CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION
CONSULTATIVE
L'organisation et le fonctionnement de la Cour laissent
apparaître les raisons de la sous-utilisation actuelle de la
compétence consultative de l'organe judiciaire principal des
Nations-Unies. Cette moindre sollicitation s'explique d'abord par la
très grande restriction de la compétence à la saisir
(Section 1) et ensuite par l'existence d'une concurrence dont elle fait l'objet
avec d'autres moyens de règlement des différends (Section 2).
Section I : Une saisine moins
généreuse
La compétence institue personae (Paragraphe 1) et la
compétence institue materiae
(Paragraphe 2) telles que organisées par la Charte et
le Statut de la Cour en matière consultative ne permettent pas une
plus grande sollicitation de la Cour en matière consultative.
Paragraphe I : La compétence personnelle
limitative
Suivant les dispositions de l'article 96 de la Charte des
Nations-Unies et l'article 65 du Statut de la Cour, seuls certains organes et
institutions des Nations-Unies sont autorisés à demander l'avis
de la Cour (A). Dans la pratique, les initiatives de ces organes
habilités à saisir la Cour sont fragilisées par
l'existence d'entraves d'ordre procédural (B).
A- Les organes habilités à saisir la Cour
Contrairement à la procédure contentieuse
ouverte aux Etats, la procédure consultative est l'apanage exclusif des
organes et institutions de l'Organisation des Nations-Unies. L'exclusion des
Etats de la procédure consultative peut se justifier sur deux (02)
points essentiellement. D'abord, si l'autorisation était accordée
aux Etats de solliciter (conjointement) l'opinion de la Cour pour un conflit
ouvert ou non, on arriverait à un amalgame notoire entre la
procédure contentieuse et celle consultative. Ensuite, si en cas de
litige pendant entre Etats, l'un d'entre eux était autorisé
à saisir la Cour pour avis, il pourrait mettre les autres Etats devant
le fait accompli.
54
L'inconvénient principal d'une extension de la
procédure consultative à des demandes émanant des Etats
serait d'amener la Cour à devoir, le cas échéant, statuer
deux fois successivement au sujet de la même question, d'abord en
procédure consultative puis en procédure contentieuse. Elle
risquerait ainsi de se trouver moralement liée par un avis qu'elle
aurait donné antérieurement en termes abstraits et
peut-être sans posséder les éléments
d'appréciation précis qui ressortent d'un litige réel ou
de prononcer une solution différente au vu des circonstances de
l'espèce et après un nouvel examen. Ceci pourrait être
préjudiciable à son prestige et à son autorité. Il
a été avancé qu'on peut limiter cet inconvénient en
excluant les demandes d'avis consultatifs sur des litiges actuels.
Aux termes de l'article 96 de la Charte des Nations-Unies,
seuls les organes et institutions de l'ONU sont habiletés à
demander l'avis de la Cour. Suivant les dispositions de cet article, les
organes autorisés à demander l'opinion de la Cour peuvent
être catégorisés en deux groupes en raison des dimensions
variantes de leur saisine (alors que certains organes peuvent saisir la Cour en
matière consultative sans aucune limite - bien entendu sur des aspects
juridiques- les autres sont limités par le principe de
spécialité sus évoqué). Ainsi, tous les organes
principaux des Nations-Unies à savoir, le Conseil de
sécurité, l'Assemblée générale, le Conseil
économique et social, le Conseil de tutelle, sont autorisés
à solliciter l'avis de la Cour. On note l'exclusion notoire du
Secrétaire général113. De tous ces organes,
l'Assemblée générale a été l'organe de loin
le plus enclin à saisir la Cour de ses interrogations.
Ainsi, l'Assemblée générale a eu à
saisir la Cour dans les affaires suivantes : Les conditions de l'admission d'un
Etat comme membre des Nations-Unies (1948), Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
(1950), Réserves à la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (1951), Effets de jugements du
Tribunal administratif des Nations-Unies accordant indemnité (1954),
Certaines dépenses des Nations-Unies (1962), Sahara occidental (1975),
Licéité de la menace d'armes nucléaires (1996),
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le
Territoire palestinien occupé (2004), Conformité au droit
international de la déclaration unilatéral d'indépendance
relative au Kossovo (2008) et Jugement N° 2867 du Tribunal administratif
de l'Organisation internationale du travail sur requête contre le Fonds
international de développement agricole (requête pour avis
consultatif(2010).
113Parmi les autres organes habiletés
à solliciter l'avis de la Cour on peut citer la commission
intérimaire de l'Assemblée Générale et le
comité des demandes de reformulation des jugements du TANU.
55
Le Conseil de Sécurité a fait usage de cet outil
seulement dans l'affaire relative aux conséquences juridiques pour les
Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (1971) par
la résolution 284 (1970) adoptée le 29 juillet 1970
Parmi les institutions spécialisées de l'ONU
ayant sollicité l'opinion de la Cour ou peut citer entre autres,
l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime
(1960) sur la composition de son comité ;l'Organisation mondiale de la
santé dans les affaires relatives à l'Interprétation de
l'accord du 25 mars 1991 entre l'OMS et l'Egypte (1980) et à la
Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat
lors d'un conflit armé (1996) ; le Conseil économique et social
(1999) dans l'affaire « Différend relatif à
l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme (1999.
Il faut relever que parmi les institutions
spécialisées de l'ONU, seuls l'Agence international de
l'énergie atomique (AIEA) et l'Union postale universelle (UPU) (devenue
institution spécialisée de Nations Unies le 1er
juillet 1948) ne sont pas autorisés à saisir la Cour pour
avis.
Le caractère restreint de l'ouverture de la saisine
s'agissant de la compétence organique est couplée avec certains
obstacles d'ordre procédural qui entravent la visibilité de la
fonction consultative de la Cour mondiale.
|