I.1.2. Théories explicatives des fondements de
l'impôt
Dans le monde moderne, il n'existe aucun gouvernement sans
impôts car les ressources fiscales permettent à chaque
gouvernement de financer ses projets. Comme le met en évidence le
paragraphe précédent, le prélèvement fiscal date de
l'antiquité mais a été légitimé au cours de
la période et il y a des théories permettant de justifier le
prélèvement fiscal effectué par les gouvernements. Ainsi,
l'impôt est compris comme contrepartie des services rendus par l'Etat.
Sur base de cette théorie, l'impôt est la contrepartie ou le prix
des services rendus par l'Etat, une sorte de prime, d'assurance payée
par les citoyens pour jouir en sureté de leurs droits. Ce premier
fondement de l'impôt sème alors la confusion pour la distinction
entre l'impôt et la taxe pour autant que l'impôt soit défini
comme prélèvement obligatoire sans contrepartie
déterminée alors que la taxe se définit comme la
contrepartie d'un service rendu par les administrations. Par voie de
conséquence, la taxe dispose une contrepartie qui est
déterminée. De plus, l'impôt est considéré
comme expression de la solidarité. Considéré au même
degré que la défense du territoire qui consiste à ce que
ceux qui sont capables de défendre le territoire le font au profit de
tous, l'impôt est l'expression d'une solidarité nationale qui
consiste à ce que les uns paient l'impôt profitable pour tous.
L'impôt permet alors de réaliser une redistribution
nécessaire à une certaine paix sociale.
Selon la thèse classique sur les fondements du
prélèvement de l'impôt, il y a eu beaucoup de controverses
et d'opposition sur le bien-fondé du prélèvement de ce
dernier.
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Gaudement (1977, p.104) considère l'impôt comme
« le prix des avantages que la société procure aux
individus » ; le même auteur poursuit : « les revenus
de l'Etat sont une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la
sureté de l'autre ou pour en jouir agréablement ».
D'après cette thèse, l'objectif du prélèvement
fiscal n'est autre que la couverture des dépenses publiques sans avoir
d'influence économique.
Selon la thèse classique, il n'y a aucun
intérêt pour les citoyens de continuer à subir des
prélèvements qui n'ont aucun avantage sur le niveau
économique pour le pays en général et pour le contribuable
en particulier.
Ainsi donc, cette neutralité absolue de l'impôt
n'a plus de sens de nos jours car l'imposition vient alourdir les prix et
diminuer le pouvoir d'achat des citoyens. Cela a donné alors naissance
à la thèse moderne.
La thèse moderne est celle qui considère
l'impôt non seulement comme moyen de financer le budget national mais
aussi comme ayant un rôle important sur le volet économique et
social. L'impôt constitue une source de moyens d'investissement public en
appuyant le secteur privé car il est évident qu'il y a des
secteurs d'investissement pour lesquels les investisseurs privés sont
réticents dans la réaction. Il s'avère alors très
important de considérer un système fiscal comme un tout et de
l'appliquer de sorte qu'il soit capable de donner à l'économie
des impulsions souhaitables (Nzitonda, 2011).
Un autre aspect important dans la thèse moderne,
à côté du caractère économique, est le
rôle de justice sociale. Pour ce cas, le système fiscal le plus
juste est celui qui mesure l'imposition par rapport aux ressources et aux
charges de chacun.
L'impôt peut aussi être vu comme la participation
aux charges publiques en fonction des facultés contributives et comme
expression de la souveraineté. Pour le premier point, concernant
l'impôt considéré comme participation aux charges
publiques, les sujets d'un Etat doivent contribuer au soutien du gouvernement,
chacun le plus possible, en fonction de ses facultés,
c'est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de
l'Etat.
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Quant au second, l'on sait d'abord par définition que
l'impôt est défini comme prélèvement
pécuniaire par voie d'autorité, à titre définitif
et sans contrepartie. Il est la manifestation de la souveraineté de
l'Etat ou l'absolue nécessité du consentement des contribuables,
consentement exprimé, à la suite d'un débat contradictoire
par le biais de leurs représentants (Assemblée Nationale).
Cependant, ces théories justifiant les fondements de
l'impôt connaissent des limites et sont critiquées. Concernant la
thèse selon laquelle l'impôt est la contrepartie des services de
l'Etat, Hayek (1989) intervient sur le fait que chaque contribuable soumis
à l'impôt devrait savoir exactement quelle somme il doit verser et
à quelles dépenses publiques ce prélèvement
servira.
Ainsi, chaque citoyen devrait savoir à quelle hauteur
il devra financer un projet public qui lui semble intéressant. C'est
ainsi que dans le 3ème Tome de Droit, Législation et
Liberté, Hayek aborde l'analyse coût-avantage à laquelle
tout contribuable devrait pouvoir procéder pour décider de la
charge fiscale dont il est prêt à s'acquitter.
A propos du caractère de solidarité nationale
que revêt l'impôt, cette thèse dépasse du collectif
à l'individuel. Les prélèvements obligatoires comprenant,
en plus des impôts, les cotisations sociales, sont une manifestation de
cette thèse. De même, en cas de catastrophe naturelle, les
citoyens sont souvent appelés à verser des contributions de
solidarité. La solidarité n'implique pas un droit individuel sur
la communauté en cas de renversement de la situation. Ainsi par exemple,
un contribuable qui paie des impôts pendant les années de
prospérité ne pourra pas réclamer d'être pris en
charge s'il vient de perdre toute la fortune pour une raison ou une autre, sauf
dans les pays développés ou on a mis en place des systèmes
fiscaux avec une technique de carry back4 ou de report en
arrière pour une certaine catégorie de contribuables dont la
situation a subi un retournement.
4Il s'agit d'une technique introduite
dans certains pays aisés permettant le remboursement d'une partie des
impôts payés précédemment, en cas de retournement de
la situation.
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En ce qui est de l'impôt considéré comme
une participation aux charges publiques en fonction des facultés
contributives, cette théorie est celle qui a beaucoup influencé
la pensée fiscale contemporaine traduite par la progressivité des
taux d'imposition en fonction du volume des revenus imposables, la franchise ou
encore la faible imposition des régimes forfaitaires. Enfin, dans la
thèse de l'impôt, expression de la souveraineté, ce sont
des représentants de l'opinion majoritaire qui consentent à
l'impôt.
Cependant, le consentement à l'impôt par la
majorité, qui confère à l'impôt un pouvoir de
contrainte le rendant obligatoire à tous, ne traduit pas le consentement
à l'impôt par chacun des contribuables fait individuellement.
Encore plus, l'impératif de rechercher une
complexité fiscale dictée par la globalisation de
l'économie ainsi que l'adhésion aux accords de
libre-échange limitent la souveraineté d'action des
législateurs nationaux et limitent par-là même l'expression
de la souveraineté fiscale.
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