Les opérations de maintien de la paix de l'ONU et les droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Christian Brice NTSAMA BALLA Université de Yaounde II - Diplôme d'Etudes Approfondies 2013 |
A- L'instabilité de l'aide humanitaireL'aide humanitaire est vitale pour les populations qui traversent des moments de crise, en ce qu'elle protège de nombreux droits tels le droit à la vie, le droit à la nutrition, le droit à la santé, tous droits qui concourent à protéger la dignité humaine. Lorsque cette aide ne peut être acheminée, il y'a des conséquences sur les droits des populations qui connaissent les violations de leurs droits fondamentaux. L'instabilité de l'aide humanitaire se manifeste en présence des OMP, par la perturbation des opérations humanitaires (1) et par les attaques contre les acteurs de l'humanitaire (2). 1- La perturbation des opérations d'aide humanitaire Les conflits armés engendrent toujours des situations de famine et d'épidémies, rendant les populations plus vulnérables qu'en temps de paix. Une première explication tient au fait que pendant les combats, les belligérants (le plus souvent les forces irrégulières) orchestrent des pillages en créant au sein des populations une disette. L'autre explication tient au fait que, les conflits se déroulant généralement en zones rurales, les populations ne peuvent plus mener leurs travaux champêtres qui constituent leur principale activité de subsistance. Lorsque les opérations d'aide humanitaire sont perturbées, le coût en matière de droits de l'homme est énorme. Les interventions de l'ONU en Somalie (ONUSOM I et II) se sont soldées par un échec262. Cette mission qui était essentiellement basée sur l'aide humanitaire n'a pu remplir son mandat. L'on a assisté ici à des pillages de l'aide par les belligérants, et les populations auxquelles était destinée l'aide n'ont pu en bénéficier. Car elle était interceptée tout au long du trajet qui menait aux populations. Cela a entrainé des pertes en vies humaines au niveau de la population dues à la famine et à l'état de santé précaire des individus privés de médicaments. 262 Brodeur (J-P), « Maintien et imposition de la paix en Somalie (1992-1995)- partie I, Cultures & conflits, numéro 29-30, 1998, p.2 97 Au Rwanda, la MINUAR n'a pas rempli son mandat de sécurisation des secours humanitaires. Ici, les opérations humanitaires ont été perturbées laissant les populations civiles vouées à leur propre sort. C'est en raison de cet échec qu'un appel avait été lancé à un autre contingent, en l'espèce les français de l'opération turquoise. Selon Denis Mouton, « le bilan de l'opération turquoise sur le plan humanitaire est nettement plus satisfaisant »263. En RCA, les opérations humanitaires ont été également perturbées par la poursuite des hostilités à l'intérieur et dans les frontières. Dans ses rapports sur la situation au Tchad, le SGNU se montrait préoccupé par les incursions répétées des rebelles qui empêchaient l'acheminement de l'aide humanitaire264. Le SGNU déclarait que l'insécurité demeurait le premier obstacle aux opérations humanitaires265. L'incapacité de la MINURCAT à mettre un terme aux hostilités, a empêché le bon acheminement de l'aide humanitaire, ce qui a provoqué des conséquences sur le plan des droits de l'homme. En RDC, l'échec de l'aide humanitaire s'est manifesté avec acuité. Dans son étude sur les résultats de la MONUC, Tamoussi Bonzi démontre comment les OMP n'ont pas pu rendre stable les opérations humanitaires. L'étude se base sur une période allant de 2000 à 2006. Durant cette période, l'auteur constate que les Casques bleus n'ayant pas pu stopper les hostilités, l'aide humanitaire n'a pu être octroyée à celles des populations qui la désiraient. Car les groupes armés ont contraint un bon nombre d'organisations humanitaires à suspendre leurs opérations. En février 2002 par exemple, les organisations humanitaires ont dû suspendre leurs activités dans certaines zones du Sud Kivu, du Maniema et du Nord Katanga, en raison de l'insécurité qui régnait dans ces zones266. En 2012, la poursuite des hostilités continue de rendre instable l'aide humanitaire, toute chose qui entraine la violation des droits de l'homme267. En Côte d'Ivoire, les opérations humanitaires ont également été entravées. En 2004, les opérations humanitaires ont été perturbées malgré la présence des casques 263 Mouton (J-D), « La crise Rwandaise de 1994 et les Nations Unies », AFDI, vol 40,1994, p.229 264Rapport du SGNU sur la MINURCAT, septembre 2008, par. 48 265 Rapport du SGNU sur la MINURCAT, avril 2009, par 16 266 Tamoussi Bonzy op.cit., p.103 267 Rapport du SGNU sur la MONUSCO, janvier 2012 98 bleus. En dehors de ces perturbations de l'aide humanitaire, l'instabilité de cette aide provient également des attaques contre les acteurs de l'humanitaire. 2- La perpétration des actes de violence contre les acteurs de l'humanitaire L'instabilité de l'aide humanitaire dans les conflits africains provient également des attaques perpétrées délibérément envers les acteurs de l'humanitaire par les belligérants. Ces attaques contraignent ces derniers à cesser les opérations et à abandonner les populations nécessiteuses. Dans une publication intitulée « soins de santé en danger : les multiples facette d'un problème de plus en plus grave »268, le CICR présente les répercutions multiples et désastreuses des attaques contre les hôpitaux sur les populations. Ces attaques entrainent le manque d'accès aux soins de santé de milliers de blessés et malades et provoquent une insuffisance chronique des services médicaux. Au Rwanda, les lieux de prédilection des acteurs de l'humanitaire tels que les hôpitaux ou les agences des Nations Unies ont été pris pour cible de manière délibérée par les combattants. En RDC, des attaques ont été perpétrées contre les médecins sans frontières et les agents du CICR, qui ont été obligés de stopper leurs activités. En juin 2000, un agent des médecins sans frontières a été abattu par balles, tandis qu'au mois de juillet de la même année, un agent humanitaire fut tué à Uvira (Kivu). En avril 2001, 6 agents du CICR ont été abattus à Bunia par balles et armes blanches. En juin 2004, les troupes dissidentes ont détruit des matériels importants et des biens d'une valeur d'un million de dollars appartenant à la MONUC. Les locaux des organismes humanitaires ont été pillés et endommagés, avec pour conséquence une suspension des programmes dans les domaines de la sécurité alimentaire, des soins de santé, de l'eau et de l'éducation pour environ 3,3 millions de personnes dans l'est de la RDC. Au Tchad, la précarité de la situation humanitaire s'est révélée malgré la présence des forces de la MINURCAT. Le 1er mai 2008, un convoi de 3 véhicules transportant des membres d'organismes des Nations Unies et d'ONG a été arrêté par des éléments armés 268 Les soins de santé en danger : les multiples facettes d'un problème de plus en plus grave, collection de photos, 08-08-2011 disponible à l'adresse www.icrc.org 99 et le directeur de l'organisation Save The Children fut tué par balles. Selon un rapport du SGNU sur la MINURCAT, plus de 192 attaques ont été lancés contre les opérations humanitaires en 2009 dans l'est du Tchad. Les violations des droits de l'homme persistent en présence des OMP en raison de l'instabilité de l'aide humanitaire, car cette instabilité a pour conséquence l'abandon de milliers de populations sans nourriture et sans soins de santé. Le défaut d'aide humanitaire se présente donc comme un facteur de violation des droits de l'homme. La précarité de la situation humanitaire se manifeste également par l'insécurité des populations. |
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