V-4- Analyse des menaces sur la faune sauvage et sur
les populations riveraines
V-4-1- Menaces sur la faune sauvage
? La transhumance
Les bergers Mbororos, toujours en quête d'espaces verts,
sont les principaux acteurs de cette activité. Vue la couverture
luxuriante de la végétation herbacée des aires
protégées, celles-ci sont assez convoitées par ces
derniers pour la qualité et la quantité de fourrage fournie.
Egalement, les pasteurs utilisent fréquemment les feux de brousse afin
de régénérer les pâturages et obtenir un aliment de
qualité meilleure pour le bétail. Des incidents majeurs relatifs
à cette activité sont, pour cette année, l'envahissement
par les éleveurs de la ZIC 13 ; ce qui a amené les équipes
anti-braconnage de la zone à procéder à un abattage de
plusieurs bêtes. Egalement, nous pouvons noter le conflit dans la ZIC GC
de Mana où les éleveurs réclament des terres pour le
pâturage de leurs troupeaux.
En 2013, la transhumance s'est avérée être
l'activité anthropique prépondérante dans le PNF. Les
heurts avec les services en charge de la faune deviennent de plus en plus
récurrents et sanglants. Des décisions doivent être
rapidement entérinées par l'Etat (au travers des
différents ministères impliqués) afin de freiner ce
fléau en coordonnant les textes qui régissent l'exploitation des
ressources naturelles en général.
15 Large Carnivore Initiative West and Central
Africa.
29
Du point de vue sanitaire, les conservationnistes incriminent
le bétail domestique d'être vecteur de maladies pour la faune
sauvage. A l'exemple des Buffles du parc du W qui auraient péri de la
peste bovine introduite par les troupeaux de Zébus (Toutain et al,
2004). Egalement, il y aurait compétition entre faune sauvage et
bétail pour les pâturages. Déjà en conflit avec les
agriculteurs, les éleveurs se trouvent une nouvelle fois refoulés
hors des aires protégées. Sournia (1998) propose comme
alternative à ces conflits, la création d'aires
protégées de « troisième génération
» qui permettraient la cohabitation entre le bétail et la
faune sauvage sans rupture spatiale. Boutrais (2008) parle de « nature
ordinaire qui ménagerait bétail et faune sauvage ». Une
étude qui montrerait que les troupeaux ne représentent pas
forcément une source de conflits avec la faune sauvage pour les
pâturages pourrait parvenir à atténuer cette tension
bergers-écogardes. La méthode pourrait se baser sur le suivi de 2
troupeaux, déterminer les espèces les plus appétées
et estimer les quantités. Ensuite ces données pourraient
être comparées à celles d'une ou 2 espèces
d'herbivores sauvages de la zone. De même, un essai de cohabitation avec
délimitation des passages des troupeaux serait judicieux. Pour ce faire,
une ZIC pourrait servir de modèle (avec rabattement des taxes
d'affermage pour les volontaires chez les guides de chasse et une promesse de
non braconnage par les bergers durant leur passage dans la ZIC).
? L'orpaillage
L'orpaillage est une activité très
fréquente dans les aires protégées de la région.
Cette importance tient également au fait qu'elle est l'une des
activités qui draine les migrants dans la zone. L'orpaillage
occasionnant le creusement de trous profonds, tout le fleuve en son amont en
est truffé et deviennent de véritables pièges pour la
faune sauvage. L'orpaillage représente la seconde menace pour les
Hippopotames après le braconnage dans le PNB. Cette activité
passe par la destruction des habitats aquatiques et terrestres. En
réalité, il est difficile de parler d'orpaillage sans faire
allusion au braconnage car les orpailleurs qui s'installent pour de longues
périodes dans le parc, sont amenés à braconner pour leur
nutrition.
Il est à noter que dans la région du Nord,
l'autorité des chefs traditionnels est assez importante. Et ces derniers
donnent leur aval aux orpailleurs qui, en contrepartie, leur versent des taxes.
D'où la grande difficulté pour les écogardes et les
conservateurs d'expulser les chercheurs d'or hors des aires
protégées. Egalement, même l'Etat se trouve dans une
situation ambiguë. En effet, le manque de plateforme de concertation entre
les différents ministères et l'absence de coordination dans les
activités occasionnent de nombreux problèmes. Le Ministère
des Mines et de l'Energie ayant décidé d'augmenter la production
nationale d'or, délivre des permis d'exploitation dans les aires
protégées gérées par le ministère en charge
de la faune (figure 16). Ainsi, les décisions de sanctions deviennent
difficiles à appliquer du fait de l'intervention des autorités
administratives et traditionnelles pour qui l'orpaillage fournit plus
d'intérêts que la protection des animaux. Il faudrait donc que les
textes et lois
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des autres administrations (MINADER16,
MINEPIA17, MINDEF18, MINMIDT19) convergent
également vers le sens de la préservation de la conservation des
aires protégées, à l'instar de la loi
N°005550/MINMIDT/CAB/CJ du 19 Novembre 2012 interdisant les
activités clandestines d'orpaillage dans les aires
protégées et l'Article 26, Alinéa 2 de la loi 94/01,
règlementant la circulation dans les aires protégées.
