Paragraphe 2 : La compétence matérielle
claire obscure
La délimitation de la compétence
matérielle a des contours assez flous (A) de sorte qu'il appartient
à la Cour de se décider en dernier ressort sur la
recevabilité ou non de la requête en faisant usage de sa
compétence discrétionnaire (B).
A- L'exclusivité des questions juridiques
En matière contentieuse tout comme en matière
consultative, la compétence matérielle de la Cour est strictement
encadrée. Suivant les dispositions de l'article 36 alinéa 3 de la
Charte, seuls « Les différends d'ordre juridique devraient
être soumis par les parties à la Cour internationale de justice
». La précision est en outre faite à l'article 96 qui
dispose que « l'Assemblée générale ou le Conseil de
sécurité peut demander à la Cour internationale de justice
un avis consultatif sur toute question juridique. Tous les autres organes et
institutions spécialisées qui, peuvent à un moment
quelconque, recevoir de l'Assemblée générale une
autorisation à cet effet ont également le droit de demander
à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se
poseraient dans le cadre de leurs activités ».L'article 38 de la
Charte en faisant obligation à la Cour de « Régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis » circonscrit sa compétence au domaine essentiellement
juridique. La compétence matérielle de la Cour est donc
limitée aux questions juridiques.
Cette exigence ou restriction de la compétence
matérielle de la Cour aux différends et questions juridiques se
justifie essentiellement par le fait que, suivant le schéma mis au point
par la Charte, il doit exister une démarcation nette entre les organes
politiques et ceux juridictionnels. Les organes politiques que sont le Conseil
de sécurité et l'Assemblée générale doivent
connaitre des différends d'ordres politiques et ceux juridictionnels
(dont la Cour) des aspects juridiques des différends.
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Seulement, la distinction entre différends ou questions
politiques et différends ou questions juridiques n'est pas assez
démarquée dans les faits, ce qui conduit à la sous -
utilisation de la Cour principalement en matière
consultative116.
Par ailleurs, la notion de question juridique fait l'objet de
diverses interprétations de la part des acteurs de la scène
internationale. La compétence de la Cour à donner son opinion sur
certaines questions à elle soumises par des organes ou institutions
habilités a fait l'objet de contestations. Dans l'avis relatif aux
conditions de l'admission d'un Etat comme membre des Nations Unies, il a
été soulevé que la Cour n'avait pas compétence
à donner une suite à la question sous prétexte qu'elle
revêt un caractère purement politique. La Cour a estimé en
effet « Qu'elle ne peut attribuer un caractère politique à
une demande, libellée en des termes abstraits, qui, en lui
déférant l'interprétation d'un texte conventionnel,
l'invite à remplir une fonction essentiellement judiciaire
»117. Aussi, la Cour a relevé qu'il est
impérieux de faire une distinction entre les mobiles et circonstances
(qui peuvent être politiques) de la question rédigée en
terme abstraits118.
La procédure consultative décrite à
l'article 96 de la Charte fait obligation, en dehors de l'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité, aux autres
organes et institutions de ne poser des questions que dans le cadre de leurs
activités. C'est dans cette optique que la Cour a estimé en 1996
que la demande d'avis introduite par l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) n'était pas recevable par ce que extrapolant le cadre de ses
activités. Par contre la même interrogation introduite par
l'Assemblée générale a été favorablement
accueillie.
Cette obligation de spécialité, quoi que
justifiable, n'est pas sans soulever des difficultés dans la pratique
notamment lorsque la demande pour avis provient d'un organe qui s'intercale
entre celui dont l'acte est soumis à l'avis de la Cour et celle-ci.
C'est le cas du « Comité des demandes de reformulation » des
jugements du Tribunal administratif des Nations-Unies
116 Voir BENDJAOUI (Mohammed), « La
place de la Cour internationale de justice dans le système
général de maintien de la paix institué par la Charte des
Nations-Unies », RADIC, septembre 1996, volume 8, point 3, p.
543.
117 Voir les Avis, Conditions de l'admission
d'un Etat comme membre des Nations-Unies (1948) ; Interprétation des
traités de paix conclus entre la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
(1950) ; Certaines dépenses des Nations-Unies ; Interprétation de
l'accord du 25 mars 1951 entre l'Egypte et l'OMS.
118 Le caractère abstrait des
questions a été souvent évoqué pour contester la
compétence de la Cour à donner un avis. La Cour estime qu'il
n'existe aucune restriction en ce sens dans la Charte suivant les dispositions
de l'article 65 de son Statut.
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(TANU). Dans tous les cas où la saisine de la Cour est
controversée, l'habilitation est donnée à la Cour pour
décider.
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