Section I : Les pistes de la revalorisation
La revalorisation de la fonction consultative de la Cour peut
être envisagée d'abord par une ouverture plus grande de sa saisine
(Paragraphe I) et ensuite par un réaménagement fonctionnel
(Paragraphe 2).
Paragraphe I : Une saisine plus
généreuse
Il est impérieux que la Cour procède à
une « décentralisation » de la compétence à la
saisir en procédure consultative. Certains organes et institutions qui
ne sont pas habilités à solliciter l'avis de la Cour (A) et ceux,
qui, au plan local, contribuent par leurs actions au développement et
à la pacification de la Société mondiale (B) doivent
être inscrits dans cette liste de compétence.
145 Discours prononcé par le Président du Costa
Rica, M. José Figueres Olsen, à La Haye devant la CIJ le 04 mars
1996, RADIC, op. cit., p. 669.
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A- Ouverture de la saisine à d'autres organes de
l'ONU
Nous envisagerons sous cette rubrique la possibilité
pour le Secrétaire général des Nations - Unies et les
Etats membres de l'organisation de solliciter l'avis de la Cour sur des
questions juridiques controversées.
S'agissant tout d'abord du Secrétaire
général de l'ONU, il convient de rappeler qu'il fait partie, aux
termes des dispositions de l'article 7 de la Charte des NU, des organes
principaux de l'organisation. Ces organes principaux sont autorisés,
suivant les dispositions de l'article 96 de la Charte, à demander
à la CIJ un avis consultatif sur des questions d'ordre juridiques (pour
le CS et l'AG) et sur des questions juridiques spécialisées (pour
les autres organes et institutions spécialisées de l'ONU)
après autorisation de l'Assemblée générale. Cette
autorisation est généreusement accordée à tous les
organes et institutions spécialisées à l'exception
remarquable du Secrétaire général. L'exclusion du
Secrétaire générale de l'ONU de la procédure
consultative tient essentiellement à des raisons purement politiques et
institutionnelles. En effet, la réticence de l'Assemblée
générale à autoriser le Secrétaire
général à solliciter l'avis de la Cour est guidée
par le souci d'équilibre institutionnel à sauvegarder. Le but de
cet équilibre ne serait pas de garantir la primauté des organes
principaux sur les organes subsidiaires car le Secrétariat est un organe
principal mais plutôt de ne pas accorder une trop grande autonomie
d'action au Secrétaire général par rapport au Conseil de
sécurité et à l'Assemblée générale.
S'il est fait obligation aux organes et institutions de l'ONU de ne solliciter
l'avis de la Cour que sur des questions juridiques qui se posent dans le cadre
de leurs fonctions, la saisine de la Cour par le Secrétaire
général poserait quelques difficultés dans ce cadre. Etant
le plus haut fonctionnaire de l'organisation et ses fonctions concernant
pratiquement tous les secteurs, le Secrétaire général
serait amené à poser des questions ressortissant du domaine de
compétence des autres organes. Cette crainte de primauté et de
confusion expliquent la réticence de l'Assemblée
général à lui accorder cette autorisation.
Le Secrétaire général en l'état
actuel des choses peut inscrire à l'ordre du jour d'un organe une
question sur laquelle il estime important de solliciter l'éclairage de
la Cour146. Il a
146Selon l'Article 99 de la Charte des
Nations-Unies, "Le Secrétaire général peut attirer
l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui,
à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et la
sécurité internationale".
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également le droit voire le devoir de rappeler aux
organes des NU la nécessité de demander l'avis de la Cour toutes
les fois qu'ils se heurtent à une question juridique importante et
controversée147.Dans ce cadre, dans son rapport de 1991, le
Secrétaire général relevait que « De nombreux
différends internationaux sont justiciables de la Cour ; même ceux
qui semblent purement politiques, ont un élément nettement
juridique. Si pour quelque raison que ce soit les parties ne saisissent pas la
Cour, obtenir de celle-ci un avis consultatif aiderait à parvenir
à un règlement équitable et objectivement satisfaisant et,
partant, à désamorcer une crise potentielle
»148.
Mais nous partageons l'idée d'une possible ouverture de
la saisine de la Cour au Secrétaire général notamment dans
le cadre de ses compétences relatives au maintien de la paix. Il a
été suggérer d'autoriser le Secrétaire
général à demander des avis consultatifs en fonction du
Paragraphe 2 de l'Article 96, en lui permettant de recevoir des avis juridiques
officiels sur des points de droit international qui se posent dans le cadre de
ses activités, en particulier en ce qui concerne les différends
dans le cadre desquels on lui demande de jouer un rôle, notamment en
exerçant ses bons offices ou en intervenant en qualité de
médiateur149.
Par ailleurs, il serait souhaitable de lui accorder le droit
de saisir directement la CIJ d'autant plus qu'une saisine par une seule
personne plutôt que par un organe bénéficierait d'avantages
en termes de rapidité et d'efficacité.
S'agissant ensuite des Etats, acteurs traditionnels et
incontournables de la vie internationale, la Charte des NU leur accorde une
priorité uniquement en matière contentieuse. L'exclusion des
Etats de la procédure consultative s'explique par le fait qu'il y a
risque pour la Cour de statuer deux fois, d'abord en procédure
consultative puis en procédure contentieuse au sujet d'une même
question. La Cour court ainsi le risque de se voir ultérieurement
liée par son avis lorsqu'elle sera amenée à se prononcer
sur la même affaire au contentieux ce qui risque de fragiliser sa
crédibilité.
147M. Boutros Boutros-Ghali avait
suggéré, par exemple, de faire usage de manière plus
fréquente de la procédure consultative : « Je recommande ...
que les autres organes de l'organisation qui sont déjà
autorisés à le faire (demander l'avis de la Cour)
s'adressent plus souvent à la Cour pour obtenir d'elle des avis
consultatifs ».
148 Rapport du Secrétaire général de l'ONU
à l'Assemblée générale, 1991, A/46/1, p. 4.
149 Voir, (GHALI B. B.), in RADIC, Op. cit., p. 9
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L'ouverture de la procédure consultative aux Etats peut
être envisagée sous l'aspect d'assouplissement des
procédures. En effet, les Etats sont le plus souvent auteurs des
résolutions tendant à demander à l'organe dont il conteste
une décision de solliciter l'avis de la Cour. Pour envisager un plus
grand succès des initiatives des Etats, la demande doit être
considérée comme une question de procédure qui n'implique
pas l'usage du droit de veto. Aussi l'existence d'une minorité
substantielle réunissant les 2/5 des Etats en faveur d'une demande
d'avis devrait-elle être prise en compte par le Conseil.
On peut aussi envisager accorder, eu égard aux
mutations actuelles de la société internationale, la
possibilité de saisine de la Cour en matière consultative
à certains organes et institutions spécifiques.
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