De la nécessité de la renaissance de la RDC face à l'impératif de la recomposition stratégique africaine et globale post-blocs( Télécharger le fichier original )par Rossy MUKENDI TSHIMANGA Université pédagogique nationale (RDC) - Licence en relations internationales 2008 |
1.2. Les facteurs administratif et judiciaire1.2.1. Aspect administratifL'administration constitue l'armature de base de tout Etat moderne. Elle est l'auxiliaire du pouvoir politique. Elle assure la cohérence de la démarche du gouvernement, rationalise son action, renforce et purifie son organisation et couronne ses devoirs du sens de responsabilité dans la réalisation du bien être général. L'administration joue le rôle d'intermédiaire dans les rapports entre le pouvoir politique et la population. C'est elle qui inspire les décisions des organes politiques et se charge en même temps de les exécuter, non pas de manière aveugle, mais en appréciant les conditions d'exécution des dites décisions et peut dans certains cas infléchir celles-ci dans le souci de servir la population49(*). Dans les pays en voie de développement, le rôle de l'administration est davantage renforcé comme le souligne Crawford Young : « l'administration n'est pas seulement l'organisme qui a la responsabilité des services publics essentiels, elle est encore, devant le risque de désintégration qui menace ces pays, le principal élément de cohésion. Si les partis politiques se révèlent incapables de réaliser l'intégration nationale, c'est l'administration qui doit prendre sur elle ce fardeau »50(*). Il conclut que toute faiblesse du secteur politique met en évidence l'importance du secteur administratif. En RD Congo, l'administration se trouve dans un état lamentable, elle est complètement inopérante ou presque. A l'exception peut être des villes, Kinshasa compris, où l'administration fonctionne de façon relative et dont les effets de son action sont plus ou moins visibles ; dans les zones rurales par contre, les services publics sont en faillite. Cette défaillance est la résultante des années de mauvaises gouvernances, des crises politiques, des guerres et se trouve être à la base du sous développement de la population congolaise et de l'insécurité qui règne dans le pays. Car, la multiplicité et la technicité croissante des problèmes à résoudre en l'absence d'une solide administration plonge l'Etat dans un immobilisme structurel lui permettant ni d'assurer le contrôle de la population moins encore de garantir son bien être. Mais comment cette administration efficace dans les premières heures de sa création, se retrouve-t-elle aujourd'hui désarticuler ? · Les différentes phases d'évolution de l'administration congolaise L'évolution de l'administration congolaise correspond à la courbe politique du pays ; elle s'étale sur deux grandes périodes à savoir : la période coloniale et la période du Congo indépendant et souverain. a. La période coloniale (1885-1960) Le coeur du système colonial avait été l'administration. Elle avait systématiquement pénétré la société congolaise et l'avait organisée. La densité de l'administration au Congo, fait remarquer Raymond Leslie Buell, était la plus forte de toute l'Afrique, à l'exception de la Mauritanie et du Dahomey. Il n'était pas possible à un congolais, qu'il résidât en ville ou dans la brousse, de ne pas s'apercevoir qu'il était administré : ce qui différenciait le système belge des autres, c'est l'extension de l'administration, sa présence et son organisation dans la brousse même. Malgré son caractère colonial, l'administration mise en place par le Roi Léopold II et reformée par la Belgique bien après, était une structure viable à tel enseigne qu'on ne ressentait pas immédiatement les conséquences d'une nomination mal faite, alors que dans le cas d'un administrateur territorial, qui occupait un poste de commande dans l'immédiat, on ne tardait pas à payer l'erreur51(*). Le régime colonial organisa l'administration, par le décret royal d'avril 1887, en deux structures essentielles : l'administration centrale et l'administration locale. L'administration centrale ou le gouvernement comprenait l'administration centrale métropolitaine, tenue par le roi qui concentrait le pouvoir entre ses mains ainsi que le gouvernement général, tenu par un administrateur général représentant officiel du roi dans la colonie qui prit le titre de Gouverneur général et assisté d'un vice Gouverneur dès 1889. L'administration locale était quant à elle organisée à l'intérieur de la colonie et avait en charge des zones urbaines ainsi que les zones rurales. L'élément le plus efficace de cette administration était le service territorial. Celui-ci dirigé par des agents européens blancs secondés par des assistants noirs52(*). La réforme opérée par la Belgique à travers notamment la charte coloniale n'apportât pas des changements structurels et