I.1.9. Effets de l'impôt sur le bien-être des
agents économiques
A côté des difficultés apparentes dans
l'établissement de l'impôt, on ne peut pas négliger son
incidence sur le bien être des agents économiques. Dans ce
point-ci, il faut distinguer les effets d'une taxe aussi bien sur les acheteurs
et les vendeurs que sur le gouvernement. Le bien-être des acheteurs est
mesuré par le surplus du consommateur, c'est-à-dire la somme que
les acheteurs sont prêts à consacrer à l'achat d'un bien,
diminué du prix effectivement payé ; tandis que le
bien-être du vendeur est appréhendé sur base du surplus du
producteur, c'est-à-dire la somme perçue par les vendeurs d'un
bien, diminué des coûts de production. Pour le gouvernement, on ne
peut pas parler du bien-être car, n'étant pas un individu, mais
joue un rôle non négligeable.
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Graphiquement, Mankiw illustre comment la taxe affecte les agents
:
Prix
Offre
Q2
Q1
Quantité
A
PB
B C
P1
E
Demande
PS
D F
Où :PB= Prix payé par les acheteurs
: P1= Prix hors taxe
:PS= Prix perçu par les vendeurs
Source :Mankiw (1998, p.211)
Sur ce graphique, la taxe réduit les surplus du
consommateur (B+C) et du producteur (D+E) plus qu'elle n'accroît la
recette fiscale (B+D). La différence, appelée perte sèche
générée par la taxe, est représentée par la
surface C+E. En l'absence de la taxe, le prix et la quantité
d'équilibre se trouvent à l'intersection de deux courbes. Le prix
est P1, la quantité vendueQ1.Comme la courbe de demande
reflète la volonté d'acheter des acheteurs, le surplus du
consommateur est la surface comprise entre la courbe de demande et le prix,
soit A+B+C. De la même façon, parce que la courbe d'offre
reflète les coûts supportés par les vendeurs, le surplus du
producteur est la surface comprise entre le prix et la courbe d'offre, soit
D+E+F. En l'absence de la taxe, la recette fiscale est évidemment
égale à zéro.
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Le surplus total qui est la somme des surplus du consommateur
et du producteur, est représenté par la surface entière,
soit A+B+C+D+E+F. En présence de la taxe, le prix payé par les
acheteurs s'élève et devient PB, de sorte que le surplus du
consommateur est réduit à la surface A. Le prix perçu par
les vendeurs descend pour s'établir à PS, et le surplus du
producteur est réduit à la surface F. La quantité vendue
baisse de Q1 à Q2. Le gouvernement perçoit une recette fiscale
égale à la surface B+D. En présence de la taxe, le surplus
total est égal à la somme des surplus du consommateur et du
producteur et de la recette fiscale. Ce surplus total est donc égal
à la surface A+B+D+F.
I.1.9.1. Analyse comparative du bien-être
Sur base de cette figure ci haut, on peut maintenant mesurer
l'impact de la taxe en comparant le bien-être avant et après
l'apparition de la taxe. Du fait de la taxe, le surplus du consommateur diminue
de la surface B+C, et le surplus du producteur diminue de la surface D+E. La
recette fiscale augmente de la surface B+D. La taxe pénalise alors
à la fois les acheteurs et les vendeurs et favorise le gouvernement.
Ce graphique montre que si le taux de taxation continue
à augmenter, il y a une phase où la recette fiscale commence
à diminuer par le fait qu'une taxe élevée entraîne
une réduction de la taille du marché (car elle affecte les
offreurs et les demandeurs). Donc une taxe élevée ne rapporte
rien au gouvernement car personne n'achèterait ni vendrait le
produit.
D'après certains auteurs, l'existence des impôts
affecte les décisions individuelles. Pour Mankiw (1998, p. 320) «
Si les le gouvernement décide de lever une taxe sur les cornets de
glace, les gens en mangeront moins et mangeront plus de yaourts glacés.
Si le gouvernement taxe les habitations, les gens vivront dans les petits
logements et dépenseront davantage de ressources dans d'autres biens. Si
le gouvernement taxe fortement les revenus du travail, les gens travailleront
moins et prendront plus de loisirs. ».
Cette idée de Mankiw (1998) montre que, dans la
structure de recettes fiscales, on doit mettre une attention
particulière sur les ressources en provenance de l'imposition du revenu
qui peut avoir des effets négatifs sur le rendement du travail. Le fait
que l'imposition affecte fortement les revenus entraîne la
conséquence pour les agents de ne plus attacher une importance
très particulière au travail car le revenu émanant de ce
dernier étant érodé par l'imposition. Ils peuvent faire
une substitution entre le travail et le loisir, ce qui constitue des effets
néfastes pour l'économie.
