Paragraphe 2 : L'interdiction du recours à la
force
L'organe judiciaire principal de l'ONU a contribué par
ses avis à éclairer le principe cardinal du non recours à
la force dans les relations entre Etats (A) en précisant les contours
des exceptions qu'il peut connaître (B).
A- Le contenu du principe
L'interdiction du recours à la force dans les relations
entre Etats est un principe fondamental dans le système de pacification
de la société mondiale mis en place par la Charte. Tirant les
conséquences des différents soubresauts qui ont agité le
monde, l'ensemble des Etats ont pris conscience de ces effets tragiques
liés à l'utilisation de la force (armée) sur le plan
international où les rapports entre Etats sont édifiés sur
un principe coutumier de juxtaposition de souveraineté (sur le plan
interne le recours à la force ou à la coercition est une
illustration de la souveraineté absolue de l'Etat).
La consécration du principe a été faite
en plusieurs étapes. Déjà L'article premier de la
Convention de La Haye dite de Drago-Porter (1970) dispose que les parties
contractantes sont « Convenues de ne pas avoir recours à la force
armée pour le recouvrement de dettes contractuelles
réclamées au gouvernement d'un pays par le gouvernement d'un
autre pays comme dues à des nationaux ». La première
consécration formelle sera faite dans le Pacte de la SDN. Dans ce Pacte,
la distinction est faite entre les guerres illicites et celles dites licites
qui implicitement n'étaient pas interdites. L'objectif du principe de
non recours à la force n'était pas l'interdiction stricte de
l'utilisation de la force, mais son encadrement. La Charte des Nations-Unies en
son article 2 paragraphe 4 dispose que « Les membres de l'Organisation
s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la
menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies ». A la
lumière de cet article, tout recours à la force n'est pas
illicite. L'illicéité est alors mesurée à la
lumière des « buts » des Nations-Unies. Il n'est donc pas
surprenant que les conflits coloniaux des années1970 ne furent pas
déclarés illicites car conformes à la norme ergaomnes
de la libre disposition des peuples telle que affirmée à
l'article 1 paragraphe 2 de la Charte.
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La règle de non recours à la force est largement
admise par les Etats même si dans la pratique, elle est très
souvent transgressée. Dans la Déclaration d'Helsinki relative
à la sécurité et à la coopération en Europe,
les « Etats... s'abstiennent dans leurs relations mutuelles de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force ». S'agissant de la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, guidée par le
souci ultime de la décolonisation, l'interdiction du recours à la
force n'est pas explicitement exprimée. On peut toutefois affirmer sa
consécration étant donné qu'elle proclame manifestement
son adhésion aux déclarations adoptées dans le cadre de
l'Organisation des Nations-Unies notamment la Charte. Sont
considérés comme forme d'emploi de la force, l'agression d'un
Etat contre un autre, les mesures coercitives contre un Etat et les actes de
représailles.
La Cour affirme son adhésion totale au principe de non
recours à la force dans son avis sur la licéité de
l'utilisation de l'arme nucléaire. Elle rappelle en substance que «
L'interdiction au recours à la force ne concerne pas une arme
donnée ; elle s'applique à n'importe quel emploi de force
(même) indépendamment des armes employés ». Cette
position n'a pas fait l'objet de fluctuations dans les avis105 et
arrêts106 de la Cour.
L'interdiction faite aux Etats de recourir à la force
dans leurs rapports mutuels connaît cependant certaines exceptions dont
le plus marquant est celui de la légitime défense.
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