§ 2 : La réparation
Tout en reconnaissant que l'emprise irrégulière
ne constituant pas une expropriation ou une occupation temporaire, le juge
administratif applique les mêmes principes et règles relatifs
à l'expropriation sur l'emprise ou voie de fait173.
Néanmoins, le contentieux indemnitaire se rapportant à l'emprise
irrégulière, sous-tend l'idée principale de soumettre
l'administration à un régime de réparation
sévère quant à la détermination du temps
(A) et qu'à l'étendue de la réparation
(B).
168 G. QUIOT, « Emprise », JCA,
Fasc. 1050, 5 juillet 2009, p. 2 ; P. TIFINE, «
Expropriation », JCA, Fasc. 10, 24 octobre 2010, p. 6.
169 J-M. AUBY, P. BON et J- B. AUBY, Droit
administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages
publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003,
p. 343.
170 J-M. DE FORGES, Droit administratif, PUF,
Paris, 6ème éd, 1991, p. 346.
171 J. RIVERO et J. WALINE, Droit Administratif,
Dalloz, 19ème éd, 2002, p. 176.
172 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété », JCP,
1964, I, fasc. n° 1852, p.4.
173 W. FERCHICHI, « La
responsabilité administrative en matière de construction :
L'embarras des régimes juridiques », RTAP, n° 35, 2003,
1er semestre, p. 69.
38
Première partie : L'ambivalence du principe
A. La détermination du temps
S'agissant du délai du recours, si le décret
d'expropriation a pour effet de transférer la propriété
à l'autorité expropriante174, l'emprise
irrégulière n'opère pas le transfert de
propriété. Le TA a estimé que les délais de recours
en réparation en matière d'emprise irrégulière sont
imprescriptibles. Dans l'affaire Heleoui de 1976, le TA a déclaré
qu'« attendu que la main mise de l'administration sur cet immeuble,
d'une façon illégale, ne produit pas un transfert de la
propriété ». Qu'en conséquence, «
l'administration ne peut se prévaloir de la prescription
»175.
Quant à la date de l'évaluation, le
transfert de la propriété n'aura lieu que par voie de
juridiction. Cette règle à des effets sur la date de
l'évaluation puisqu'il a reporté à la date de
l'introduction de l'action en justice. La date d'évaluation de
l'immeuble est celle de l'introduction du recours en réparation et non
pas celle du jour où l'administration a mis sa main sur l'immeuble. La
technique d'évaluation, vise à garantir une réparation
satisfaisante au propriétaire et par là même à
sanctionner l'administration176. Le juge administratif dans
l'affaire Sotilait a affirmé que « l'un des principes de cette
responsabilité est que l'évaluation de l'indemnité doit
avoir lieu à la date de l'introduction de l'action en justice
»177. La même solution s'applique au cas où
l'administration suit
174 F. BEN HAMMED, « L'expropriation
pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du
Tribunal Administratif », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien,
ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok
BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 477 ; N. MEKACHER, «
Le Tribunal Administratif et le droit de propriété », Etudes
juridiques, 1993-1994, p. 98.
175 TA., assemblée plénière,
décision n° 53, rendu le 18 mars 1976, Mohamed Heleoui c/ chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère des affaires
culturelles, Note J-C HÈLIN, RTD, 1976, II, p. 202.
176 N. MEKACHER, « Le Tribunal
Administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques,
19931994, p. 99.
177 TA., aff. n° 767 du 24 novembre 1988, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
défense c/ la société de transformation du lait Sotilait,
inédit. Voir aussi : TA., arrêt
39
Première partie : L'ambivalence du principe
des moyens légaux ou illégaux puisqu'en cas
d'expropriation ou en cas d'emprise, la date de l'évaluation de
l'indemnité est celle de la date du transfert de la
propriété.
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