Cependant des autorisations légales sont accordées. Toutefois,
cet arrêté ne définit pas clairement les sanctions
encourues en cas de non-respect de la réglementation en vigueur.
Le WWF (2012) précise que « ce conflit opposant
les industries extractives et la conservation dans la planification de
l'utilisation des terres pourrait » : avoir de graves conséquences
financières pour les investisseurs et / ou l'État; empêcher
la mise en oeuvre au Cameroun des accords internationaux relatifs à la
conservation ; conduire à des procès/arbitrages coûteux
résultant des conflits de droits sur les mêmes espaces ; retarder,
voire hypothéquer la mise en oeuvre de la Vision 203520 du
Cameroun ; déstabiliser le climat des investissements au Cameroun et
entraîner le recul du Cameroun dans le classement Doing
Business21.
Dans le PNBN, depuis 2012, ce sont les forces armées
qui sont chargées de déloger les orpailleurs qui sont
estimés à plus de 2000. Les tenants de cette activité sont
surtout les Tchadiens et quelques Maliens, Nigérians,
Sénégalais et Camerounais.
Une étude comparative de la rentabilité
économique des mines d'or légales et celle des aires
protégées pourrait déterminer si les aires
protégées doivent être déclassées au profit
de l'orpaillage.
? Le braconnage
Le braconnage demeure l'activité anthropique
illégale à plus grand impact négatif sur la faune dans les
AP de la région du Nord. Elle se fait aussi bien par les populations
locales, les orpailleurs et bergers transhumants que par les braconniers
internationaux. Ce braconnage à dimension internationale est celui qui
met en cause la pérennité des espèces fauniques. Il est
pratiqué à l'aide d'armes lourdes et la confrontation avec les
écogardes est fréquente. La politique de conservation de ces AP
devrait donc
16 Ministère de l'Agriculture et du
Développement Rural
17 Ministère de l'Elevage, des Pêches et
des Industries Animales.
18 Ministère de la Défense
19 Ministère des Mines et du
Développement technologique
20La vision retient comme objectif global devenir
un pays émergent à l'horizon 2035, qui est aussi celui
nécessaire à l'avènement d'une génération
nouvelle. Celui-ci intègre un ensemble d'objectifs intermédiaires
qui sont : (i) la réduction de la pauvreté ; (ii) l'atteinte du
stade de pays à revenus intermédiaires et ensuite, (iii)
l'atteinte du stade de Nouveau Pays Industrialisé et (iv) la
consolidation du processus démocratique et de l'unité nationale
dans le respect de la diversité qui caractérise le pays.
21 Le Projet Doing Business mesure la
réglementation des affaires et son application effective dans 185
économies et certaines villes au niveau infranational et
régional
31
mettre un accent sur la LAB afin d'y mettre un frein. Cette
politique devrait concerner toutes les espèces mais surtout, les
Eléphants (après les abattages récurrents dont ils sont
sujets depuis janvier 2012) et les Lions (dont les données d'inventaire
dénotent une baisse desdites populations).
L'envahissement des aires protégées pour les
besoins d'extensions de cultures est également à signaler.
En se référant au tableau XIV sur
l'évolution de la population d'Hippopotames au PNB, on pourrait
justifier la baisse du nombre par un déplacement face à la
pression du braconnage (Maha, 2012). C'est le cas de la zone 8 proche du
barrage hydroélectrique de Lagdo où, selon les populations, les
pachydermes seraient de plus en plus nombreux (figure 9), d'où la
nécessite de faire un recensement exhaustif tout le long du fleuve). De
2012 à 2013, les chiffres indiqueraient une certaine stabilisation de
cette population. Cette relative stabilité des Hippopotames dans le parc
doit être confirmée par des inventaires réguliers, et des
efforts de recherche doivent être réalisés afin de pouvoir
confirmer la cause principale de la baisse de cette population. Il est à
louer l'initiative du MINFOF qui, dans son plan de tir de 2013 n'a pas
attribué de quota d'abattage pour l'espèce. Ce qui traduit une
réelle volonté de ne pas voir l'animal disparaitre comme ce fut
le cas avec le Rhinocéros noir.
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