A- L'insuffisance des ressources humaines et
financières des OMP
Le rapport entre les ressources humaines et financières
et la protection des droits de l'homme s'établit sans
difficultés. Pour protéger les droits de l'homme, les OMP doivent
disposer des effectifs de qualité et de quantité, mais aussi de
ressources financières permettant à celles-ci d'avoir toute la
logistique souhaitable. Nous présenterons d'abord, l'insuffisance des
ressources humaines (1), puis celle des ressources financières (2).
1- Les insuffisances des OMP en matière de
ressources humaines
Le problème des effectifs dans le maintien de la paix
au sein de l'ONU, trouve son origine dans l'inapplication des dispositions de
l'article 43 de la Charte des Nations Unies qui prévoit un comité
d'État-major chargé de gérer les troupes qui seraient
mises à la disposition de l'organisation. Malheureusement cette
disposition ne s'est jamais vue appliquée. Ce qui a entrainé une
dépendance de l'ONU vis-à-vis des États en matière
de personnel. Cette dépendance pose deux problèmes : celui de la
quantité et de la qualité des effectifs.
Concernant la taille des effectifs, deux méthodes
empiriques permettent de calculer les forces nécessaires pour la
protection des civils. Selon ces méthodes, il faut 2 à 10 soldats
pour 1000 habitants dans une région en crise, ou alors la force doit
avoir les
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effectifs au moins équivalents en nombre à ceux
de la force indigène la plus nombreuse. Par rapport à ces
méthodes, l'on conclut que les OMP au Soudan et en RDC ont manqué
de personnel. En 2004, le SGNU demandait au Conseil de sécurité
l'envoi de 13100 soldats supplémentaires pour stopper les massacres des
civils dans la ville de Bukavu. Il n'en reçu que 5 900
supplémentaires. Le SGNU recommanda alors à la MONUC de ne pas
axer son travail sur la protection des civils bien que le mandat l'exigeait. On
peut s'apercevoir comment le manque d'effectif peut avoir un effet
négatif sur la protection des civils. Le responsable de l'un des
principaux pays contributeurs des troupes l'a reconnu en ces termes : «
les neuf-dixièmes des délégations savent qu'elles ne
donnent pas au département des opérations de maintien de la paix
les ressources nécessaires »239. Le manque
d'effectif a eu des conséquences sur la protection des civils au Soudan.
En février 2010, le Représentant spécial conjoint de la
MINUAD a reconnu que « bien que les 8 millions d'habitants du Darfour
puissent être décrits comme des personnes d'intérêt
pour la MINUAD...seule la moitié est totalement accessible
»240.
À côté du problème lié au
nombre d'effectif, il se pose le problème de la qualité de ces
effectifs. Pour mener à bien leur mandat, les OMP ont besoin
d'unités spécialisées à savoir des
ingénieurs, des urgentistes, des spécialistes du renseignement et
des interprètes. En effet, les besoins des populations dans les zones de
crises sont divers, et les OMP doivent donc dans leurs contingents
épouser cette diversité. Malheureusement, les effectifs des OMP
ne comportent pas la plupart du temps des personnels de qualité et aux
compétences variées. Un problème se pose par exemple au
niveau du facteur linguistique. En tant que « vecteur de dialogue et de
négociations sur le terrain, le critère linguistique est devenu
une des conditions essentielles du bon fonctionnement des OMP et un
élément crucial de l'outillage de tout acteur du maintien de la
paix241. La langue française pose un épineux
problème aux OMP du fait que 56% des militaires, policiers des Nations
Unies sont déployés en territoires francophones. Or, sur la
totalité de ce personnel 15% seulement proviennent des pays
francophones. S'exprimant sur ces besoins Kofi Annan posait le problème
en ces termes : « une autre lacune critique tient à
239 Holt (V), Glyn Taylor, Max kelly, protecting civilian in
the context of UN peacekeeping operation, New York: UN DPKO/OCHA, novembre
2009, p.89.
240 Ibrahim Gambari, MINUAD 2010 Darfur protection
strategy, février 2010, p.1
241 Moring (D), Théroux-Béno (L-A),
«maintien de la paix et espace francophone », Bulletin du
maintien de la paix 96, novembre 2009, p.2.
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notre besoin urgent en personnels francophones, et ce
besoin ne fera que s'amplifier »242. En dehors de ce
problème linguistique, l'on note dans les OMP le manque de formation
adéquate. Les effectifs n'ont souvent pas les qualités requises
pour mener à bien les mandats sur le terrain. Toute chose qui est un
frein à une protection efficace des droits de l'homme pendant les
conflits.
