Accès aux soins des enfants handicapés dans la ville de Mbour ( Sénégal)( Télécharger le fichier original )par Souleymane KOUNTA Université Cheikh Anta Diop de Dakar ( UCAD) - Master 1 2012 |
I. ETAT DE L'ART1. EXPOSE SUR LA SITUATION DES ENFANTS HANDICAPESLa nécessité de l'accès aux soins de santé justifie, sans doute, son érection en droit pour tous sans distinction aucune. Les personnes valides comme les personnes en situation de handicap ont toutes « droit à un niveau de vie suffisant pour assurer...» leurs « soins médicaux » (Nations unies, 1948), d'autant plus que les dernières citées sont particulièrement vulnérables au déficit de services sanitaires (OMS & BM, 2011). Pourtant une bonne part de l'humanité se voit léser de ce droit fondamental. En effet, environ 1,3 milliard d'individus n'ont pas accès aux soins de santé de base (Oxfam, 2008). Face à ce nombre pléthorique lésé dans leur droit « de complet bien-être » l'accès aux soins est devenu une préoccupation nationale mais aussi internationale. A) La situation dans le mondeEn Novembre 2012, un aide-mémoire portant sur le thème Handicap et santé a été publié par l'OMS. Cet aide-mémoire, en exposant un éventail d'études réalisées dans plusieurs pays, fait part des difficultés d'accès aux soins des personnes en situation de handicap ; lesquelles difficultés sont à l'origine de la non satisfaction de leurs besoins de soins sanitaires (OMS, 2012, cité in MEUTER, 2013). Les résultats d'une enquête récente au sujet des personnes en situation de handicap mental confirment ce déficit de soins. En effet ils révèlent qu'entre 35% et 50% des personnes handicapées mentales dans les pays développés et entre 76% et 80% d'entre elles dans les pays à revenu faible et intermédiaire, n'ont reçu aucun traitement au cours de l'année précédent l'enquête (MEUTER, 2013). Les handicapés sont aussi, moins pris en compte en matière de prévention. Par exemple on note moins de dépistage du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus chez les femmes en situation de handicap que chez les femmes valides (MEUTER, 2013). Conjointement, deux organismes internationaux à savoir l'OMS et la BM ont publié en 2011 et pour la première fois d'ailleurs, le Rapport mondial sur le handicap (OMS & BM, 2011). Ce rapport, qui s'est appuyé sur la CIF, a produit une analyse profonde de la situation des handicaps dans le monde. Il estime à environ 15% le pourcentage de personnes atteintes de handicap par rapport à l'ensemble de la population mondiale. Ce qui montre une évolution nette de la prévalence comparativement aux estimations de l'OMS des années 1970 qui étaient de 10% de la population. Parmi cette population handicapée 5,1% sont des enfants soit 95 millions en chiffre absolu dont 13 millions (0,7%) qui souffrent de handicap sévère selon la charge mondiale de morbidité (OMS & BM, 2011). Au-delà de ces statistiques qui rendent apparemment homogène le handicap, il y a une réelle diversité des types de handicap entrainant ainsi, des désavantages suivant la sévérité du handicap. Ceux qui connaissent plus de discriminations parmi les porteurs de handicap sont surtout ceux souffrant de problèmes de santé mentale ou des déficiences intellectuelles (OMS & BM, 2011). Ces discriminations sont également justifiées, à tort d'ailleurs, par la situation sociale défavorable dans laquelle se trouvent souvent les personnes porteuses de handicap, car il s'avère qu'il existe une corrélation entre le handicap, la pauvreté et la vulnérabilité. Il est constaté de fait que le handicap est beaucoup plus fréquent chez les populations vulnérables ainsi que chez les individus les plus pauvres (OMS & BM, 2011) ; les données obtenues à partir des enquêtes en grappes à indicateurs multiples opérées dans certains pays révèlent que les enfants des familles pauvres de même que ceux issus de minorités ethniques sont plus vulnérables quant au risque de handicap (UNICEF, 2008 ; cité in OMS & BM, 2011). On comprend dès-lors que le problème de l'accès aux soins des handicapés n'est pas seulement lié à leur état physique ou mental mais aussi à la situation dans laquelle cette déficience peut les conduire. Cette situation problématique est mise en accent dans ce rapport de l'OMS et BM ; elle est la résultante de nombres obstacles : · carences des politiques et normes à l'égard