Section2 : Investissement et dépenses publiques
au Burundi
La présente section a pour objectif de mettre en
évidence l'évolution des investissements et des dépenses
publiques au Burundi étant donné que ces deniers sont
jugés influencer les recettes fiscales burundaises. L'investissement et
les dépenses sont des éléments importants dans le niveau
des recettes. Les dépenses élevées par rapport aux
recettes font que le déficit soit creusé ; son financement, selon
la voie adoptée, peut entretenir l'inflation et tomber dans un cercle
vicieux.
II.2.1. Investissements au BURUNDI
Le Burundi est un pays qui a connu une crise sociopolitique
pendant une période importante, ce moment a été traduit
par des hostilités diverses faisant la fuite des capitaux qui pourraient
favoriser la croissance économique. Mais après avoir
instauré un climat apaisé, des politiques visant à attirer
les capitaux sont mises sur pied particulièrement via le code des
investissements. Ce point se préoccupe d'analyser l'évolution et
répartition entre les investissements privés et publics dans les
investissements globaux depuis 1990 jusqu'en 2010. Nous entendons par
investissements publics, ceux financés ou pris en charge par l'Etat
tandis que les investissements privés sont ceux des particuliers
(entreprises, ménages, etc.)
44
Graphique 4 : Evolution des investissements privés
et publics en MBIF (1990-2010)
Source : auteur sur base des
données du MPDR
Ce graphique illustre l'évolution des investissements
public et privé depuis 1990 jusqu'en 2010. De l'analyse de ce graphique,
il ressort que l'investissement public a pris une part importante dans le total
des investissements pendant une longue période ; c'est-à dire de
1990 jusqu'à 2005.
A partir de l'année 2006, l'investissement public a
augmenté mais moins proportionnellement par rapport à
l'investissement privé qui a connu une augmentation de 90,5% par rapport
à l'année précédente (2005) tandis que les
investissements publics ont varié de 54,7% par rapport à la
même année. Cela trouve la justification dans les élections
de 2005 qui ont donné lieu à un nouveau gouvernement,
démocratique, ce qui a incité les investisseurs privés qui
exigent un climat des affaires stable.
Depuis l'année 2002, les investissements ont
commencé à augmenter simultanément grâce au
cessez-le feu. Cependant, l'investissement privé a subi une variation
négative en 2007 (-26,12%). En résumé, l'investissement
privé a commencé à se faire sentir beaucoup plus à
partir de l'année 2006 où il surpassé
considérablement l'investissement public et curieusement, l'analyse de
l'évolution de ces investissements (privés et publics) illustre
la théorie de l'effet d'éviction du secteur public au secteur
privé.
45
Ici nous signalons que le concept d'effet d'éviction
désigne le phénomène qui conduit l'activité
économique du secteur public à supplanter celle du secteur
privé. L'investissement est le moteur de la croissance économique
et doit être stimulé et entretenu.
Cependant, plusieurs contraintes rongeuses d'investissement
sont à identifier. En Afrique par exemple comme le souligne Sall et al.
(2000), c'était une région qui est perçue comme manquant
d'un environnement propice à l'investissement ce qui fait que les
investisseurs (tant étrangers que nationaux) se sont abstenus d'y
engager leurs ressources. Cet auteur évoque les lois et les contrats qui
n'étaient pas appliqués et les biens privés qui
n'étaient pas respectés, l'instabilité politique qui
était aigue et les retournements de la situation politique qui
étaient monnaie courante et, enfin le manque d'infrastructures physique
et humaine pour soutenir un investissement dynamique.
Le Burundi qui, lui aussi, est le pays du continent africain
n'a pas été à l'abri de ces bouleversements qui ont pour
conséquence de constituer un frein à la croissance
économique via les investissements privés.
Si Sall (2000) évoque les lois et contrats qui
n'étaient pas de rigueur, il y en a d'autres qui ont d'autres angles
d'observation et c'est le cas des experts des conventions fiscales entre pays
développés et pays en voie de développement. La plupart
des pays en voie de développement sont préoccupés par la
croissance économique soutenue, une croissance qui serait durable et,
cette croissance doit être axée sur les investissements
privés. C'est cette raison qui pousse ces pays à revoir le plus
souvent leur taux d'imposition à la baisse, au titre d'avantage fiscal,
pour attirer les capitaux étrangers. Cependant, leurs anticipations
jugées rationnelles ne le sont pas toujours ; cela peut avoir pour
origine, la législation fiscale du pays d'origine de l'investisseur
étranger comme le montre le rapport des Nations Unies (1969).