Comme les impôts affectent les comportements, ils
génèrent de pertes sèches. Les pertes sèches sont
définies par Mankiw (1998, p.320) comme « la diminution du
bien-être du contribuable non compensée par une augmentation de
revenu pour le gouvernement. Autrement dit, c'est la baisse de
l'efficacité liée au fait que les gens allouent des ressources en
fonction des incitations fiscales et non plus en fonction de vrais coûts
et bénéfices des biens et services consommés. »
Tous ces arguments prouvent alors le fondement de la courbe de Laffer qui
traduit que « Trop de taux tue les totaux ». D'après Arthur
Laffer, l'accroissement du taux d'imposition n'entraîne pas
nécessairement une hausse parallèle des recettes de l'Etat.
Schématiquement, la courbe de Laffer se présente de la
manière suivante :
t1 t* t2 t3
Taux de fiscalité
Rendement de l'impôt
0
R*
R
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Source : Duthil et Marois (1997, p.56)
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De par ce graphique, la fiscalité est
caractérisée par une zone de rendement décroissant avec
les taux d'imposition et une zone de rendement croissant avec les taux
d'imposition. Au taux zéro, les recettes fiscales sont nulles.
Entre 0 et t', l'accroissement du
taux d'imposition favorise l'augmentation des recettes fiscales car c'est une
zone où les contribuables tolèrent la hausse du taux
d'imposition.
Au taux d'imposition t', les recettes fiscales sont
à un niveau maximum. Au-delà de t', les recettes
fiscales commencent à décroitre suite au comportement
adopté par les contribuables devant la lourdeur de l'impôt. Aux
taux t1 et t2, le rendement fiscal est identique mais la tendance
n'est pas la même car t2 se trouve dans la phase de décroissance
des recettes fiscales alors que en t1, le rendement est dans sa phase de
croissance. Au taux d'imposition t3, les contribuables sont
découragés et fuient l'impôt jusqu'à ce que la base
imposable devienne nulle. Le gouvernement n'a donc pas intérêt de
hausser le taux d'imposition au-delà de t' car la base
imposable diminue suite à évasion fiscale et la fraude
fiscale.
Nous comprenons que la notion de la perte sèche n'est
pas moins similaire à l'interprétation de la courbe de Laffer et
ne profite à personne parmi les agents économiques(les acheteurs,
les vendeurs et le gouvernement), d'où on va voir sa minimisation dans
le point qui va suivre.
Mais, avant d'entamer ce point, il s'avère plus utile
d'élucider la distinction entre ces deux notions de fraude fiscale et
évasion fiscale. Cette distinction réside dans le
caractère de légalité comme l'explique Bobe (1978). En
effet, la fraude fiscale est illégale alors que l'évasion fiscale
est légale. Cette illégalité de la fraude fiscale la rend
très difficile à connaître et à contrôler.
Bobe (1978, p.112) révèle que «
l'importance de la fraude fiscale, et les bénéfices qu'en
retirent diverses catégories de contribuables dépendent du
régime d'imposition, des moyens d'information et de recoupement de
l'administration fiscale ainsi que l'organisation et les méthodes de
contrôle fiscal. »
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Cela peut servir dans l'explication de la fraude fiscale
importante dans les pays en développement où le secteur informel
n'est pas encore éradiqué. La corruption constitue aussi un
facteur favorisant dans la fraude fiscale. Parmi les raisons majeures de ce
comportement d'adopter la fraude fiscale, il y a la pression fiscale
élevée associée à une inégale
répartition de l'impôt entre les contribuables.
Quant à l'évasion fiscale, elle est
considérée comme supérieure à la fraude fiscale
suite à cette couverture par la loi ; c'est-à-dire qu'elle est
reconnue et permise. L'évasion fiscale est aussi prise en
considération lors l'appréhension du revenu (modes
d'évaluation et déductions diverses). Le cas d'évasion
fiscale habituel et appréhensible pour notre pays concerne les
exonérations.
En revanche, Bobe (1978, p.118) reproche autant à la
fraude qu'à l'évasion fiscale de l'immoralité en ces
termes : « si la fraude est condamnable du point de vue civique, et
l'évasion regrettable quant à la clarification des choix fiscaux,
elles ont toutes les deux pour inconvénients d'engendrer des
inégalités horizontales et verticales ; ce qui est contraire
à l'équité. »
Ces arguments de Bobe (1978) peuvent aussi servir dans les
justifications des détournements de commerce qui peuvent ruiner la
concurrence alors que cette dernière joue un très important en
matière commerciale.En effet, il y a risque que la fraude fiscale et
l'évasion fiscale s'entremêlent dans certains cas pratiques, et
c'est dans ces cas que le détournement du commerce peut avoir lieu.
Comme la notion de la perte sèche n'est pas moins
similaire à l'interprétation de la courbe de Laffer et ne profite
à personne parmi les agents économiques(les acheteurs, les
vendeurs et le gouvernement), nous allons voir sa minimisation.
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