des handicapés ; · attitudes négatives envers les personnes handicapées, souvent justifiées par des croyances et préjugés erronés constituant ainsi une entrave à l'inclusion des enfants handicapés ; · défaut de services socio-médicaux (dans quatre pays d'Afrique australe : Zimbabwe, Namibie, Malawi et Zambie, des enquêtes ont montré que 26% à 55% seulement des handicapés bénéficiaient de la réadaptation, 17 à 37% d'entre eux avaient des aides techniques nécessaires ; · mauvaises prestations des services dues surtout au manque de formation des personnels sanitaires ; · difficultés financières : selon l'enquête sur la santé dans le monde 2002-2004, dans 51 pays il est plus difficile pour les handicapés d'être exonérés des frais de santé que pour les autres ; · absence de données sur le handicap, pourtant indispensables à l'élaboration de politiques sanitaires adéquates à leur endroit. Les conséquences de ces obstacles sur les handicapés sont graves. Pour preuve, ces derniers ont moins bons résultats de santé. D'après ce rapport, les personnes en situation de handicap jouissent moins d'une bonne santé comparées à l'ensemble de la population ; ce qui les expose à des situations de dépenses sanitaires exorbitantes. Dans les pays en développement « les personnes handicapées ont un risque supérieur de 50%, par rapport à la population sans handicap, de devoir faire face à des dépenses de santé catastrophiques » (OMS, BM, 2011) L'OMS ne s'est pas arrêtée à lister les obstacles que rencontrent les handicapés lorsqu'ils essaient d'accéder aux soins de santé. Elle a dressé aussi une série d'actions pour pouvoir améliorer l'accès aux services de santé des personnes infirmes. Il s'agit, en partie : ü de la sensibilisation des Etats membres aux problèmes du handicap afin que ces problèmes soient pris en considération dans les politiques et programmes nationaux de santé ; ü du renforcement des pouvoirs décisionnels de ceux qui mettent en oeuvre les politiques de santé ; ü de l'appui à la recherche ainsi que la collecte de données et d'informations relatives au handicap ; ü du renforcement des soins sanitaires à travers des outils normatifs ; ü du développement de politiques inclusives à base communautaire ; ü de la sensibilisation du handicapé de ses propres affections, du personnel médical de son devoir vis-à-vis des patients. Les actions susmentionnées nécessitent un support de données et d'informations à la fois qualitatives et quantitatives sur le handicap. Ceci justifie certainement le travail en amont de l'Unicef qui avait publié dans son Rapport sur la situation des enfants dans le monde 2009 un tableau indiquant le pourcentage d'enfants chez lesquels on signal au moins un handicap (UNICEF, 2009). La population infantile ciblée est celle âgée de 2 à 9 ans. Les enfants d'âge compris dans cet intervalle ont subi des tests relatifs aux différents types de handicap (moteur, auditif, cognitif...) ; ceux qui ont obtenu au moins un résultat positif à ces tests sont pris en compte par les données relatives aux handicaps chez l'enfant. La méthode utilisée est une série de questions posées à l'un des parents ou le tuteur de l'enfant. Mais pour la plupart des pays, surtout ceux en développement, les données ne sont pas disponibles ou, tout au moins, peu ou pas fiables (UNICEF, 2009). Malgré ces travaux de l'Unicef, qui ont fourni d'ailleurs des statistiques, deux ans après, l'OMS et la BM publient un rapport qui souligne la situation toujours difficile des handicapés qui semble se justifier par leur « invisibilité »1(*). La disponibilité de données fiables en ce qui concerne le handicap est donc une chose indispensable pour la conception et l'élaboration de politiques et programmes de soins à l'endroit des porteurs de handicap. Et cela incombe d'ailleurs à chaque Etat. Le professeur Stephen W. HAWKING déclare « Les gouvernements du monde entier ne peuvent plus oublier les centaines de millions de personnes handicapées à qui on dénie l'accès à la santé » (OMS & BM, 2011), d'autant plus que cet accès est un droit pour elles (Nations unies, 1948). D'ailleurs l'alinéa 2 de l'article 23 de la CIDE, dédié à la situation des enfants porteurs de handicap, garantit leurs droits de bénéficier de soins spéciaux (Nations unies, 1989). Pourtant l'évidence de cet accès aux soins des enfants porteurs