D) La situation au Sénégal
Au Sénégal, la rareté de travaux de
recherche concernant spécifiquement l'accès aux soins des enfants
handicapés est une réalité, et est beaucoup plus
constatable que lorsqu'on entreprend des démarches en vue d'obtenir des
données relatives à la santé des enfants porteurs de
handicap. Néanmoins certains travaux fournissant des informations et des
données estimatives sur la prévalence du handicap, de
manière générale, existent.
Le Rapport national de présentation des
résultats définitifs du dernier Recensement
Général de la Population et de l'Habitat (RGPH-3)
datant de 2002 et mis en oeuvre par ANSD, présente dans son
chapitre 9 la synthèse des données concernant les personnes
handicapées au Sénégal (ANSD, 2006). Ces données
sont présentées sous forme de tableaux commentés
sommairement. Les modalités prises en compte sont : la
cécité, la surdité, la mutité, l'infirmité
des membres inférieurs ou supérieurs, la déficience
mentale, l'albinisme et les mutations dues à la lèpre ainsi que
les autres types de handicap regroupés sous la rubrique autres. Le
nombre de personnes handicapées, en 2002 dans le pays,
évalué par cette enquête selon le rapport est de 138897
(sur une population de 9858482 habitants), soit une prévalence de 1,4%.
Parmi elles, les enfants représentent plus de 20% si l'on
considère la définition de l'enfant adoptée par la CIDE
dans son article premier (Nations unies, 1989). D'après ce rapport
près de 8000 enfants (0 à 17 ans) parmi ces enfants
handicapés vivent en milieu urbain.
L'hétérogénéité du milieu
urbain, surtout sur le plan social, joue en défaveur de
l'intégration des enfants en situation de handicap. Dès
l'âge préscolaire, ces enfants handicapés commencent
à ressentir ces problèmes d'intégration sociale à
travers leur exclusion des jeux traditionnels (SARR, 2001). Le manque de
structures spécialisées pour la prise en charge des besoins
sanitaires de ces enfants révèle également une certaine
forme d'exclusion et même d'oubli, alors que ceux atteints de Trisomie
21, qui sont plus d'une centaine, doivent être pris en charge pour toute
la vie (SARR, 2001). Le seul établissement public qui prend en charge
les enfants souffrant de déficit mental dans tout le pays est Keur
Xaleyi, qui n'a d'ailleurs qu'une capacité minime d'accueil de 20
enfants atteints de troubles psychologiques d'après le rapport de
synthèse de Fatou SARR.
Les défauts de structures et d'établissements de
soins ne vont pas sans conséquences négatives sur la santé
des enfants handicapés, d'autant plus que ces derniers « sont
particulièrement prédisposés au développement des
pathologies », telles que les pathologies bucco-dentaires
(NDIAYE, 2009). En effet, NDIAYE dans sa thèse :
Caractéristiques épidémiologiques et aspects de
la prise en charge des pathologies bucco- dentaires chez l'enfant
handicapé au Sénégal : étude
réalisée dans les centres médico-pédagogiques,
étudie les caractéristiques épidémiologiques
des maladies bucco-dentaires des enfants handicapés, mais aussi les
aspects de leur prise en charge. L'étude s'est portée sur 460
enfants handicapés. Après avoir présenté un
exposé sur les généralités du handicap dans son
premier chapitre, l'étude établit l'interaction qui existe entre
handicap et affections bucco-dentaires en ce sens que certains handicaps
nécessitent une prise régulière de médicaments qui
peuvent être néfastes sur la gencive (la phénitoïne
par exemple) ; les troubles comportementaux ou les difficultés de
mobilité inhérentes à certains types de handicap peuvent
aussi exposer l'enfant handicapé à des problèmes
d'hygiène bucco-dentaire (NDIAYE, 2009).
Malgré la situation difficile des enfants
handicapés, leur accès aux soins demeure préoccupant
d'après les hommes de l'art. Et pourtant cet accès est efficace
pour la baisse de la mortalité infantile. Valérie DELAUNAY, en
étudiant les évolutions de la mortalité des enfants au
Sénégal et plus précisément dans la zone de Niakhar
par autopsie verbale, avance comme hypothèse, en partie, des causes de
la baisse de cette mortalité, les efforts sanitaires consentis à
l'endroit des enfants (DELAUNAY, 1999). La problématique de
l'accès aux services de base pour les enfants est soulignée aussi
dans le rapport de Fatou SARR intitulé Analyse de la
situation des enfants au Sénégal. Dans ce rapport de
synthèse SARR met surtout l'accent sur les coûts
élevés des soins, le manque de personnels ainsi que le manque
d'infrastructures sanitaires aggravé par leur dégradation
(SARR, 2001).En réalité, 13% seulement sont
alloués à la santé de base sur l'ensemble du budget des
services sociaux de base (SSB) dans la période 1995-1998. Cette
réduction drastique de dépenses dans les services de santé
s'explique par les PAS (programme d'ajustement structurel) mis en oeuvre vers
les années 80 et, a comme conséquence majeure, un taux de
mortalité infanto-juvénile (moins de 5ans) toujours
élevé, soit 145 pour mille d'après les résultats de
l'ESIS pour l'année 1999-2000. Ce rapport souligne aussi le
problème d'accès aux soins des enfants en milieu urbain car
même si il y a une disponibilité de structures sanitaires dans les
villes, l'accessibilité financière reste le principal obstacle.
D'autant plus que la plupart des enfants handicapés sont dans des
situations familiales difficiles (famille pauvre, orphelin, ostracisme...)
(SARR, 2001). L'accès aux soins des enfants handicapés en zone
urbaine s'avère être, à tout niveau, une question
récurrente qui n'a pas encore fait l'objet de réponses jusque
là satisfaisantes, d'où les nombreux manquements dans ce domaine.
C'est pour cette raison que notre étude sur l'accès à la
santé des enfants porteurs de handicap, dans le souci de recherches
poussées, a été inscrite à l'échelle de
ville, « celle... où se déroule l'action »
(TONNELLIER & VIGNERON, 1999, cités in BOURY, 2000).
|