2- Le manque de financement dans les
OMP
Le manque de financement tout comme le manque des effectifs
constitue une entrave pour les OMP dans leurs missions de protection des droits
de l'homme. Comme il est mentionné dans un document des Nations Unies,
« chaque fois qu'une nouvelle opération est
décidée, il faut transporter tout son personnel sur le terrain de
l'opération. Une fois sur place, il faut prévoir les logements,
la nourriture, les soins médicaux les transports et les
équipements qui lui sont nécessaires pour s'acquitter de ses
fonctions »243. Les OMP nécessitent des
financements qui soient à la hauteur de leurs missions. D'abord parce
que les troupes doivent jouir d'un meilleur traitement pour donner le meilleur
d'elles-mêmes. Ensuite ces opérations ont besoin de la logistique
nécessaire et, c'est à ce niveau que le manque de financement est
préjudiciable dans la protection des droits de l'homme. Car pour
protéger des civils, les technologies exigent que les OMP disposent d'un
mélange adéquat « de vitesse et de masse
»244. Mais dans la pratique, les OMP en Afrique sont la
plupart du temps déficitaires sur ces deux plans. En raison du manque de
financement, les OMP ne peuvent être fournies en matériels
indispensables pour leurs missions, cela a une conséquence au niveau des
droits de l'homme qui ne peuvent être mieux protégés. Tant
que les Nations Unies ne règleront pas la question du financement de la
paix, les OMP seront toujours vouées à des échecs. Dans le
cadre du génocide Rwandais, la MINUAR n'avait pas la capacité de
se réapprovisionner en minutions et médicaments ce qui a conduit
le Commandant de cette force à sacrifier la protection245.
242 Conseil de Sécurité, 17 mai 2004
243 Comité Spécial des Opérations de
Maintien de la Paix, rapport annuel 2009, par.169.
244. Sewall (S) et Al...,Mass atrocity response operations: a
military planning hand book, Havard Kennedy School et PKSOI, 2010 p31
245 Dallaire (R), Shake Hands with the devil: the failure of
humanity in Rwanda, New York, Caroll et Grafft, 2005, p264.
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Plus proche de nous en 2009 la MINUAD souffrait de mêmes
problèmes, ce qui a amené une étude du DOMP/OCHA à
déclarer qu'en dépit des bonnes intentions cette mission
était conçue de telle façon qu'elle ne pouvait pas
réussir. S'exprimant au sujet du manque de matériel dans cette
mission Henry Anyidoho, sous-chef politique de cette opération
déclara ceci : « la défaillance de la communauté
internationale s'est manifestée par le fait que celle-ci n'a pas
donné à la MINUAD le matériel nécessaire pour faire
son travail. Ils attendent trop, trop rapidement, même s'ils ne nous
donnent pas les moyens »246.
En RDC la MONUC devenue MONUSCO a été
confrontée aux mêmes difficultés. Le chef de cette mission
en la personne d'Alain DOSS avait mis en garde les responsables de la MONUC
qu'en l'absence de soldats supplémentaires et 16
hélicoptères facilitant le déplacement des troupes, la
capacité d'intervention rapide de cette mission en cas de menace ou de
besoins de protéger des civils serait réduite247.
Selon le Colonel Tamoussi Bonzy 248(observateur militaire de la
MONUC), même si l'ONU a investi de moyens importants pour
l'opération en RDC, ces ressources humaines et matérielles
demeurent modestes. Dans plusieurs cas d'espèces l'on se rend compte que
le manque de financement empêche aux OMP de réaliser leurs mandats
en général et la protection des droits de l'homme en particulier.
L'on constate donc que la déploration de l'insuffisance des moyens
financiers mises à la disposition de l'ONU est une constante du
système des OMP. L'organisation mondiale est en effet confrontée
aux mauvais payeurs et aux retards de payements de la part de certains
membres249. Il se dégage de tout ce qui précède
que les ressources humaines et financières sont indispensables pour les
OMP car « le succès des opérations repose principalement
sur la mobilisation des troupes bien formées et dotées de
l'équipement et de l'appui logistique qui leur permettent d'assurer les
tâches complexes et souvent dangereuses qui caractérisent le
maintien de la paix »250. Ce qui est regrettable est que
dans de nombreuses OMP en Afrique, il existe un fossé entre attentes et
capacités et cela se ressent au niveau de la protection des droits de
246 Siobhan Wills, protecting civilians: the obligation of
peacekeepers, Oxford university press, 2009, p.65.
247 Human right watch, « you will be punished: attacks on
civilians in Eastern Congo », décembre 2009 p143.
248 Tamoussi Bonzy op.Cit p52
249 Kouna Metala (M), Les opérations de maintien de la
paix et la condition du militaire, op.Cit p111.
250 Les défis du maintien de la paix au 21e
siècle, audition parlementaire au Nations Unies, New York, 1920 octobre
2004, note d'information établie par le département du maintien
de la paix.
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l'homme, car ces droits continuent d'être violés
en présence des casques bleus. Tant que le système des Nations
Unies ne disposera pas de véritables moyens de pression pour contraindre
les États à honorer leurs engagements en ressources humaines et
financières, le succès des OMP sera une quête interminable
à l'instar du mythe de Sisyphe.
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