B- Les difficultés stratégiques des OMP
En dehors du manque de ressources, les OMP sont
confrontées sur le terrain des conflits aux problèmes
stratégiques, qui ont un impact sur leur efficacité dans la
protection des droits de l'homme. Pour une réussite des
opérations, il faut nécessairement une bonne méthode de
travail et une stratégie adaptée au conflit. En ce qui concerne
la protection des droits de l'homme, les OMP manquent d'une doctrine de travail
général (1), ainsi que d'une stratégie efficace dans la
protection des civils (2).
1- L'absence d'une doctrine générale
pour le travail des droits de l'homme sur le terrain.
La persistance des violations des droits de l'homme en
présence des contingents Onusiens, révèle l'absence d'une
doctrine générale dans le cadre des OMP en ce qui concerne la
protection des droits de l'homme. En effet, les OMP souffrent de l'intervention
de trop d'acteurs dans leur déploiement. Le CS décide et
crée les opérations, l'AGNU vote leur budget, des contributeurs
de troupes mettent à la disposition des troupes pas toujours bien
formées, et un Secrétariat qui met en oeuvre les moyens
accordés par les autres. Tout ceci rend difficile une harmonie dans le
travail de ces opérations. Michael O'flaherty présente les
difficultés rencontrées par les OMP dans le domaine des droits de
l'homme. Selon l'auteur, il faudrait professionnaliser le secteur en
précisant les méthodes, les principes et les objectifs
prioritaires251. L'auteur pense qu'il faudrait définir et
décrire les professionnels des droits de l'homme et préciser le
rôle des autres acteurs dans le cadre d'approches intégrées
visant à défendre le respect des droits de l'homme et de proposer
des modèles de partenariat.
251 O'flaherty (M), « Le respect des droits de l'homme et
les situations de conflit armé : les difficultés des Nations
Unies », Les droits de l'homme, la sécurité humaine et le
désarmement, Forum du désarmement, 2004, p.61
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Un autre problème en matière de droits de
l'homme est que dans les OMP, les mandats sont souvent rédigés de
manière vague. Dans la vérification du respect des droits de
l'homme par exemple, des interrogations se posent en ce qui concerne le travail
de la « composante droits de l'homme »252. Qui doit faire
l'objet d'une telle vérification ? Faut-il contrôler l'attitude du
gouvernement ou celle des groupes armés non étatiques ? Comment
le contrôle peut-il être impartial lorsqu'une mission ne
bénéficie pas du même type d'accès dans tout le pays
? Les forces de maintien de la paix doivent-elles aussi faire l'objet de
surveillance ? Quels droits doivent être surveillés ? Toutes ces
interrogations n'étant pas élucidées dans une doctrine
d'ensemble, les OMP adoptent chacune leur stratégie dans le domaine des
droits de l'homme. Cette situation n'est pas avantageuse, car elle ne permet
pas d'avoir des indicateurs de performance pour évaluer strictement le
travail sur le terrain253. La mise sur pied d'une doctrine pour le
travail des droits de l'homme sur le terrain se présente comme un
impératif pour les Nations Unies, car la protection des droits de
l'homme sur le terrain des conflits mérite d'être pensée
sous la forme d'un ensemble de pratiques uniformes et applicables parmi toutes
les OMP.
2- Les difficultés stratégiques des
OMP dans la protection des civils
La situation dramatique des droits de l'homme malgré la
présence des Casques bleus a pour explication les problèmes
stratégiques que connaissent ces opérations. L'une des
recommandations du Rapport Brahimi est que les OMP devraient avoir des mandats
clairs, crédibles et réalistes254 . Les mutations
profondes qu'ont connues les OMP ont entrainé une diversification de
leurs tâches, faisant de celles-ci « des parties
intégrantes de la solution substantielle élaborée pour
régler le conflit »255. Malgré les bonnes
intentions des Nations Unies, le mandat protection des civils attribué
aux OMP se solde toujours par des échecs, d'où l'expression de
crise du maintien de la paix employée par des auteurs qui estiment que
« les casques bleus sont déployés dans les zones de plus
en plus risquées, sans processus de paix préalable, et pour
mettre en oeuvre des mandats
252 Ibid.
253 O'neill (W.G), « Gaining compliance without force:
human right field operations », dans Chesterman (S) (sous la direction
de), Civilian in war
254 Rapport Brahimi, par.56
255 Abi-Saab (G), « La deuxième
génération des opérations de maintien de la paix. Quelques
réflexions préliminaires », Le trimestre du Monde,
20, 1992, p.91
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impossibles et fourre-tout »256. Dans
les OMP qui se sont déployées sur le sol africain, il s'est
révélé d' « authentiques désaccords
théoriques sur la signification et les approches de la protection au
niveau stratégique »257.
