C) La situation en Afrique
En Afrique, même si plusieurs études ont
été réalisées dans le domaine de l'accès aux
soins, celles-ci n'ont pas, très souvent, ciblé de manière
spécifique le parcours de soin des enfants handicapés. Ces
travaux ont généralement traité l'accès aux soins
comme étant un problème pour toute la population ou, tout au
moins, pour la plus grande part de la population. En effet, dans le continent
africain, les populations ont, le plus souvent, des difficultés
d'accéder aux soins dont elles ont besoins. On estime plus de 70% le
pourcentage de personnes n'ayant pas accès aux soins dans le continent
(BAHATI BISHANGI, 2009). Ainsi, beaucoup d'études ont été
réalisées en vu de déceler les causes. Parmi ces
études on peut citer celles de MUGISHA, de COMMEYRAS (cité in
BEYA, 2007), de MARIKO (cité in BAHATI BISHANGI, 2009) effectuées
respectivement au Burkina Faso, au Cameroun et au Mali. Ces travaux,
consacrés à l'accessibilité des soins, étaient
ciblés surtout vers les itinéraires thérapeutiques des
personnes souffrantes dans le but de comprendre les éléments qui
justifient l'utilisation des soins.
Les deux premières études susmentionnées
ont, quant à elles, le mérite d'avoir pris en compte les
différents types de recours (cité in BEYA, 2007) mais elles se
sont bornées, dans leur recherche de facteurs, aux variables
démographiques des facteurs « prédisposants »
(BONNET, 2002) ainsi qu'aux facteurs « facilitants » du
modèle d'Andersen et Newman (ANDERSEN, 1973 ; cité in
CARPENTIER & DUCHARME, 2003). En effet, ce modèle prédictif
et explicatif de l'utilisation des services sanitaires répartit les
facteurs d'utilisation de ces derniers en trois catégories. Il s'agit
des facteurs prédisposants (âge, sexe, ethnie, niveau
d'éducation, perception des maladies...), facilittants (revenu, source
régulière des soins, densité, disponibilité des
ressources sanitaires...) et de besoins (problèmes de santé,
étendue de la maladie, conséquences attendues de la maladie...)
(BONNET, 2002 ; CARPENTIER & DUCHARME, 2003).
Les travaux de Mariko réalisés au Mali, quant
à eux, avaient abouti à un constat intéressant, celui que
les ruraux se sentaient ou, tout au moins, affirmaient moins souffrants que les
citadins. La moyenne d'épisodes morbides par an chez les ruraux est de
0,5 à 0,7 contre 1 par an chez les citadins (cité in BAHATI
BISHANGI, 2009). Ces résultats tirent en effet leur explication dans les
facteurs de besoins ou « facteurs déclenchants » du
modèle précité (BONNET, 2002 ; CARPENTIER &
DUCHARME, 2003). Dans cette catégorie de facteurs ce sont, entre autres,
le comportement de l'individu face à la maladie, le degré de
connaissance de la personne sur la maladie, les conséquences
prévues de la maladie qui justifient le recours aux soins. Or c'est le
niveau d'instruction, certainement plus élevé en milieu urbain,
qui permet de se procurer de ces outils
« déclenchants ». Donc, le niveau d'étude de
la personne influe significativement sur sa capacité d'accéder
aux soins de santé. Pourtant ce niveau d'instruction est faible voire
inexistant chez les enfants en situation de handicap. Des enquêtes
réalisées auprès de ménages de 13 pays en
développement ont fourni des données montrant que les enfants en
situation de handicap âgés de 6 à 17ans ont moins de chance
d'être scolarisés que leurs camarades valides (Unicef,
2013) ; dans le même sciage, l'OMS, sur la base des enquêtes
menées dans 51 pays, a fourni des taux estimés
d'achèvement du primaire qui sont respectivement de 51% et de 42% chez
les garçons et chez les filles handicapés alors que ces
mêmes taux sont de 61% chez les garçons et de 53% chez les filles
non handicapés (OMS, 2009 ; cité in UNICEF, 2013).
Cependant, ces seuls déterminants ne sauraient suffire pour expliquer le
recours aux soins, d'où les limites des travaux de Mariko.