46
En effet, comme le stipule le rapport précité,
les experts des pays en voie de développement ont fait observer que les
avantages fiscaux qu'ils accordaient en vue de favoriser l'attractivité
en faveur des capitaux étrangers étaient anéantis et ne
faisaient que continuer à assurer l'augmentation des recettes fiscales
du pays d'origine de l'investisseur, à moins qu'une exonération
ou une imputation spéciale pour dégrèvement d'impôt,
octroyée par son pays d'origine, ne permette à l'investisseur
étranger d'en conserver le bénéfice.
A ces propos des Nations Unies, qui datent de plus ou moins
longtemps, il y en a d'autres qui ont tenté récemment de les
rejoindre, c'est le cas notamment de Radelet et al. (2008, p.528) : «
La fiscalité d'un pays dont l'application réduit
l'épargne privée tendra à amputer les investissements
privés intérieurs. [...]S'il existe à
l'étranger des perspectives de rentabilité qui promettent des
revenus après impôts supérieurs à ceux en vigueur
dans tel pays en développement, les capitaux dudit pays auront tendance
à émigrer pour tirer parti du phénomène. »
Ce cas peut être traduit par un exemple bien concret et bien
appréhensible : Considérons que les détenteurs de capitaux
au Burundi puissent obtenir une rentabilité moyenne avant impôt de
15 % de leurs investissements et que les revenus du capital y soient soumis
à l'imposition au taux de 35%. La rentabilité après
impôt s'élève donc à 9.75%.
Les mêmes fonds étant investis au Kenya où
les capitaux sont moins rares pourraient obtenir une rentabilité de 14%
seulement avant impôt, mais soumis à un impôt limité,
soit 20%.
La rentabilité après impôt au Kenya
s'élève alors à 11.6%. En considérant
l'écart de la rentabilité (1.85%) après impôt, cela
suffit pour inciter les détenteurs de capitaux burundais de faire
l'exode vers le Kenya. En effet, comme le soutient Radelet et al.
(2008, p.528) : « En général, les pays qui cherchent
à imposer une fiscalité nettement plus lourde sur les revenu du
capital voient fréquemment leur épargne intérieure
émigrer vers des pays qui appliquent une fiscalité plus
légère sur le capital. »
47
Ce raisonnement de Radelet ne s'écarte pas des
études de Porteba et Summers (1984) repris par Wouters (2003) ; ainsi
après avoir étudié la valorisation des dividendes sous
différents régimes fiscaux au Royaume-Uni, ces deux chercheurs
ont conclu que les taxes affectent cette valorisation des dividendes. En effet,
il apparaît dans leur étude que tout changement dans le taux
d'imposition s'est traduit par des changements substantiels en ce qui concerne
les suppléments du taux de rentabilité qu'exigent les
investisseurs en contrepartie de rémunération des dividendes ; ce
qui indique que les taxes expliquent au moins une partie de la relation d'une
fonction croissante entre la rentabilité et le taux de rendement.
Ainsi donc, en se raisonnant sur les arguments de Radelet et
al.(2008), il est fort compréhensible que, quel que soit le
taux d'imposition appliqué pour attirer les investissements
étrangers, les investisseurs étrangers seront obligés de
prendre en compte la législation fiscale du pays d'origine ( imposition
des revenus obtenus à l'étranger) et celle du pays d'accueil.
48
Tableau 3 : Evolution des investissements publics et
privés au BURUNDI (1990-2010)
Années
|
INVPU
|
Variation en %
|
INVPRI
|
en Variation %
|
TOTAL
|
Variation en %
|
1990
|
29733
|
14,63104
|
5259
|
57,40796
|
34992
|
19,51228
|
1991
|
32117
|
8,018027
|
6190
|
17,70299
|
38307
|
9,473594
|
1992
|
39523
|
23,05944
|
2323
|
-62,4717
|
41846
|
9,23852
|
1993
|
33384
|
-15,5327
|
1565
|
-32,6302
|
34949
|
-16,4819
|
1994
|
33000
|
-1,15025
|
1000
|
-36,1022
|
34000
|
-2,71539
|
1995
|
20000
|
-39,3939
|
12250
|
1125
|
32250
|
-5,14706
|
1996
|
20416
|
2,08
|
12294
|
0,359184
|
32710
|
1,426357
|
1997
|
14980
|
-26,6262
|
6995
|
-43,1023
|
21975
|
-32,8187
|
1998
|
23900
|
59,54606
|
3300
|
-52,8234
|
27200
|
23,77702
|
1999
|
29900
|
25,1046
|
4800
|
45,45455
|
34700
|
27,57353
|
2000
|
32700
|
9,364548
|
5900
|
22,91667
|
38600
|
11,23919
|
2001
|
30900
|
-5,50459
|
9100
|
54,23729
|
40000
|
3,626943
|
2002
|
43400
|
40,45307
|
12400
|
36,26374
|
55800
|