fonctionnels notables. Elle consista spécifiquement en la suppression des abus les plus criants du système léopoldien très contesté par l'Occident. Dans le fond, la Belgique poursuivit intégralement l'oeuvre coloniale c'est-à-dire l'exploitation du territoire et du peuple congolais au profit du royaume. Le paternalisme, système institué à cet effet, consista à prendre en charge les congolais considérés comme des perpétuels enfants. L'agronome (un par territoire), secondé par des assistants africains et tout un réseau de « moniteurs » formé de façon rudimentaire et chargés de mettre en contact pratiquement toute la population avec le système administratif, était une figure aussi familière qu'impopulaire. La législation autorisant 60 jours par an (45 après 1955) de travail obligatoire dans l'agriculture (ou autres travaux principalement) fut appliquée jusqu'en 1960, bien qu'à ce moment on l'eut en pratique largement abandonnée. On pratiquait surtout ce travail obligatoire dans les régions cotonnières, qui couvraient des larges surfaces surtout à l'Est, et dans les banlieues rurales de centres urbains ainsi que dans les camps miniers, afin de procurer à la population africaine des éléments de base de son régime alimentaire. Dès 1937, on estimait que ce système touchait 700.000 chefs de famille. Qu'il s'agisse des agents européens de l'administration ou des agents des compagnies privées, on semblait avoir pris pour norme un agent pour 2 à 3000 ouvriers. L'administration se faisait sentir de bien d'autres manières encore. C'étaient les villages qui étaient chargés d'entretenir le réseau, relativement dense, des routes secondaires. Jusqu'à l'introduction généralisée - assez récente - du transport par automobile et camions, les réquisitions de main d'oeuvre pour le portage furent une scène courante de la vie des villages. En beaucoup d'endroit, l'administration avait réquisitionné des villages, pour se loger à proximité des routes. Jadis on avait pratiqué sur une grande échelle le recrutement forcé pour les mines, les plantations et l'armée ; après la guerre le problème fut plutôt de mettre fin à l'exode rural. Les excellents services médicaux eux-mêmes se montraient partout : l'on fit de vastes campagnes d'immunisation pour déceler et éliminer les épidémies surtout la maladie de sommeil. Les officiers de l'administration étaient obligés de passer 20 jours par mois dans la brousse ; les instructions qu'ils recevaient soulignaient que, le gouvernement attachait la plus grande importance à ce que les fonctionnaires territoriaux visitent fréquemment les diverses parties du territoire soumis à leur autorité et entrent chaque fois en relations avec les indigènes53(*). Le constat est que l'administration coloniale a été opérationnelle peu importe sa barbarie, ses finalités et ses bénéficiaires. Mais l'immobilisme structurel de la Belgique ne permit pas de préparer la relève. Aucune disposition n'a été prise pour assurer une continuation responsable et efficace de cette administration après l'indépendance. Pas de perspective pour la formation et même la responsabilisation graduelle des autochtones congolais. Le peuple devrait par contre être maintenu dans l'ignorance pour éviter des contestations. « Pas d'intellectuels, pas des problèmes » pensait le colonisateur.
L'ère post coloniale présageait inexorablement un vide administratif, c'est-à-dire que le Congo devint indépendant en l'absence de toute tradition administrative. La gouvernabilité de l'Etat était complètement compromise. b. l'administration à l'ère du Congo indépendant et souverain (1960 à ce jour). La décolonisation du Congo, la plus rapide qu'un pays africain ait connu, s'est faite dans la douleur. L'indépendance a directement donné lieu à des crises et des guerres qui n'ont pas permis aux nouveaux dirigeants congolais, peu ou pas formés, de se concentrer sur l'avenir de ce jeune Etat. L'échec d'une communauté belgo congolaise conduisit à la rupture de l'Etat normal au sein de ce nouvel Etat avec pour toile de fond la question de l'africanisation. De même que dans tous les autres secteurs de la vie de l'Etat, les congolais revendiquèrent la commande de l'administration occasionnant ainsi le départ des agents européens sans qu'ils n'aient véritablement divulgué le secret de l'organisation et du fonctionnement de cette administration qu'ils ont tenu d'un bout à l'autre pendant près d'un siècle. Du jour au lendemain et par une stratégie de remplissage, des simples agents congolais se virent placés devant la responsabilité d'administrer le pays. Cette absence d'expertise dans ce secteur vital ne pouvait qu'avoir des conséquences funestes. Le pays aura été quasiment placé sous tutelle en recourant à l'assistance technique et administrative de l'ONU pour éviter des dommages irréparables. Mais la conception même de cette assistance en faisait une