B- La consolidation des droits de l'homme
La Cour internationale de justice a eu l'occasion de mettre
l'emphase sur les droits de l'homme dans plusieurs de ses avis. Dans son avis
sur la réparation des dommages subis au service des
Nations-Unies24, outre l'aspect important de la personnalité
juridique objective de l'organisation à agir, la Cour n'a pas
manqué de revenir sur les aspects des droits de l'homme notamment le
droit à la protection reconnu à tout le monde ou le devoir de
protéger qui incombe non seulement aux Etats à l'égards de
leurs citoyens et même des étrangers résidants sur leur
territoire, mais aussi aux organisations internationales pour le compte
desquelles agissent les personnes employées. La Cour a mis l'emphase sur
l'obligation de cette protection internationale qui en pratique reste
partagée entre l'organisation au nom et pour le compte de laquelle
l'agent travaille et l'Etat hôte. Il n'y a pas de raisons pour qu'il en
soit
23 Israël pour justifier la
légalité de la construction du mur a évoqué deux
arguments. D'abord le droit naturel de légitime défense
prévu à l'article 51 de la Charte de NU. Cet argument pour
être recevable doit mettre aux prises deux Etats ; or l'Etat
l'Israël ne reconnait pas le territoire palestinien comme un Etat. Aussi
les mesures de riposte se révèlent largement
disproportionnés.
24Réparation des dommages subis au service des
NU, AC, 11 avril 1949, Rec. CIJ 1949. L'espèce est relative à
l'assassinat d'un diplomate suédois envoyé en Palestine par
l'ONU, M. Compte Folke Bernadote, par un groupe extrémiste
israélien à Jérusalem le 17 septembre 1948.
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autrement. L'agent doit pouvoir compter sur la protection que
lui assure l'organisation qui l'emploie et non s'en remettre à la
protection de son Etat d'origine ce qui compromettrait son indépendance
contrairement au principe de l'article 100 de la Charte25. La Cour
souligne qu'il est essentiel que l'agent, qu'il appartienne à un Etat
puissant ou faible, à un Etat plus ou moins touché par les
complications de la vie internationale, à un Etat en sympathie ou non
avec sa mission, jouisse d'une protection pleine et totale.
La Cour dans cette lignée de protection des agents
internationaux a contribué
significativement en 1999, dans l'affaire relative à
l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme26, à la compréhension
de la notion d'agents internationaux plus spécifiquement celle d'expert
au service des Nations-Unies. Il ressort de l'espèce qu'en 1995, M.
Dato' Param Cumaraswamy, juriste malaysien, rapporteur spécial
nommé par la Commission des droits de l'homme chargée de la
question de l'indépendance des juges et des avocats, a accordé au
Journal International Commercial Litigations (Revue publié au
Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord et en Malaisie) une
interview commentant certaines affaires portées devant les tribunaux
malaisiens. Deux entreprises nationales estimant que ledit article contenait
des termes diffamatoires qui les avaient exposés au scandale, à
la haine et au mépris du public ont engagé des poursuites contre
le rapporteur spécial en réclamant des dommages. La question
posée à la Cour et pour laquelle elle devait répondre
prioritairement consistait à déterminer si les propos du
rapporteur pouvaient être considérés comme se rattachant
à sa fonction et donc couvert d'immunité. La Cour
répondant à la question a fait appel à la Convention sur
les privilèges et immunités des Nations-Unies adoptée par
l'Assemblée Générale en application de l'article 105 de la
Charte des Nations-Unies notamment en ses articles 22 et 2327. La
Cour retient alors
25 Cet article dispose que, « Dans l'exercice
de leurs devoirs, le Secrétaire Général et le personnel ne
sollicitent ni n'accepteront d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune
autorité extérieure à l'Organisation. Ils s'abstiendront
de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux
et ne sont responsables qu'envers l'Organisation. Chaque membre de
l'Organisation s'engage à respecter le caractère exclusivement
international des fonctions du Secrétaire Général et du
personnel et à ne pas chercher à les influencer dans
l'exécution de leurs tâches ».
26 Différend relatif à
l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la
commission des droits de l'homme, AC, 29 avril 1999, Recueil CIJ, 1999.
27 Article 22 et 23 de la Convention sur les
privilèges et immunités des Nations-Unies : « Les experts
lorsqu'ils accomplissent des missions de l'Organisation des Nations-Unies,
jouissent, pendant la durée de cette mission y compris le temps de
voyage, des privilèges et immunités nécessaires pour
exercer leurs fonctions en toute indépendance. Ils jouissent en
particulier des privilèges et immunités suivants :
immunité de toute juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par
eux au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et écrits).
Cette immunité continuera à leur être accordée
même après que ces personnes auront cessé de remplir des
missions pour l'Organisation des Nations-Unie etc. ».
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l'applicabilité de la Convention citée à
M. Cumaraswamy et fait obligation au gouvernement malaisien à
transmettre l'avis aux tribunaux saisis de l'affaire pour qu'une suite
favorable soit donnée. La Cour affiche ainsi sa volonté à
défendre le respect scrupuleux des droits de l'homme.
Dans son avis sur les réserves sur la convention sur la
prévention et la répression du crime de génocide, la Cour,
pour admettre la validité des réserves formulées par les
Etats, a mis l'accent sur l'exigence de la conformité de celles-ci au
but de la Convention. Le but de la Convention, adoptée à
l'unanimité des Etats membres de l'ONU, consiste à
protéger la race humaine contre « un fléau aussi odieux
» et réprimer les auteurs de ces graves violations des droits
humains. Ainsi, ne seront acceptées que les réserves qui ne
contredisent pas, de quelques manières que ce soit, les principes et
buts de l'organisation résolue à favoriser le respect des droits
fondamentaux de l'homme, la dignité et la valeur de la personne humaine,
l'égalité entre nations et les personnes et maintenir la paix et
la sécurité collectives.
Eu égard aux menaces de paix voire sa rupture au
Moyen-Orient et au Congo dans les années 1960, des opérations de
rétablissement de paix ont été autorisées et
menées sous l'égide de l'Assemblée Générale
et du Conseil de Sécurité28. Seulement, les
dépenses autorisées à cet effet ont fait l'objet de vives
contestations. La Cour était sollicitée pour déterminer si
ces dépenses qui ont été autorisées pour couvrir
les frais de ces opérations constituent des dépenses de
l'organisation. Il était donc demandé à la Cour de se
prononcer sur la nature même de ces dépenses. La Cour dans son
avis, s'est fondée essentiellement sur le but poursuivi par ces
opérations à savoir le rétablissement de la paix en ces
régions dévastées par des crises à
répétition pour conclure qu'il s'agit bien évidemment des
dépenses de l'organisation et qu'il revenait à chaque Etat membre
de l'organisation de satisfaire aux exigences relatives à ses
contributions aux dépenses de l'organisation.
Les droits de l'homme ont été également
au premier plan dans l'avis de la Cour dans l'affaire relative aux
conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le
territoire palestinien occupé du 09 juillet 2004.
28 Il s'agit des opérations de la force
d'urgence des Nations-Unies au Moyen-Orient (FUNU) et des opérations des
Nations-Unies au Congo (ONUC).
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Malgré l'incorporation de ces différentes
règles dans des conventions par le biais de la codification, les
réserves dont elles font l'objet rendent complexe leur
interprétation et leur application.
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