V-2- Analyse de l'impact social de la chasse sportive
dans la région du Nord Cameroun.
V-2-1- Rôle nutritionnel et coutumier de la faune
sauvage
Comme sur toute l'étendue du territoire, les
populations riveraines des aires protégées jouissent d'un droit
d'usage. Ce dernier est défini par la loi 94/01 comme étant
« l'exploitation par les riverains des produits forestiers, fauniques ou
halieutiques, en vue d'une utilisation personnelle... Ces droits d'usage ne
s'appliquent ni aux réserves écologiques intégrales, ni
aux parcs nationaux, ni aux jardins zoologiques ou aux game-ranches
». La définition du droit d'usage varie fortement selon les
contextes
24
et reste extrêmement floue et ambigüe (faisant
référence à l'époque coloniale) dans la plupart des
textes de loi (Mamdani, 1996).
En effet, le prélèvement doit se faire dans ce
qui est appelé « zone tampon », à la
périphérie des parcs nationaux. Ce qui crée
problème car la périphérie de ces parcs constitue les
ZICs. En effet, les amodiataires de ces zones sont opposés au
prélèvement par les populations des espèces dans leur
zone, motivant de fréquents conflits. D'où le
développement des ZIC à cogestion et à gestion
communautaire afin de limiter ces conflits et faire participer les populations
à la gestion des ressources naturelles fauniques.
En plus du besoin nutritionnel, les coutumes de la
région (comme un peu partout dans le pays) exigent parfois la capture ou
l'abattage d'un animal pour des cérémonies particulières.
A l'exemple des populations de Sakdjé, riveraines à la ZIC 1
(à cogestion), qui, pour la circoncision des jeunes garçons du
village, se doivent d'abattre un bubale pour la cérémonie. Les
prélèvements effectués dans ce contexte, n'ont pas
d'impact sur la biodiversité. Toutefois, la chasse sportive fournit des
quantités appréciables de viande comme le montre le tableau
XIII.
V-2-2- Rôle touristique de la faune sauvage
La chasse, aussi bien la petite, la moyenne que la grande, a
attiré 946 touristes sur 5 ans dans la Région du Nord. Il est
à noter que ces touristes sont en grande partie, les mêmes chaque
année. En RCA, Roulet (2010 bis) estime le nombre de chasseurs à
200 par an, ce qui rejoint la moyenne annuelle dans le contexte camerounais.
D'où un intérêt certain de la chasse sportive dans l'essor
du tourisme dans la région du Nord-Cameroun.
Le Réseau d'Aires Protégées d'Afrique
Centrale (RAPAC, 2008) relève que la force touristique du Cameroun
repose dans le fait que le pays dispose de toute la diversité de
l'Afrique en son sein, d'où une variabilité et une
diversité de sa richesse éco systémique, à cela
ajoutée une pluralité culturelle. La stabilité politique
du pays par rapport aux pays voisins est également un aspect à
utiliser pour le développement du tourisme aussi bien
cynégétique qu'écologique.
Tel que détaillé dans la Stratégie
Sectorielle de Développement du Tourisme au Cameroun (2005), le pays a
développé plusieurs formes de tourisme :
- le tourisme culturel,
- le tourisme balnéaire (sur la côte atlantique)
- le tourisme de safari photo, à travers les aires
protégées ; - le tourisme cynégétique, (dans les
ZICs)
25
- l'écotourisme,
- le tourisme d'affaires et de congrès (dans la Capitale
politique Yaoundé et la capitale
économique Douala)
- le tourisme sportif
- le tourisme de santé et de cure (grâce aux
hôpitaux de référence dans toutes les régions)
- l'agrotourisme (au niveau des exploitations agricoles).
Les aspects de ce tourisme rencontrés dans la
région du Nord sont le tourisme cynégétique et
l'écotourisme.
