V-4-2- Menaces sur les populations humaines locales
Plusieurs conflits sont à signaler entre les
populations humaines vivant aux alentours du PNB et les Hippopotames. Les
pertes sont autant matérielles qu'humaines. Suivant le tableau XIV, la
population de l'espèce a augmenté de 9% entre 1975 et 1988. S'en
est suivie une baisse de 12,5 % 10 ans plus tard (1998). Baisse qui s'est
poursuivie sur plusieurs années (jusqu'en 2012) durant lesquelles aucune
étude n'a été menée sur l'évolution
numérique des Hippopotames au PNB. Un peu plus de 48% de la population
de cette espèce a disparu. Une des raisons de cette baisse drastique
n'est autre que le braconnage (selon les responsables en charge de la faune
dans la zone).
Les spéculations préférentielles des
Hippopotames sont le maïs, le riz et le sorgho. Dibloni et al
(2009) affirment que les prairies aquatiques et les champs de cultures
céréalières situés près des berges seraient
les principales aires de pâture des Hippopotames pendant la saison de
pluies. Les populations riveraines participent à la conservation de
l'espèce, non pas parce qu'elles lui trouvent une certaine
utilité, mais plutôt par soucis de ne pas être
réprimandées si elles enfreignaient la loi. Ces conflits
Homme-Hippopotames sont fréquents dans de nombreux pays tel qu'au
Burkina-Faso (bassins de la Volta et de la Comoé) où
Kabré et al (2006) affirment l'implantation des champs vivriers
au niveau des berges et dans des cuvettes, lieux par excellence des
Hippopotames. La saison culturale 2012 a vu ainsi 30 ha de champs de riz
dévastés dans la périphérie du PNB. Ceci
était causé principalement par l'installation des villages
à proximité des aires de pâturage des Hippopotames. Les
pêcheurs également
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installent leurs campements à une distance
négligeable des bordures du fleuve. Cette proximité est à
l'origine du décès en 2012, d'un pécheur attaqué
dans son hameau par un Hippopotame dans la localité de Kebawa.
Les populations soulignent le fait que la période
où les cultures sont le plus dévastées par les
Hippopotames est la saison sèche. En effet, lors de la saison
sèche, les animaux parcourent de plus grandes distances à la
recherche de pâturage. D'où de fréquentes rencontres avec
l'Homme, même pour celui qui habite loin du fleuve. Les
préférences du riz par ces animaux pourraient s'expliquer par le
fait que depuis 1987, la riziculture s'est développée dans la
vallée de la Bénoué à partir du barrage de Lagdo
(Fondjo et al, 2001), alors que dans l'Extrême-Nord elle se fait
depuis 1971. L'activité aurait drainé l'installation des
populations le plus près du fleuve, d'où une occupation des
terres qui constituaient autrefois des aires de pâturage pour les
Hippopotames.
S'agissant des conflits Hommes-carnivores, l'installation des
enclos à bétail tel que mis en place dans le village de Badadaye
dans l'Extrême-Nord Cameroun, aux environs du parc national de Waza par
le « Projet Lion » pourrait donner de bons résultats (figure
18). Le principe est d'associer plusieurs troupeaux et les mettre dans un
enclos financé et suivi par le LCI et le CEDC22. Concernant
les attaques au niveau des mares et rivières, l'installation de points
d'eau alternatifs pour éviter les contacts entre les carnivores et les
populations humaines pourrait porter ses fruits.
Les conflits Homme-Faune ne sauraientt arriver à terme
s'il n'y a pas de gestion du facteur humain. Il s'agit de sensibiliser
les communautés. Aussi, les populations pourraient
bénéficier de formations pratiques afin d'acquérir des
connaissances sur la façon d'aborder les animaux dangereux et les
différentes méthodes de refoulement face à des
espèces précises.
Dans les zones à fortes tensions, l'Etat pourrait
envisager le déplacement volontaire des communautés vers
des zones présentant des avantages réels (terres fertiles,
présence de points d'eau...). Treves et Karanth (2003) précisent
en effet que ces programmes de déplacement volontaire ne peuvent
fonctionner que si les populations y trouvent des avantages substantiels
(meilleur accès aux ressources) et avec moins de risques de
conflits avec la faune sauvage.
La gestion des productions est nécessaire
aussi. A l'instar de l'intensification de la surveillance des champs car, la
présence des humains décourage les animaux sauvages à y
commettre des dégâts (FAO, 2013). Dans notre zone d'enquête
couvrant les villages de Kabawa, Ouro-kessoum et Boulel, 1, 72% des
enquêtés font de la surveillance et du refoulement face aux
incursions des hippopotames (figure 19), 28% ne font rien car ne disposant pas
de moyens financiers(pour recruter un gardien) ou de temps nécessaires(
pour le faire eux même) afin d'assurer le gardiennage des champs.
22 Centre d'Etude de l'Environnement et du
Développement au Cameroun.
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Conover (2002) propose la mise en place des champs de
diversion afin de diminuer les dévastations de cultures. Cette
méthode a donné des résultats probants aux Etats-Unis et
en Europe mais semble être difficilement applicable dans le contexte
africain où la priorité est de satisfaire d'abord les besoins
alimentaires des populations humaines.
La solution idéale à ces conflits serait, selon
Muruthi (2005), l'aménagement du territoire qui consiste
à long terme, de manière préventive, à mettre en
place des paysages où populations humaines et faune coexisteraient avec
le minimum d'impacts négatifs sur l'un comme sur l'autre. Ces mesures
d'aménagement consisteraient à transférer les champs
agricoles loin de l'habitat de la faune sauvage et aussi, réduire
l'installation humaine sur les corridors de passage de la faune sauvage et dans
les aires protégées. Il est évident que « les
bénéfices de l'utilisation légitimée des ressources
naturelles influencent les attitudes et les perceptions des populations rurales
» (Sekhar, 1998).
Figure 15: Vue du campement touristique du Buffle
noir (PNB).
Figure 13: Vues du campement touristique de
Bouba-Ndjidda.
Figure 14: Mirador rénové pour
tourisme de vision au Parc de la Benoué. MAHA (2012)
Figure 16: Situation des permis miniers autour des
parcs nationaux de la Bénoué et de
Bouba- Ndjidda(WWF, 2012)
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Figure 17 (a) et (b) : Carcasses d'Hippopotames
collectées dans le PNB et ses environs
72%
Moyens de protection des cultures
28%
Surveillance+refoulemen t
rien
Figure 20 : Moyens de protection des cultures face
aux attaques des Hippopotames.
Figure 18: Illustration de la proximité des
habitations des pêcheurs du lit du fleuve
Bénoué.
Figure 19 : Enclos à bétail à
gestion communautaire à Badabaye (Extrême-Nord
Cameroun)
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