Premièrement, la notion de protection des civils n'est
pas assez claire pour les casques bleus. Les directives officielles des Nations
Unies telles que le manuel sur les opérations multidimensionnelles de
maintien de la paix (2003) ou bien les principes et les orientations du
maintien de la paix (2008) n'en n'ont pas donné une définition.
Tel que l'étude commandée par le DOMP/OCHA sur la protection des
civils a conclu, « aucun document du Conseil de sécurité
ne fournit de définition opérationnelle de la protection des
civils dans le cadre des missions du maintien de la paix et il n'en n'a pas
été fait la demande au Secrétariat, qui est
peut-être l'organe le plus adapté pour élaborer une telle
orientation »258. Ce manque de clarté dans les
mandats des OMP complique la tâche de ces dernières dans le
domaine de la protection des civils et est l'un des facteurs entrainant la
persistance des violations des droits de l'homme. Car « sur le plan
pratique, ce que l'on attend des troupes et de la police n'est pas toujours
clair pour ces derniers »259.
Au niveau stratégique, l'on constate le «
manque d'une réflexion systématique sur la façon dont
pourraient intervenir les forces militaires en cas de massacre
»260. Ce manque de stratégie diminue les
potentialités des OMP dans la protection des civils. C'est la raison
pour laquelle dans certains conflits comme en RDC, les OMP se sont
soldées par des échecs malgré les moyens importants mis
à leur disposition par L'ONU. Les moyens sans la stratégie ne
peuvent pas produire d'effets, une stratégie efficace pour la protection
des civils sur le terrain des conflits se présente comme un gage de
réussite.
Nous venons de présenter les raisons fondamentales qui
entrainent les violations des droits de l'homme malgré la
présence des OMP. Ces raisons sont à la fois imputables
256 Novosselof (A), « Les opérations de maintien
de la paix des Nations Unies en 2009 : crise de croissance ou crise de
maturité », Bulletin du maintien de la paix 92, 2009,
p.1
257 Williams (P-D), « renforcer la protection des civils
dans les opérations de maintien de la paix », op.cit, p.20
258 Holt (V), Glyn Taylor, Max Kelly, Protecting civilian in
the context of UN peacekeeping operation, op.cit, p.57
259 UK Government strategy on the protection of civilian in
armed conflict, londres, FCO-DFID, 2010, p.11
260 Sewall (S) et Al...,Mass atrocity response operations: a
military planning handbook, op.cit, p.5
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à ces opérations, mais proviennent
également de facteurs qui sont exogènes à celles-ci. Il
est question dès lors de présenter les manifestations de ces
violations.
SECTION 2 : LES MANIFESTATIONS DES VIOLATIONS DES
DROITS DE L'HOMME MALGRE LA PRESENCE DES OMP
Après avoir montré les raisons fondamentales de
la persistance des violations des droits de l'homme malgré la
présence des casques bleus, nous partons présenter les
manifestations de ces violations à travers la précarité de
la situation humanitaire (paragraphe 1) et les violations des droits de l'homme
proprement dites (paragraphe 2)
PARAGRAPHE 1: LA PRECARITE DE LA SITUATION HUMANITAIRE
COMME VIOLATION IMPLICITE DES DROITS DE L'HOMME
Dans leurs différents mandats, les OMP ont des missions
dans le domaine de l'aide humanitaire, missions qui consistent en la
sécurisation de l'aide humanitaire (son acheminement et sa distribution)
et en la protection des réfugiés et l'arrêt des
déplacements des populations. Sur le terrain des conflits, l'action de
l'ONU dans le domaine de l'humanitaire se solde généralement par
des échecs. Un auteur l'exprime en ces termes : « les Nations
Unies sont depuis la fin de la guerre froide, la première puissance
humanitaire de la planète. L'ONU et ses instruments ont mis en oeuvre
une impressionnante diplomatie de la compassion. Mais loin de permettre le
développement et la paix, cet activisme engendre des rancoeurs et
désillusions chez les populations bénéficiaires.
»261. La précarité de la situation
humanitaire qui constitue un échec pour les OMP, permet de mettre en
lumière les violations des droits de l'homme. Car de même que la
stabilité de la situation humanitaire entraine l'épanouissement
des droits de l'homme, de même la précarité de la situation
de l'aide humanitaire entraine les violations des droits de l'homme. C'est la
raison pour laquelle la précarité de la situation humanitaire est
présentée ici comme une manifestation des violations des droits
de
261 Brunel (J-P), « Les Nations Unies et l'humanitaire :
un bilan mitigé », Politique étrangère,
2005/2, été, P.313
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l'homme. Cette précarité se manifeste à
travers l'instabilité de l'aide humanitaire (A) et à travers
l'insécurité des populations (B)
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