de handicap n'empêche pas qu'en pratique, nombre d'entre eux sont entièrement privés de suivi médical (HUMANIUM, 2011). Le Rapport sur la situation des enfants dans le monde 2013, récemment publié, impute surtout cette privation de suivi médical à l'exclusion dont sont souvent victimes les enfants porteurs de handicap. Cependant cette exclusion à des causes, des facteurs explicatifs comme elle a aussi des conséquences négatives sur le devenir des enfants handicapés. Cette étude tente de montrer que l'exclusion de ces enfants traduit leur « invisibilité », autrement dit, leur non prise en compte par les données étatiques. Pour faire une analyse profonde de la situation, ce rapport utilise l'approche classique à savoir l'identification des contraintes et la proposition de solutions prometteuses. Ainsi, il est divisé en six chapitres ; on y trouve également des témoignages de jeunes handicapés. Cette édition souligne d'abord la difficile condition de vie des enfants handicapés en ce sens que ces derniers ont à franchir plus d'obstacles, comparativement à leurs pairs valides, du fait de leurs incapacités ainsi que les comportements négatifs que la société adopte généralement à leur égard. Par exemple, à Madagascar, une étude a montré que pas moins de 48% des présidents des associations de parents représentaient le handicap comme une maladie contagieuse (UNICEF, 2013). Dans nombre de pays, surtout en développement, les solutions adoptées face à la situation des enfants porteurs de handicap sont soit le placement dans des structures spécialisées (dans le meilleur des cas), soit la négligence ou tout bonnement l'abandon. Ainsi exclus, ces enfants handicapés voient se réduire leurs possibilités d'avoir accès aux soins de santé de qualité. Leur seul tort est d'être des enfants invalides. Si le handicap est une source de désavantage, être fille handicapée l'est encore plus d'après ce rapport ; on considère même que les filles et les femmes handicapées portent ainsi un « double handicap » (UNICEF, 2013), car dans certaines sociétés, le seul fait d'être de sexe féminin est une source de limitation d'accès à certains services. Ce qui est perçu comme une entrave à leur accès à la santé, d'ailleurs « les filles ont moins de chances que les garçons d'être soignées » selon le constat de ce rapport. Ce fait vient appuyer sans aucun doute le modèle d'Andersen qui considère le sexe comme faisant partie des facteurs influant sur l'accès aux soins (ANDERSEN et NEWMAN, 1973 cité in BONNET, 2002). Il s'avère aussi qu'élever des enfants handicapés, selon le rapport, peut être préjudiciable dans certains pays ; des familles qui élèvent des enfants handicapés dans certaines régions du monde, se heurtent souvent à l'ostracisme (UNICEF, 2013). Elles cachent ou refusent d'enregistrer ainsi leurs enfants porteurs de handicap dans les registres d'état civil de peur d'être stigmatisées. Cette posture d' « invisibilité » de ces enfants handicapés en raison de leur non prise en compte dans les registres pose des problèmes de données quant à leur nombre et leur état de santé et, a pour principale conséquence l'exclusion (OMS & BM, 2013). Pour apporter des réponses efficientes à la situation d'exclusion des enfants handicapés, le Rapport sur la situation des enfants dans le monde 2013 propose mieux que leur intégration qui ne consisterait d'ailleurs qu' « à faire accéder les enfants handicapés à un cadre déjà existant de normes et principes dominants » ; c'est leur « inclusion » qu'il propose. Car l'inclusion exige des aménagements nécessaires et adéquats au type de handicap de l'enfant. Ce qui concours à facilité aux enfants handicapés, l'accès aux services mais au aussi à leur donner les mêmes chances que les enfants non handicapés d'avoir un avenir radieux (UNICEF, 2013). Les recherches sur la question des enfants handicapés, particulièrement sur leurs problèmes de santé dans toute leur globalité ne se sont pas uniquement opérées à l'échelle internationale ; d'ailleurs la plupart des travaux publiés dans ce domaine par les organismes internationaux se sont basés sur des enquêtes nationales. * 1 Invisibilité : terme utilisé dans le rapport de l'OMS et BM 2011 faisant allusion à la non prise en compte des handicapés dans les données de l'état civil; |
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