B- Les obstacles inhérents aux organisations et
institutions
La compétence consultative considérée
à juste titre comme la fonction de la Cour au service des organisations
internationales souffre d'un manque de visibilité due à sa
moindre sollicitation. La saisine faible du principal organe judiciaire de
l'Organisation des Nations-Unies est en partie due à l'organisation et
au fonctionnement même des organes et institutions ayants reçu
l'onction de l'Assemblée général à en faire
usage.
Le principe de fonctionnement de l'ONU prône une
égalité totale et parfaite entre les Etats. Suivant les
dispositions de l'article 2 paragraphe 1 « L'Organisation est
fondée sur le principe de l'égalité souveraine des Membres
». La souveraineté prohibe en effet, toute subordination à
une quelconque autorité supérieure en dehors du consentement
donné par celui qui en est investi. Cela explique, d'une part, pourquoi
la C.I.J. fait preuve d'une déférence plus grande à
l'égard des parties que ne le font les juridictions de l'ordre interne
et, d'autre part, pourquoi la
132 De 1946 à août 2012.
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procédure comme les règles de compétence
sont, dans cette enceinte, fortement marquées du sceau du
consensualisme.
Ce principe d'égalité doit normalement
être respecté par les organes133 et institutions
spécialisées de l'ONU autorisés à utiliser la
procédure consultative de la Cour étant donné qu'ils sont
bâtis sur les principes et règles de l'Organisation mère.
Seulement cette égalité formelle ne doit pas être
surestimée car la pratique observée au sein des organes et
institutions de l'ONU laisse lire un flagrant déséquilibre. Cet
état de chose n'est pas de nature à favoriser une plus grande
saisine de la Cour pour avis sur des questions juridiques. Même si le
principe d'unanimité a été abandonné au profit du
principe de la majorité, il est prouvé que certains Etats «
défavorablement clichés » éprouvent des
difficultés pour pouvoir engranger à leur cause la
majorité exigée.
L'unipolarité du monde actuel qui explique largement ce
déséquilibre s'observe beaucoup plus dans la pratique de
certaines institutions spécialisées à caractère
financier notamment la Banque mondiale (BM) et le Fond monétaire
international (FMI). En effet l'influence considérable qu'exercent les
Etats Unis sur ces institutions n'est pas de nature à leur laisser main
libre à demander l'avis de la Cour étant donné qu'il est
patent qu'ils (USA) manifestent une certaine hostilité à
l'égard des décisions de la CIJ134.
Par ailleurs, solliciter un avis par ces institutions revient
à s'engager préalablement de respecter l'avis de la Cour. Mais vu
le manque de démocratie de ces institutions, leur incapacité
à remettre en question leurs politiques et le souci primordial de la
défense des créanciers, s'engager sur cette voie de saisine de la
Cour pour solliciter son avis reviendrait à se faire lier par le droit.
Ce qui est très peu envisageable car, il est difficile d'imaginer que
des institutions qui, par voie de la coercition sur les gouvernements,
mènent des politiques pas toujours conformes au droit international,
acceptent du jour au lendemain de se soumettre à ce même droit en
s'engageant de suivre l'avis consultatif de la CIJ.
133 Voir article 27 de la Charte des Nations-Unies pour ce qui
concerne le Conseil de Sécurité de l'ONU qui dispose que «
chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix
».
134Voir l'exemple de l'Arrêt sur l'Affaire
« Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci » du 26 novembre 1984.En 1986, sur la base de l'arrêt
fraîchement adopté et en vertu de l'article 94 § 2 de la
Charte, le Nicaragua s'adresse au Conseil de sécurité pour faire
exécuter l'arrêt rendu au préjudice des Etats-Unis. Or, eu
égard au statut de membre permanent de ce dernier Etat, le Conseil n'a
pas été en mesure d'adopter une résolution. C'est
finalement l'Assemblée générale qui adoptera une
résolution rappelant aux Etats leur obligation de respecter les
arrêts de la Cour.
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La fonction consultative de la Cour est ombragée non
seulement par d'autres moyens de règlement pacifique des conflits (MARC)
mais aussi par la prolifération des juridictions
spécialisées.
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