Le MINTOUR12 n'adhère pas totalement au mode
de gestion du tourisme cynégétique par le MINFOF. Elle
dénote « l'absence d'une véritable synergie entre les
partenaires publics et privés impliqués dans le
développement du tourisme cynégétique qui ne permet pas
à ce secteur de contribuer de manière appréciable à
la croissance économique du pays et à la réduction de la
pauvreté» (MINTOUR, 2003). Il est également reproché
au MINFOF de faire preuve de peu de sérieux dans l'élaboration
annuelle des plans de tir. Aussi, les ZIC disposent d'un mauvais réseau
de pistes et de routes et les campements de guides de chasse ne disposent que
du minimum pour assurer un séjour agréable des touristes (pas
d'eau ni électricité le plus souvent). Néanmoins, il est
à noter que dans les parcs nationaux, des efforts sont faits avec la
quasi-privatisation des campements (cas de Bouba-Ndjidda dont les structures
ont été remises à neuf).
L'écotourisme dans le contexte du Cameroun
désigne « une forme de tourisme qui consiste à visiter des
zones naturelles peu perturbées, dans le but précis de
découvrir et/ou d'expérimenter le patrimoine naturel et culturel
». Pour l'OMT (Office Mondial du Tourisme), «
l'écotourisme rassemble toutes les formes du tourisme axées
sur la nature et dans lesquelles la principale motivation du touriste est
d'observer et d'apprécier la nature, ainsi que les cultures
traditionnelles qui règnent dans les zones naturelles ».
En plus des aires protégées, la région du
Nord présente d'autres attraits tels le site du Lagon bleu, les grottes
de Pitoa, le village de Manaya dans le Lamidat de Rey-Bouba, où l'on
peut observer des traces des dinosaures. Les populations riveraines accordent
à ce site archéologique un caractère mystico-religieux car
à en croire ces dernières, ces traces, qui ont été
découvertes sur le lit d'un cours d'eau, disparaîtraient et
réapparaîtraient par moments (MINTOUR, 2003).
Cet écotourisme, dans le Nord comme dans tout le reste
du pays, fait face à de nombreux problèmes, tels que
développés ci-après.
12 Ministère du Tourisme
26
? La mauvaise gouvernance
La non-collaboration entre les institutions intervenant dans ce
secteur (MINTOUR, MINFOF,
MINEPDED13 et MINARC14) est un frein
à l'essor de l'écotourisme malgré tous les avantages que
présentent les différentes régions du pays en
général et le Nord en particulier). De même, la faible
implication des populations dans les sites touristiques est à revoir.
L'exemple du campement du Parc de Waza (Extrême-Nord) devrait être
reproduit. Dans ce site, ce sont les populations qui gèrent
entièrement la restauration et autres services dans le campement.
Néanmoins, dans les parcs du Nord, les pisteurs sont choisis parmi les
locaux et quelques-uns sont formés dans l'entretien et la gestion des
campements.
? Le manque de formation
Le pays fait face à un manque de communication concernant
l'activité écotouristique. Celle-ci reste
l'apanage des occidentaux. Néanmoins, à travers
des cours tels ceux donnés à l'Ecole de Faune de Garoua, les
divers avantages sont mis en exergue afin d'attirer davantage de monde dans
cette filière.
? Déficit en infrastructures et
équipements
Vu les coûts d'investissement dans la filière, peu
sont enclins à s'y lancer. Surtout que les subventions
dans ce domaine sont quasi inexistantes. D'où un
secteur dominé par les ressortissants étrangers. Les avantages
tirés par les populations sont au niveau des emplois
générés par l'activité.
? Manque de médiatisation
L'inexistence d'une plateforme interministérielle ne
permet pas la promotion de l'activité. Le
MINTOUR relève la timidité des médias
à promouvoir l'écotourisme. Pour résoudre cela, le RAPAC
(2008, bis) préconise pour la région du Nord :
- L'amélioration de l'accessibilité des zones
écotouristiques (état des pistes et régularisation des
vols internes) ;
- Assouplissement des formalités administratives relatives
à l'accès des visiteurs dans les parcs ; - Réhabilitation
des campements dans les 3 parcs (surtout celui du Buffle Noir +
nécessité de mettre l'établissement en gestion
locative).
La faune pourrait fortement contribuer à l'essor du
tourisme dans la région du Nord si toutes ces contraintes étaient
levées.
|