enfin, et pour contrer le risque de fragmentation du droit
international du fait du manque de coordination et de subordination des
juridictions sur le plan international, une possibilité pourrait
être d'habiliter, sous certaines conditions, d'autres institutions
judiciaires internationales à soumettre à la Cour, par le canal
de l'Assemblée générale, des demandes d'avis sur des
questions de droit international auxquelles elles sont
confrontées154.
La générosité en matière de
saisine de la Cour, qui nécessitera des amendements des articles 96 de
la Charte et 65 du Statut de la Cour, contribuerait à une plus grande
utilisation de la fonction consultative qui favorisera le développement
du droit international. Le risque d'un encombrement de demande d'avis au
rôle de la Cour ne doit pas être perdu de vue d'où la
nécessité de prendre quelques dispositions fonctionnelles.
151 Voir BLAIS (Y.), L'influence des ONG sur la
négociation de quelques instruments internationaux, Bryulant,
Bruxelles, 2001, p. 9.
152 Pour des définitions des ONG voir, la Convention
européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des
ONG du 24 avril 1986 et la Convention de La Haye concernant la reconnaissance
de la personnalité juridique des sociétés, associations et
fondations étrangères de 1956.
153BLAIS (Y.), Ibid.
154 RADIC, op. cit., p. 648.
75
|