Paragraphe 2 : Une fonction consultative
concurrencée
La concurrence de la fonction consultative de la Cour
s'explique d'abord par le fait que son recours est subordonné, suivant
les dispositions propres aux organes et institutions à
l'épuisement des moyens de résolutions internes de ceux-ci (A) et
ensuite, à la prolifération des juridictions
spécialisées au plan international (B).
A- Le caractère subsidiaire du recours à
l'avis de la CIJ
Nous avons relevé que la Charte des Nations-Unies, tout
en recommandant aux Etats de faire usage des moyens de règlement
pacifiques des différends conformément aux idéaux de
l'Organisation, n'en impose aucun des moyens. Cela n'est pas surprenant dans la
mesure où chaque mode de règlement pacifique a ses vertus
propres, non seulement d'un point de vue intrinsèque, mais aussi au
regard de chaque situation particulière135.
Dans la pratique, la juridiction de la Cour en
général et en matière consultative en particulier
revêt un caractère subsidiaire dû, d'une part à
l'existence d'une certaine concurrence entre les différents modes de
règlement pacifique des différends et, d'autre part, au fait que
recours à la fonction consultative de la Cour reste subordonné,
dans bien des cas, à l'échec des mécanismes de
règlement propres à chaque organe ou institution.
Le recours aux modes de règlement pacifique de conflit
présente certes des avantages à la fonction judiciaire de la
Cour136. La CPJI dans son arrêt n°2 soulignait
l'importance de cette phase en déclarant que« La Cour se rend bien
compte de toute l'importance de la règle suivant laquelle ne doivent
être portées devant elle que des affaires qui ne sont pas
susceptibles d'être réglées par les négociations ;
elle reconnaît en effet, qu'avant qu'un différend fasse l'objet
135Bendjaoui (M.), op. cit., p. 545.
136 Certains, cependant, estiment que le fait pour la Cour de
demander un recours préalable aux MARC est constitutive d'un déni
de justice ; voir Affaires de la Compétence en matière de
pêcheries Essais nucléaires (Royaume Uni et Irlande du Nord c.
Islande), Arrêt du 25 juillet 1974, CIJ. Rec. 1974, Opinion dissidente du
juge GROS, p. 147.
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d'un recours en justice, il importe que son objet ait
été nettement défini au moyen des pourparlers
diplomatiques »137. En effet, le recours préalable aux
modes alternatifs de règlement pacifique des différends permet
à la Cour de se libérer de toutes les conceptions limitées
et donc offre une plus grande visibilité sur tous les contours et
particularités du différend ou de la question soulevée.
Quoi qu'il en soit, il est évident que la fonction
juridictionnelle de la Cour intervient le plus souvent à titre
subsidiaire en ce qu'elle est fortement concurrencée par d'autres
mécanismes non juridictionnels de règlement ce qui atténue
non seulement le poids de sa fonction mais aussi l'intérêt
même de celle-ci.
La sous-utilisation de la fonction consultative de la Cour est
par ailleurs due au fait que les organes ou institutions autorisés
à la saisir disposent en leur sein des mécanismes de
règlement des différends. Le recours à l'avis dans ce cas
est subordonné à l'échec desdits moyens. La convention de
l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime
(IMCO), institution autorisée à saisir la Cour en matière
consultative138, précise en son article 56 que « Toute
question de droit qui ne peut être réglée par les moyens
indiqués à l'Article 55 est portée, par l'Organisation,
devant la Cour internationale de justice, pour avis consultatif,
conformément à l'article 96 de la Charte des Nations-Unies
». L'article 55 est libellé comme suit « Tout différend
ou toute question surgissant à propos de l'interprétation ou de
l'application de la convention est soumis à l'Assemblée pour
règlement ou réglé de toute autre manière dont les
parties au différend se seraient convenues etc. ». II est clair que
l'article 56 confère à la demande d'avis un caractère
subsidiaire la subordonnant à l'impossibilité d'un
règlement du litige par les procédures prévues à
l'article 55 de la convention. Le recours à l'avis de la Cour sur la
question relative à la composition du comité de l'institution a
été facilité par le fait qu'il s'agissait d'un vote de
l'Assemblée générale de l'institution elle-même. Ce
qui rendait impossible la résolution du problème par
elle139.
137 CPJI, Arrêt n°2, Série A, p. 13.
138L'autorisation a été
accordée par un accord approuvé par la Résolution 204
(III) de l'Assemblée générale de l'O.N.U. et beaucoup plus
tard par la Résolution A 7 (I) du 13 janvier 1959 de l'assemblée
de l'I.M.C.O. L'article 9 de cet accord prévoit la possibilité de
demander des avis consultatifs à la Cour de la manière suivante :
« L'Assemblée générale autorise l'organisation
à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de
justice sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de son
activité, à l'exception de celles concernant les relations
réciproques entre l'I.M.C.O. et l'O.N.U. ou d'autres Institutions
spécialisées».
139 Voir Avis, Composition du Comité de la
sécurité maritime de l'Organisation intergouvernementale
consultative de la navigation maritime, 8 juin 1960, Rec. CIJ, 196O.
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La prolifération des juridictions internationales
spécialisées contribue, par ailleurs, sensiblement à
« l'effacement » de la fonction consultative de la Cour
internationale de justice.
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