En fonction du stade de vulnérabilité de
l'individu, les besoins de recours aux soins varient. Les personnes les plus
vulnérables sont davantage exposées à des
nécessités de consulter les services sanitaires. Ainsi les
enfants, classés parmi les plus vulnérables en raison de leur
manque de maturité physique et mentale, ont un taux de
fréquentation des établissements de santé plus
élevé que les autres catégories d'âge. Ceci est
d'autant plus vrai qu'une enquête réalisée au Canada de
1998-1999 concernant, entre autres, l'influence du « facteur
âge » sur l'utilisation des services médicaux a
révélé que la fréquence de consommation des
services médicaux est plus importante chez les enfants d'environs six
ans et plus et les adolescents (BAHATI BISHANGI, 2009).
Le statut socio-familial de l'enfant est incontournable
lorsqu'on veut établir de manière exhaustive les
déterminants influant sur l'accès aux soins. En tout cas c'est ce
que montre l'article de Myriam ROGER-PETITJEAN (ROGER-PETITJEAN, 1999) qui
analyse l'accès aux soins des enfants au Burkina Faso sous l'angle du
statut familial de ces derniers. Il est ressorti de cette étude, la
possibilité de pratiques discriminantes à l'égard de
l'enfant confié qui est souvent victime de malnutrition (MORLEY,
1977 ; cité in ROGER-PETITJEAN, 1999) et « moins bien
soigné que les autres » (ROGER-PETITJEAN, 1999). L'auteur de
cette étude jauge la qualité de l'accès aux soins de ces
enfants confiés à travers quatre conditions :
-que l'enfant soit accompagné par son
tuteur au centre de santé ;
-que le tuteur puisse présenter le
bulletin de santé de l'enfant ;
-que le bulletin de santé soit dument
rempli ;
-que l'enfant ne souffre pas de
malnutrition.
Cependant, l'enfant peut être confié à
des structures spécialisées en la prise en charge des enfants.
Dans ce cas l'enfant confié est plus susceptible de
bénéficier de soins de qualité que celui
élevé par sa famille biologique, surtout si celle-ci est
pauvre ; ce qui est d'ailleurs souvent le cas pour les enfants
handicapés. Ils vivent souvent dans des familles pauvres ; par
exemple « Au Malawi et en Ouganda, les ménages dont au moins
un des membres présente un handicap sont plus susceptibles de vivre dans
la pauvreté que des ménages similaires n'incluant pas de personne
handicapée » (UNICEF, 2013). Donc le
« confiage » peut, dans une certaine mesure, être au
profit de l'enfant quant à la gestion de sa santé. Cependant,
comme le montre les points de vu d'Eric ROTHERN et LAURIE AHERN dans le
Rapport sur la situation des enfants dans le monde 2013, les liens
familiaux sont fondamentaux pour la protection et l'intégration des
enfants dans la société. En effet ces liens familiaux permettent
aux enfants en situation de handicap de ne pas considérer leur
infirmité comme une identité qui les différencie des
autres, car cette considération peut les atteindre psychologiquement.
C'est pourquoi du point de vu de WRIGHT (WRIGHT, 1960 ; cité in DE
TRAUBENBERG, 1966), l'approche psychologique est
« impérative » en ce sens que « les
répercussions psychologiques du handicap sont plus traumatisantes que le
handicap physique lui-même. » (DE TRAUBENBERG, 1966).
Au Burkina Faso, si ROGER-PETITJEAN aborde l'accès aux
soins des enfants à travers leur statut familial, Christine OUEDRAOGO
elle, le fait sous un autre angle, celui de l'environnement socioculturel de
leurs mères dans la mesure où ces dernières tirent tous
leur savoir, quant aux soins de santé de leurs enfants, à partir
des « vieilles femmes » (OUEDRAOGO, 1999). Mais, que ce
soit au Burkina Faso ou ailleurs en Afrique, le niveau d'éducation des
femmes, qui a connu à l'heure actuelle de réels progrès,
fait que ces dernières se démarquent de plus en plus des vieilles
pratiques jusque là transmises, le plus souvent, de belle-mère en
bru (OUEDRAOGO, 1999).
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