armature parallèle et totalement étrangère à l'administration congolaise, et qui de plus ne fonctionnait qu'au niveau central et provincial. Le fonctionnaire, lui, restait derrière son bureau, contemplant sans pouvoir y apporter remède. Dans ces circonstances, il est remarquable que le travail de routine ait pu continuer dans l'administration centrale et que dans beaucoup de territoires, l'administrateur ait si souvent réussi à maintenir l'ordre public d'une façon satisfaisante54(*). La dégradation de l'administration va davantage s'empirer et ce malgré les tentatives de reforme, du fait de la persistance des crises et des conflits armés sanglants. Elle perdit de son efficacité et ne constitua plus ce rempart contre les troubles politiques que connaissait désormais le pays. La partition de l'Etat en plusieurs zones où régnaient des wars lords ou seigneurs de guerre aura consacré le démembrement de cette administration déjà mal en point. L'évolution de l'administration va malheureusement correspondre à la courbe tumultueuse du secteur politique. Aux différents changements politiques correspondaient autant de scissions ou de regroupements des secrétariats généraux ou d'adaptations terminologiques. Tout cela ne cessa de bouleverser la physionomie de l'administration congolaise. Le désordre s'accentua surtout avec la politisation de tous les secteurs de la vie nationale sous la deuxième république ; l'administration fut complètement soumise au MPR parti - Etat. Ce qui ne fut d'ailleurs pas sans conséquences car, la suppression de certains organes du parti dès 1980 entraîna un déversement dans l'administration d'un personnel pléthorique et non qualifié. La révolution de mai 1997 ainsi que le coup d'Etat de janvier 2001 vont en rajouter. Les reformes décrétées à chaque changement politique n'auront été que des effets d'annonce. Le chaos administratif est encore évident à ce jour. Ce rappel historique nous permet d'affirmer que si c'est par l'administration que l'entreprise coloniale a trouvé d'assise véritable, c'est par elle aussi que le Congo renaissant doit chercher à assurer le contrôle et la maîtrise de son espace géopolitique interne en changeant simplement des moyens et des finalités. L'administration doit constituer le premier palier sur le quel l'élite politique congolaise incontestablement légitimé par un processus électoral devra s'accouder pour la réalisation du bien être collectif. La forme unitaire fortement décentralisée consacrée par la constitution de février 2006 ne pourra produire des résultats escomptés que dans l'hypothèse d'un aboutissement rationnel et réel d'un processus de reforme global de l'administration. Cette réforme devra consister non seulement dans l'adaptation de l'administration aux critères d'organisation moderne (aspect structurel) mais aussi dans l'amélioration des conditions de travail ainsi que de traitement des fonctionnaires congolais (aspect fonctionnel). La réforme devra aussi être intégrale, c'est-à-dire prendre en compte tous les échelons de l'administration à la fois les services centraux, qui se limitent aux fonctions de direction, les services locaux qui assurent les fonctions d'exécution et de gestion quotidienne ainsi que les services spécialisés qui sont plus techniques et se chargent du contrôle, de la surveillance et de la réglementation de tous les domaines de la vie des populations en milieux urbain et rural. Il s'agira en outre de résoudre à tout prix la question des interférences des cabinets politique dans les activités de l'administration, principale friction, de paralysie et de gabegie. L'amalgame qui a toujours régné entre les deux niveaux doit être entièrement solutionné pour permettre à l'administration de remplir véritablement ses missions au bénéfice de la souveraineté interne et du bien être des citoyens. Les cabinets qui ne sont que des institutions d'appoint, permettent aux responsables politiques de gérer la clientèle politique mais ne peuvent en aucun cas se substituer à l'administration qui normalement assume la gestion du pays au quotidien. Cependant, quoi que servant d'auxiliaire au pouvoir public dans la réalisation du bien être général, et bien que jouissant du privilège du préalable dans l'accomplissement de ses missions, l'administration de même que les institutions politiques doivent subir le contre poids d'un pouvoir judiciaire véritablement indépendant et organisé. * 49 Professeur Bola, Introduction à la science administrative, cours inédit, G1 Ri, SSAP, UPN, Kinshasa, 2003-2004. * 50 Crawford Y, Introduction à la politique congolaise, IRES, Kinshasa, 1965, p226 * 51 Crawford Y, Op Cit, p12 * 52 Prof Tshisungu, Histoire administrative du Congo, cours inédit, G1 RI, SSAP, UPN, Kinshasa, 2003-2004 * 53 Crawford. Y, Op Cit, pp12-13 * 54 Crawford Y, Op Cit, pp238. |
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