I. PROBLEMATIQUE
1. CONTEXTE
Les personnes en situation de handicap sont estimées
à plus d'un milliard d'individus (OMS & BM, 2011), soit environ une
personne sur six dans le monde qui souffre de handicap et parmi elles, environ
93 millions sont des enfants, autrement dit « un enfant
âgé de 14 ans ou moins sur 20 vivent avec un type de handicap
modéré ou grave » (UNICEF, 2013). Ces statistiques,
d'après le rapport sur la situation des enfants dans le monde
2013, sont essentiellement spéculatives et, de surcroît,
anciennes (datent de 2004). Ainsi, ces données, en raison de leur
ancienneté et, surtout, de leur nature spéculative, ne permettent
pas de prendre en charge, de manière exhaustive, les besoins des
personnes handicapées notamment ceux relatifs à leur
santé. D'ailleurs les handicapés présentent des
résultats sanitaires moins bons que ceux de leurs pairs valides et ce,
partout dans le monde entier (OMS, 2011), mais plus particulièrement
dans les pays en développement. En effet, 80% des individus souffrant de
handicap vivent dans ces pays en développement et, le plus souvent,
n'ont pas accès aux soins de santé qui les siéent
(HUMANIUM, 2011). Ils ont rarement fait l'objet de recherches permettant de
disposer des bases factuelles pour des programmes sanitaires pouvant
améliorer leur état de santé ; d'ailleurs le premier
Rapport mondial sur le handicap jamais publié, ne date que de
2011 alors que la situation des handicapés n'a pas attendu cette date
pour se révéler préoccupante. La publication d'un
aide-mémoire par l'OMS en novembre 2012 fait état de la situation
sanitaire des personnes ayant des troubles mentaux dans les pays en voie de
développement en déclarant qu'entre 76% et 85% d'entre elles
n'ont bénéficié d'aucun traitement durant l'année
qui a précédé l'enquête (MEUTER, 2013). En
réalité, en pratique, peu de gouvernements s'efforcent de mettre
en oeuvre des programmes sanitaires spécifiques dans le but de faciliter
aux personnes handicapées, particulièrement aux enfants
handicapés qui sont plus vulnérables, l'accès aux soins.
C'est pourquoi nombre d'entre eux sont complètement privés
de suivi médical (HUMANIUM, 2011). Face à cette situation
extrêmement lamentable, le Professeur Stephen W Hawking
déclare : « Les gouvernements du monde entier ne peuvent
plus oublier les centaines de millions de personnes handicapées à
qui on dénie l'accès à la à
santé » (OMS & BM, 2011).
La situation est beaucoup plus accentuée dans le
continent africain ; quatre pays d'Afrique australe ont fourni, à
cet effet, des données sans doute spéculatives, mais qui
témoignent, tout de même, de l'acuité de cette situation.
En effet, ces données révèlent que dans
ces quatre pays, seulement 26% à 55% des handicapés avaient
accès à une réadaptation médicale répondant
à leurs besoins et 17% à 35% bénéficiaient d'aides
techniques nécessaires (OMS & BM, 2011), alors que ces derniers,
mais surtout ceux infantiles « sont particulièrement
vulnérables aux carences de services tels que les soins de santé,
la réadaptation » (OMS & BM, 2011). Malgré des
efforts à la fois mondiaux et nationaux déployés,
l'équation d'accès aux soins effective des enfants
handicapés demeure toujours irrésolue et ce, surtout du fait que
« Seuls quelques pays possèdent des informations fiables sur
le nombre d'enfants handicapés au sein de leur population »
(UNICEF, 2013).
Le Sénégal, en réalité, semble ne
pas faire partie de ces quelques pays disposant d'informations fiables sur
leurs populations infantiles souffrant de handicaps. Même si l'ANSD, lors
de son troisième Recensement Général de la Population
et de l'Habitat(RGPH-3) avance un chiffre de 138897 personnes
handicapées dans le pays (1,4%) dont 26601 enfants handicapés
(0-14ans), ce dernier chiffre n'est pas pris en compte par le Rapport
sur la situation des enfants dans le monde 2009, qui
considère que les données sur les enfants handicapés, pour
le Sénégal, ne sont pas disponibles dans la période de
1999-2007, (UNICEF, 2009). En réalité, il ne semble pas s'agir
d'une absence tout court de données, mais plutôt d'une question de
plausibilité de celles-ci, car durant cette période, l'ANSD avait
fourni des statistiques sur les enfants handicapés. Le
Sénégal n'est d'ailleurs qu'un exemple parmi tant de pays sous
développés quant au déficit de données sur cette
catégorie. Ce qui constitue par ailleurs, un facteur coercitif à
la maitrise des besoins en matière de structures de santé
ciblées. Le centre Keur Xaleyi est la seule structure mise en place par
l'Etat pour la prise en charge des enfants souffrant de déficiences
mentales (NDIAYE, 2009). Abdou NDIAYE, dans sa thèse souligne cette
déficience de structure et montre qu'elle est même, dans une
certaine mesure, à l'origine des difficultés d'accès
aux soins orthopédiques de rééducation, aux appareillages
pour les personnes handicapés (NDIAYE, 2009), lesquelles
difficultés ne peuvent être corrigées d'ailleurs qu'avec un
ensemble de données et d'informations fiables et exhaustives portant sur
la situation sociale, spatiale, économique et surtout sanitaire des
ayants droit c'est-à-dire des handicapés.
Cette situation problématique des handicapés qui
prévaux sur le plan national n'est, en réalité, que la
résultante des problèmes du handicap « à
échelles fines » ou locales, « où se
déroule l'action » (TONNELLIER & VIGNERON, 1999 ;
cité in BOURY, 2000).
La ville de Mbour fournit, à ce sujet, un parfait
terrain d'étude. En effet, il n'existe, dans l'aire géographique
de la ville, aucune structure sanitaire publique orientée vers la prise
en charge spécifique des enfants en situation de handicap ni d'ailleurs
aucun programme ciblé à leur endroit dans tous les 25
établissements de santé du district sanitaire de la
collectivité. Ces structures sanitaires ne possèdent même
pas de données informationnelles sur la population porteuse de handicap
de la ville. La mairie, qui était sensée disposer des
données sanitaires sur les habitants de la ville, étant
donné que la santé est un domaine de compétence
transféré avec la loi 96-07 du 22 Mars 1996, n'abrite même
pas une direction chargée des questions de santé de la
collectivité ; ce qui laisse croire qu'elle n'a aucune politique
locale à l'endroit des handicapés. La situation est idem au
niveau du Centre de Promotion et de Réinsertion Sociale de Mbour (CPRS)
qui devait fournir de l'aide, surtout sur le plan sanitaire, aux personnes de
santé et de situation sociale précaires comme les enfants
handicapés. Même les données établies par l'ANSD ne
sont pas disponibles dans ces structures mentionnées.
C'est donc en prenant en considération de ce contexte
global de déficit de données exhaustives et fiables qu'il faut
appréhender les problèmes d'accès aux soins des enfants
handicapés dans la ville de Mbour.
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