E) La situation dans la ville de Mbour
La ville de Mbour se situe dans la région de
Thiès et plus précisément entre les villages de Saly et de
Mbaaling. Ces frontières administratives se déclinent
ainsi : la partie ouest est limitée par l'océan Atlantique
et le reste de la ville, comme le décrit SEYDI « s'incruste en
demi cuvette dans la circonscription administrative de la CR de Malicounda qui
l'entoure » (SEYDI, 2008). Elle a une superficie de 27 km2 mais, avec
des besoins en terrains sans cesse croissants (moyenne : 45 ha/an de 2000
à 2010), « la ville, depuis 1976, s'octroie chaque
année de 63 hectares sur l'espace rural » (SEYDI, 2008). Ainsi
la ville de Mbour est considérée comme étant l'une des
villes les plus dynamiques du Sénégal au plan spatial. Ce
dynamisme spatial s'explique par la croissance rapide de la population de la
commune qui, à la suite du dernier recensement général de
la population disponible, était estimée à 170436 habitants
(RGPH, 2002 ; cité in SEYDI, 2008). Avant ce recensement, le Plan
d'urbanisme de référence (PUR), avait estimé que la
population de Mbour devait augmenter de 45000 habitants entre 1992 et 2000,
soit une augmentation moyenne de 5500 habitants par an. Cette croissance
significative du nombre de résidants de la ville a pour corollaire la
naissance de nouveaux quartiers périphériques dans lesquels on
note des problèmes d'insuffisance de la desserte médicale ;
a cela s'ajoutent « dégradation et faible niveau de
l'équipement des postes de santé de Thiocé-Est,
Onze-Novembre et le centre de santé de Tefess » (SEYDI, 2008).
Il faut souligner que les carences constatées dans ces
établissements sanitaires ne se limitent pas seulement au plan
matériel mais aussi au plan politique, programmatique etc.
Selon les responsables des Soins de Santé Primaires du
district sanitaire de Mbour, aucun programme n'a été mis en place
au niveau du district sanitaire de Mbour pour facilité l'accès
aux soins des enfants en situation de handicap, alors qu'il nécessite,
comme le préconise la HAS dans son rapport « Enjeux et
spécificités de la prise en charge des enfants et des adolescents
en établissement de santé » publié en
décembre 2011, « de mettre en place un programme d'accueil
individualisé (PAI) en cas de handicap ou de maladie le
nécessitant. » (HAS, 2011). Ce qui implique forcément
des connaissances et des données sur les enfants handicapés et
sur la sévérité de leurs handicaps. À défaut
de données factuelles au préalable sur les catégories les
plus nécessiteuses, les programmes risquent de tomber dans
l'inefficacité. Un nouveau programme est récemment entré
en vigueur établissant la gratuité des tickets de consultation
pour les enfants âgés de 5 ans ou moins tandis qu'un enfant de 13
ans souffrant d'infirmité peut en avoir plus besoin en raison de la
fragilité de sa santé, mais aussi de sa situation sociale qui est
souvent précaire. Les services sanitaires sont mieux placés pour
recueillir des informations sur la santé de ces enfants. Cependant ces
établissements sanitaires ne prennent pas en compte, en ce qui concerne
les informations recueillies sur le patient lors de la consultation, les
déficiences physiques ou mentales du patient d'après les propos
de Mr MBENG, responsable du service sociale du centre Ophtalmologie et Optique
de Mbour. Ce qui ne laisse aucune possibilité d'obtenir des informations
sur l'enfant handicapé en consultation car il est
considéré comme « enfant malade » tout court.
Le seul centre qui s'occupe des handicapés dans la ville de Mbour
à savoir le Centre Socioprofessionnel des Handicapés de Mbour
(CSPHM), comme son nom l'indique, n'a pas pour vocation de prodiguer des soins
sanitaires à ses sociétaires, mais plutôt de leur donner un
métier afin qu'ils puissent s'insérer dans le tissu social,
même s'il dispose une infirmerie qui est de loin la mieux
équipée. Au niveau des autorités locales, la question est
de loin une préoccupation première car la mairie ne dispose pas
de direction qui gère les questions de santé des populations
encore moins, spécifiquement, celles des handicapés de la ville
et, par conséquent, est dans l'incapacité de fournir des
informations en ce qui concerne la situation de l'accès aux soins des
enfants handicapés, alors que la question de santé des
populations locales est un domaine de compétence
transféré. Il en est de même au niveau du Centre de
Promotion et de Réinsertion Social de Mbour qui ne détient aucune
donnée relative aux handicapés de la ville.
Même si la ville de Mbour dispose assez de structures
sanitaires, comparativement à d'autres villes du pays, les enfants
handicapés n'en profitent pas ; ils ont, le plus souvent, des
problèmes d'accès aux soins car considérés, dans
les établissements sanitaires, au même pied
d'égalité que les autres enfants alors que leur état de
vulnérabilité exige la mise en place de programmes
spécifiques en leur faveur. Ce qui nécessite l'existence, en
amont, d'une banque de données exhaustives et fiables sur cette
catégorie d'enfants ; seules des données sûres peuvent
servir de support aux outils de mesures d'incapacité (HELD, DIZIEN,
1998) qui sont utiles pour déterminer les « seuils »
de sévérité du handicap, et, partant, les ayants droit
à l'aide sanitaire parmi ces enfants. La disposition de données
non biaisées permet aux décideurs de déterminer les
besoins de chaque catégorie et de pouvoir éventuellement les
pourvoir. Il semble que tant que les politiques sanitaires n'ont pas pour
soubassement des recherches aboutissant à la mise en place
d'informations sûres, il y aura toujours des décalages entre les
offres de soins existants et les besoins de soins en attente. Ce n'est pas
raisonnable de penser que les responsables de politiques et programmes
sanitaires du pays, en particuliers, ceux du district sanitaire de Mbour (la
santé fait partie des domaines de compétences
transférés) veulent léser sciemment les enfants
handicapés dans leur droit d'accès à la santé, mais
il semble plutôt qu'ils possèdent si peu ou presque pas
d'informations et de statistiques fiables et à jour sur ces enfants. On
peut donc se poser la question suivante : les données actuelles sur
les enfants handicapés, qui sont essentiellement spéculatives et
anciennes (OMS & BM, 2011) peuvent elles concurremment renseigner sur
l'acuité de la situation sanitaire de ces enfants et servir, de
manière efficiente, de support de politiques sanitaires qui
solutionneraient leurs problèmes d'accès aux soins de
santé ?
La réponse à cette interrogation est plus que
nécessaire quand on veut résoudre les problèmes
d'accès aux soins des enfants handicapés. Dans la plupart du
temps, les obstacles à l'accès à la santé sont
imputés aux facteurs géographiques, économiques,
socioculturels... (ANDERSEN & NEWMAN, 1973 ; cité in BONNET,
2002) ; il est certes vrai que ces facteurs y jouent un rôle qui
n'est pas des moindres, mais c'est seulement à partir de données
factuelles qu'on peut procéder à une évaluation des
besoins de santé de manière générale, à une
distinction des catégories les plus nécessiteuses et à une
priorisation des interventions sur les populations vulnérables telles
que les enfants handicapés. L'absence de données fiables sur les
enfants en situation de handicap jouerait donc en faveur de leur
« invisibilité » dans les politiques de
santé ; par contre, l'existence de données exhaustives sur
eux faciliterait leur prise en compte dans les politiques sanitaires
d'où l'importance de répondre à la question
susmentionnée.
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