39,5
|
2003
|
52000
|
19,81567
|
17100
|
37,90323
|
69100
|
23,83513
|
2004
|
64900
|
24,80769
|
19200
|
12,2807
|
84100
|
21,70767
|
2005
|
75500
|
16,33282
|
67500
|
251,5625
|
143000
|
70,03567
|
2006
|
116800
|
54,70199
|
128600
|
90,51852
|
245400
|
71,60839
|
2007
|
134800
|
15,41096
|
95000
|
-26,1275
|
229800
|
-6,35697
|
2008
|
126800
|
-5,93472
|
246900
|
159,8947
|
373700
|
62,61967
|
2009
|
92900
|
-26,735
|
292900
|
18,63102
|
385800
|
3,237891
|
2010
|
213300
|
129,6017
|
307000
|
4,81393
|
520300
|
34,86262
|
Source : -MPDR, Service
macroéconomique
-Calculs de l'auteur pour les colonnes 3, 5 et 7
Le tableau ci-dessus montre la part des investissements
privés et publics dans les investissements globaux. Il ressort de ce
tableau que les investissements publics prennent le devant, avec des
écarts assez forts par rapport aux investissements privés. Sur
toute la période d'analyse, les montants affectés par le
gouvernement dans l'investissement public excèdent la part des
investisseurs privés. Cependant depuis l'année 2006, les
investissements privés ont surpassé les investissements publics
à l'exclusion de l'année 2007.
La faiblesse des investissements privés peut d'une
certaine manière avoir des effets sur les recettes fiscales d'autant
plus que ce sont les investisseurs privés qui sont les principaux
contribuables en matière d'impôt. Ainsi donc, nous pouvons nous
interroger sur la cause de cette faiblesse des investissements privés
par rapport aux investissements publics. Une des causes serait un manque
d'environnement propice qui fait que notre pays ne soit pas attractif envers
les investisseurs étrangers. Ici nous soulignons l'inflation progressive
qui occasionne l'érosion du pouvoir d'achat et les capitaux, les taux
d'intérêt bancaires qui sont très élevés,
l'enclavement de notre pays qui lui confère un le degré
d'attractivité moins élevé par rapport aux autres pays de
voisins. Une autre cause importante est le climat politique qui est parfois
instable au Burundi. Cela constitue une réalité incontestable ;
même remarquable sur le graphique précédent : en effet,
à partir de l'année 2000, les investissements ont connu le sort
favorable. Enfin, le taux d'imposition est une variable très importante
dans l'attraction des investisseurs. La délimitation spatiale du
présent travail se borne sur le cas du Burundi, mais étant
donné que le Burundi n'est pas « une île », nous nous
permettons de faire un aperçu pour constater la situation des autres
pays et, nous nous contentons plus particulièrement des pays de l'East
African Community pour voir le taux d'imposition appliqué. Le petit
tableau qui suit fournit les taux d'imposition des revenus qui sont
appliqués dans les pays de l'East African Community.
Tableau 4 : Taux d'imposition sur les revenus
pratiqués au sein l'EAC
Pays
|
Taux d'imposition
|
Burundi
|
35%
|
Kenya
|
25%
|
Rwanda
|
30%
|
Tanzanie
|
35%
|
Uganda
|
20%
|
49
Source : Ndorere (2007, p.15)
50
Ce tableau fait apparaître que si les investisseurs
tiennent le taux d'imposition comme critère primordial pour apporter
leurs capitaux, le Burundi serait moins attractif, au même rang que la
Tanzanie car, ce sont les deux pays pratiquant des taux d'imposition
élevés, avec des écarts fort considérables par
rapport aux autres pays de la communauté.
Dans cet ordre d'idées, les investisseurs rationnels
nationaux qui voient leur pays gangréné par l'imposition
élevée et l'inflation progressive auront tendance à migrer
vers des zones qui sont favorables pour rentabiliser leurs capitaux. Selon ce
critère, les détenteurs de capitaux burundais et / ou tanzaniens
peuvent migrer vers l'Uganda ou vers le Kenya où les taux d'imposition
sont concurrentiels.
Quoique les investissements publics aient été
supérieurs à ceux privés pour la grande partie de la
période d'étude, il est aussi intéressant d'analyser
profondément la part allouée aux dépenses d'investissement
dans le total des dépenses publiques. Cela apparaît dans le
paragraphe qui va suivre en faisant montrer l'évolution des
dépenses en capital par rapport aux dépenses courantes ou
dépenses de fonctionnement.
|
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