Paragraphe 2. L'approche idéologique et sociale
Elle définit et explique le développement
financier par des facteurs idéologiques, sociaux, historiques. Nous
avons entre autres :
? La théorie des dotations
L'origine de cette théorie vient Acemoglu et de
Robinson (2001) dans laquelle les différences de taux de
mortalité des colons sont utilisées pour expliquer l'impact des
institutions sur les performances économiques. Pour Levine et Beck
(2003), la formation des institutions qui vont promouvoir le
développement financier dépend de l'hostilité de
l'environnement auquel ont fait face les européens durant la
période de colonisation. Donc, les pays dont le taux de mortalité
des colons était élevé ont tendance à moins
protéger les droits de propriété et à avoir un
faible niveau de développement des banques et des marchés
financiers. Les dotations initiales et le taux de mortalité des colons
expliqueraient mieux les différences des niveaux de développement
financier entre pays que l'origine légale.
? La thèse politique
Cette thèse comporte deux approches : d'une part nous
avons l'approche économique proposée par Pagano et Volpin (2001)
qui a pour objectif d'analyser l'interventionnisme politique dans le secteur
financier. Ainsi les représentants politiques peuvent mettre en
application les réformes juridiques souhaitées et
suggérées par les groupes d'intérêt. De même
le facteur politique influe sur le développement bancaire et financier.
Les réformes politiques visant à augmenter la protection
juridique des créanciers peuvent induire des efforts de sélection
des emprunteurs. Une réforme qui a pour but d'augmenter
l'efficacité du système juridique incite les banques à
réduire la fréquence de vérification des résultats
des entreprises emprunteuses. D'autre part, s'installe l'approche
idéologique proposée par Roe (1999) qui montre que les choix
politiques, déterminants de la protection des investisseurs et la
qualité d'application des lois sur la protection des investisseurs sont
induits par des facteurs idéologiques.
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
? Finance et développement
Cette thèse est caractéristique des pays en
développement et repose essentiellement sur deux types de secteurs
financiers : un secteur formel et un secteur informel. En effet les
déterminants du développement des systèmes financiers
prennent tout leur sens dans les pays en développement, où
précisément, ils sont souvent à l'état
embryonnaire. Le manque d'institutions fortes et de cadre légal et
propice au développement du secteur financier dans les pays en
développement fait qu'en général le financement s'organise
localement autour de pratiques et coutumes que le monde occidental
désigne sous le terme de secteur informel. Elles coexistent avec un
système formel encore en peine dans de nombreux pays pauvres et dont le
développement ne peut pas simplement consister à vouloir plaquer
des pratiques occidentales dans un contexte aussi différent. L'une des
caractéristiques des systèmes financiers des pays pauvres est
leur grande fragmentation. Dans ce contexte, les intermédiaires
financiers informels et les institutions formelles jouent souvent des
rôles complémentaires en fournissant des services financiers
différents à des groupes socioéconomiques
différents selon Nissanke et Aryeetey (2006). Les intermédiaires
informels disposent d'un avantage comparatif dans l'acquisition d'information
concernant les petits emprunteurs dont la vulnérabilité aux chocs
de revenu est difficile à observer. Par contre le secteur formel quant
à lui s'appuie sur un système légal et institutionnel qui
fait défaut aux petits emprunteurs. Das - Gupta et al (2006) dans une
étude en Inde ont trouvé que le secteur informel fournit
davantage de ressources que le secteur formel pour le fonctionnement de petites
entreprises dans le secteur manufacturier indien. Quoi qu'il en soit, une
mesure du développement financier fondé sur le seul secteur
formel ne capturerait qu'une faible partie du système financier et des
fonctions qu'il joue. De plus le terme « informel » lui-même
peut être trompeur, si on appelle ainsi tout ce qui ne correspond pas aux
« formes ou normes » occidentales d'après Guha-Khasnobis,
Kanbur et Ostrom (2005) qui pensent qu'il y a bien un secteur formel selon nos
normes. Ainsi le monde de la microfinance longtemps considéré
comme un secteur financier informel a connu ces dernières années
une avancée louable en facilitant l'accès des ménages et
ceux à revenu faible au crédit et leur proposer une assurance
contre le risque.
La relation entre finance et croissance apparaît comme
l'un des mécanismes puissants du développement économique.
La finance reste clairement l'un des points faibles et l'une des principales
contraintes dans les économies pauvres, notamment en Afrique
sub-saharienne où
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
les entreprises considèrent que l'accès aux
ressources financières et le coût de ces ressources sont des
handicaps majeurs pour leur fonctionnement et leur croissance. Selon le rapport
de la Banque mondiale (2006) les marchés financiers sont très peu
fournis, l'intermédiation faiblement développée. Les
ressources mobilisées par le secteur bancaire ne représentent que
31 % du PIB en moyenne en Afrique contre 54 % en Asie de l'Est et 100 % dans
les pays à revenu élevé. Le crédit au secteur
privé ne compte en Afrique que pour 18 % du PIB (11 % dans les pays
d'Afrique à faible revenu), contre 27 % en Asie du Sud et 109 % dans les
pays à revenu élevé2.
La Banque mondiale (2006) a souligné deux situations
à éviter pour les pays en développement. Le premier
consiste à chercher à plaquer les bonnes pratiques techniques,
réglementaires, légales et institutionnelles des pays
avancés sans prendre en compte les spécificités locales,
les carences réglementaires ni l'inadéquation de techniques des
pays industrialisés au contexte local. On peut penser à la
très pressante recommandation d'ouverture et de libéralisation
des systèmes financiers dans les pays pauvres dans les
années1990. Les crises financières très coûteuses
dont ont été victimes plusieurs pays en développement
témoignent des risques d'une politique d'ouverture mal
maîtrisée mais à l'inverse seule l'ouverture et la
concurrence des institutions financières étrangères
peuvent renforcer les institutions locales et la qualité des services
financiers fournis. La seconde consiste à l'inverse, à soutenir
les institutions et pratiques locales sans prendre suffisamment en compte les
enjeux de gouvernance. Il faut naviguer entre ces deux situations dans une
approche fondée sur une bonne connaissance des contextes sociaux selon
la Banque mondiale (2006).
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2 Rapport de la Banque mondiale sur les finances en
Afrique (2006)
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
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