SECTION II : THEORIE DE LA LIBERALISATION FINANCIERE
DANS LA RELATION DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE
ECONOMIQUE.
La libéralisation financière détient une
place de choix dans la relation entre développement financier et
croissance économique et parait même être indissociable de
toute politique de développement financier surtout dans les pays
africains de la zone franc où elle est apparue comme la solution au
développement du secteur financier dans les années 1980
après les graves crises bancaires qu'a connues le système
financier contrôlé à l'époque par les
autorités publiques. En effet, le système financier d'alors
connaissait au début des années 1980 un interventionnisme
poussé des autorités publiques qui recherchait sans doute une
meilleure contribution du système financier à la croissance
économique. Quelle peut être l'importance et la portée de
la libéralisation financière dans la relation entre
développement financier et croissance économique ?
Paragraphe I : Les fondements de l'interventionnisme de
l'Etat dans la sphère financière et la notion de
répression financière.
La recherche d'une forte croissance économique durable
est largement admise comme la clé pour une sortie de pauvreté
dans les pays africains. Alors qu'il est largement admis que le
développement financier active la croissance, les autorités
publiques des pays africains de la zone franc ont fait figure pendant plusieurs
années de premiers acteurs dans le développement du
système financier de leurs pays. Toutefois la performance de ces Etats
africains et en particulier des Etats actuels de la zone franc sur le
développement financier était désastreuse. Ces Etats se
sont contentés de mener des politiques qui au lieu de favoriser le
développement du système financier de leurs pays l'ont
plutôt réprimées comme par exemple contrôler
l'allocation du crédit, maintenir les taux d'intérêt
à des niveaux faibles pour faire profiter aux entreprises publiques le
bas coût des crédits et un encadrement poussé du
système financier. En effet l'encadrement poussé du
système financier par les autorités publiques prend le nom de
répression financière. La notion « d'économies
financièrement réprimées » a été
introduites par Mac Kinnon et Schaw (1973) pour caractériser des pays en
l'occurrence des pays en développement dans lesquels les
autorités publiques contrôlent le
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système bancaire et disposent d'un rôle important
dans l'allocation du crédit en maintenant d'une part les taux
d'intérêt à des niveaux très faibles voire
négatifs et d'autre part en maintenant les réserves obligatoires
à un niveau élevé. Les gouvernements maintiennent le
contrôle sur les taux d'intérêt en les abaissant dans le but
de minimiser les coûts des crédits aux entreprises publiques et
à certains secteurs dits prioritaires, en croyant que les taux
d'intérêt faibles peuvent stimuler l'investissement. Au même
moment, les autres secteurs de l'économie considérés comme
non prioritaires font l'objet d'un rationnement de crédit. En Afrique
sub-saharienne et principalement dans les pays de la zone franc, la
répression financière date de plusieurs décennies. Durant
l'époque coloniale, beaucoup de banques commerciales en Afrique
étaient la propriété ou appartenaient à de grandes
banques des puissances coloniales. Par conséquent, le système
financier africain qui émergea reflétait dans une certaine mesure
les institutions mises en place au cours de la colonisation. Cependant,
après les indépendances, des changements notables interviennent.
Conscients du rôle primordial des banques dans le développement
économique, les Etats africains ont procédé à la
nationalisation des institutions financières existantes et à la
création de nouvelles banques détenues en majorité par les
pouvoirs publics. Le secteur bancaire est devenu un outil de la promotion du
développement, et va connaître à ce titre un
interventionnisme public marqué. La répression financière
prend place dans les économies africaines. D'après Collier
(1994), les Etats imposaient l'octroi de prêts aux sociétés
d'Etat et aux offices de commercialisation de produits d'exportation alors que
ces offices étaient caractérisés par une situation
déficitaire. L'environnement économique d'alors n'étant
pas favorable à cause du niveau élevé de l'inflation. Les
taux d'intérêt réels deviennent très faibles voire
négatifs en Afrique. Pour garder leur marge de profit, les banques font
peser la charge aux épargnants et aux emprunteurs des secteurs non
prioritaires en jouant sur l'écart entre les taux créditeurs et
débiteurs. Il s'en suit alors un sous-développement des
systèmes financiers africains car le secteur bancaire n'arrive plus
à remplir deux de ses rôles fondamentaux : assurer l'allocation
optimale des ressources et la surveillance des dirigeants d'entreprises. En
effet selon Jao (1976) la cause majeure de l'état embryonnaire du
secteur financier dans les pays au Sud du Sahara est l'application de
politiques inappropriées qui imposent un plafond aux taux
d'intérêt nominaux. Ces politiques pénalisent
l'épargne et surtout suppriment les signaux du marché concernant
la rareté du capital et encourage le développement irrationnel
des firmes qui utilisent intensivement le capital, ce qui exacerbe l'emploi
dans l'économie.
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A travers l'utilisation de ces instruments de
répression, les autorités perturbent l'allocation des ressources.
King et Levine (1993c) diront : « la répression financière
réduit les services fournis aux épargnants, aux producteurs, aux
entrepreneurs : elle étouffe de ce fait l'action novatrice et ralentit
la croissance économique ». Une économie
financièrement réprimée se caractériserait par le
fait que les canaux d'épargne sont souvent sous-développés
et le rendement de l'épargne est négatif et instable. Les
intermédiaires financiers qui mobilisent l'épargne n'assurent
plus une allocation optimale des ressources ; les entreprises sont
découragées à investir parce que les mauvaises politiques
financières réduisent les rendements ou les rendent plus
instables. Selon Mc Kinnon (1973), dans une économie
financièrement réprimée la tendance est forte de financer
des investissements qui rapportent un rendement à peine supérieur
au plafond du taux de crédit. Le taux de plafond décourage la
prise de risque de la part des intermédiaires financiers et
élimine des investissements à fort rendement potentiel. Schaw
(1973) montre que les plafonds de taux aggravent l'aversion pour le risque et
la préférence pour la liquidité de la part des
intermédiaires financiers. Les banques privilégient les
emprunteurs non risqués, à réputation bien établie
et ne sont pas incitées à exploiter des occasions de prêts
plus risqués. Par ailleurs dans un système financier
réprimé, l'octroi de prêt de même que l'application
des taux d'intérêt se font de manière hasardeuse ou encore
arbitraire en variant d'une catégorie d'emprunteurs à une autre.
Les banques, face aux plafonds des taux, rationnent le crédit sur une
base autre que le prix du crédit. Le crédit est dès alors
alloué sur une base de motifs tels : le « nom » de
l'emprunteur, la « classe politique » de l'emprunteur ou encore ses
relations avec la banque en question et non à partir de la
productivité anticipée du projet d'investissement. Roubini et
Sala-i-Martin (1992) et De Grégorio (1993) ont utilisé
l'inflation comme la manifestation de la répression financière
car elle représente une taxe sur la détention de monnaie. De
Grégorio pour sa part estime que l'inflation est liée au
problème de financement du déficit budgétaire et qu'elle
réduit l'incitation à investir. Roubini et Sala-i-Martin (1992)
pensent que les autorités gouvernementales ont recours à la
répression financière car elles voient dans la répression
un moyen sûr pour avoir accès à des ressources bon
marché. Dans ses travaux empiriques Fischer (1993) trouve une relation
négative entre la croissance et le déficit budgétaire
lorsque l'inflation est considérée comme un indicateur de la
répression financière.
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